Système de santé en crise, personnel en souffrance. Plusieurs milliers de manifestantes et de manifestants ont occupé la place Fédérale le 22 novembre pour dénoncer la situation dans le secteur des soins. Et pour cause. Les maux qui frappent les salariés du domaine dans les hôpitaux, les EMS, ou encore ceux travaillant à domicile, restent sans remèdes. L’hémorragie de professionnels se poursuit. La sécurité des soins est menacée. Et aucune amélioration ne se dessine par manque de volonté politique. Le projet du Conseil fédéral ne prévoit pas en effet de dotation en personnel, ni de financement adapté. Et se trouve en porte-à-faux avec la volonté populaire. Après le choc du Covid, les citoyens s’étaient pourtant clairement exprimés en 2021 en faveur de l’initiative «Pour des soins infirmiers forts», adoptée par plus de 60% des voix. Les applaudissements aux balcons appelaient des actes concrets. Les plaies tout juste cicatrisées de la pandémie avaient mis en lumière un secteur en situation critique et un manque cruel d’employés, confrontés à des conditions de travail difficiles. Conditions qui n’ont pas été améliorées depuis, malgré les manifestations de solidarité de la population.
Cadences infernales, surmenage, épuisement, taux de rotation sans fin, désertion de la profession: le milieu des soins hospitaliers comme celui des EMS est à bout de souffle. Le diagnostic posé n’a pas entraîné de changement de paradigme. Avec, pour conséquences, l’impossibilité d’assurer un accompagnement digne des patients; avec des malades qui deviennent des clients; où chaque geste est chronométré; où faire un brin de causette génère des retards en cascade; où la prise en compte de la dimension humaine est devenue un luxe quand bien même ce facteur se trouve le plus souvent à l’origine du choix des métiers concernés; une pression au rendement continuant à fragiliser une branche déjà mal en point. Cette situation se traduit par le départ de nouveaux professionnels préférant raccrocher leur blouse blanche plutôt que de mettre en péril leur santé comme celle de la patientèle. Quadrature du cercle révélatrice d’une maladie structurelle chronique. Dans ce contexte, l’Alliance des professions de la santé dans laquelle Unia s’engage en force, en particulier pour le personnel des soins longue durée, s’est mobilisée pour dénoncer une fois encore la situation inacceptable des travailleuses et des travailleurs de la branche. Et réclamer la fin de la logique actuelle dominée par le seul profit. Une tendance marquée par le retrait progressif de l’Etat pour laisser la place à des acteurs privés qui mesurent le pouls du secteur à l’aune de leurs gains. Cela alors que les autorités cantonales adoptent des politiques d’austérité affaiblissant encore le domaine, et plombant davantage le moral du personnel.
Il faut aujourd’hui une véritable révolution sociétale où l’accompagnement des personnes soit placé au centre des préoccupations. Où les effectifs médico-sociaux puissent bénéficier de conditions d’emploi dignes. Des impératifs dans l’intérêt de tous. Maladie et vieillesse n’épargnent personne. La population doit pouvoir être assurée de bénéficier de prestations de qualité. Un défi d’autant plus grand à relever que, d’ici à 2040, la Suisse devrait manquer de quelque 40000 infirmiers et 5500 médecins. A cette même échéance, les soins de longue durée augmenteront de 43%, 626 nouvelles maisons de retraite devront être ouvertes, six millions d’heures de travail supplémentaires seront nécessaires pour les services d’aide à domicile. Sans une réaction politique forte, à la hauteur des enjeux, il n’y aura aucun espoir de rémission pour des soins déjà sous perfusion.