Cent ans après la grève des sardinières de Douarnenez, en Bretagne, la localité abrite toujours des usines de conserverie. Des sites où les conditions de travail restent difficiles, mais où les ouvrières se sont mises une nouvelle fois en grève, en mars 2024!
Tout cela, on l’apprend dans l’excellent petit ouvrage de Tiphaine Guéret, journaliste indépendante, Ecoutez gronder leur colère. Les héritières des Penn sardin (têtes de sardines, en breton, ndlr) de Douarnenez.
46 jours de grève en 1924
Cette grève est emblématique pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’un jour de novembre 1924, 2000 ouvrières de toutes les conserveries de sardines de la ville débrayèrent pour exiger la revalorisation de leurs salaires de misère. Ensuite, parce que la grève, dure et violente, dura 46 jours, ce qui est extrêmement long. Ensuite encore, parce que cette action fut essentiellement menée par des femmes, qui battaient le pavé au son de L’Internationale, levant le poing contre leurs conditions de vie inhumaines.
Les patrons capitulent
Comme le souligne Tiphaine Guéret, la grève sera finalement un succès. En effet, le 6 janvier 1925, les usiniers (patrons) capitulent. Ils accordent aux travailleuses une augmentation de salaire, la reconnaissance du droit syndical, la majoration des heures de nuit (à partir de minuit), le paiement des heures supplémentaires et la protection des grévistes contre le renvoi. Ce qui fait dire à l’auteure de ce magnifique ouvrage: «Une page de l’histoire ouvrière de la Bretagne – et de la France – vient de s’écrire.» Avant de préciser que cette grève provoque une mobilisation enthousiaste jusque dans les rues de Paris et inquiète ceux qui, quelques années à peine après la Révolution russe, craignent de voir Douarnenez se transformer en «laboratoire du bolchévisme».
La grève de 2024 fait du bien
Grâce à Tiphaine Guéret, on apprend non seulement qu’il y a encore des usines de conserverie de sardines à Douarnenez, mais qu’en plus, quelque 250 travailleuses et travailleurs se sont mis en grève chez Chancerelle, la plus ancienne sardinerie du monde, le 11 mars 2024! Le contexte est difficile, car cette entreprise familiale a muté en groupe capitaliste financier, a commencé à délocaliser (au Maroc) et occupe essentiellement une main-d’œuvre étrangère de femmes exilées. Malgré cela, et même si cette fois l’arrêt de travail ne dure qu’un jour, un accord est négocié avec la direction. Il prévoit notamment une revalorisation du taux horaire de 2,3%, 50 euros supplémentaires sur la prime de vacances et 10 euros de plus sur la prime d’habillage. Ce n’est pas rien, mais certaines travailleuses estiment que ce résultat est trop modeste. Beaucoup d’ouvrières se réjouissent toutefois de l’élan impulsé par le débrayage de mars 2024. «Ça fait du bien de faire la grève, dira l’une d’elles. A la production, presque toutes les filles ont fait grève sauf les intérimaires.» Tiphaine Guéret ajoutant: «La découverte de la grève, c’est aussi celle des stratégies militantes.»