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Quand le débat dérape

«Le racisme gangrène Lausanne.» Le titre du communiqué des collectifs Outrage collectif, Droit de rester Vaud, Jean Dutoit et R, soutenus par d’autres au-delà du canton, a le mérite d’être clair. Les collectifs dénoncent ainsi la tribune offerte dans les médias romands à des propos diffamatoires et racistes. Si le deal de rue a été mis une nouvelle fois en lumière, dans le cas présent, il semble que l’irrespect, les amalgames, les préjugés et la xénophobie mènent le débat. Une polémique lancée par un cinéaste lausannois pourtant réputé pour sa défense des droits des immigrés, qui s’est permis de poster des photos de jeunes Noirs sur les réseaux sociaux en les accusant de dealer. Qui d’entre eux oseront porter plainte sachant que certains sont dans la situation fragile d’avoir été déboutés de l’asile ou sans papiers, bref interdits de travailler légalement? «Une mafia!» diront certains. Mais qui sont vraiment ces jeunes hommes debout toute la journée, qui jouent au chat et à la souris et dorment dans la rue. A quoi rêvent-ils? A leur famille restée au pays? A leur périple de tous les dangers? Qui sont-ils vraiment? Quels sont leurs parcours? Quelles sont leurs libertés de choix?

 

«Parler du deal de rue en ciblant exclusivement des hommes noirs venus d’Afrique de l’Ouest est un cliché raciste récurrent qui encourage et banalise le racisme anti-Noirs», soulignent, à raison, les collectifs de soutien aux migrants. «Pourquoi les Suisses consomment-ils de la drogue illégale (ou légale, ndlr)? Car la Suisse privilégie une culture de la performance et du pouvoir», analysent-ils, relevant que «la répression n’a jamais permis d’éradiquer la drogue nulle part». Et ils ne sont pas les seuls à l’affirmer, preuves à l’appui. Par contre, les politiques de prévention, notamment dans les écoles, semblent porter leurs fruits vu la réduction drastique des problèmes de consommation de stupéfiants ces dernières années chez les 11-15 ans.

 

Les mesures mises en place par la Ville de Lausanne ne sont que des sparadraps sur des plaies ouvertes: vingt agents mobilisés entre 8h et 22h dans six zones du centre-ville. Sociologues et spécialistes relevaient dans les médias la semaine dernière que ces mesures pouvaient même accentuer le sentiment d’insécurité et le racisme bien sûr. Une approche communautaire avec le soutien de travailleurs sociaux aurait certainement coûté moins cher et permis une action durable. Et quels seront les effets collatéraux de cette invisibilisation du deal de rue?

Dommage que le cinéaste – pourfendu par ses pairs qui dénoncent ses méthodes dans une lettre ouverte – n’ait pas tenté cette fois-ci de faire un documentaire sur ce monde sous-terrain. Car s’il y a des coupables, ils ne sont pas seulement dans la rue. Les politiques néolibérales, le néocolonialisme, la compétition de tous contre tous, l’appât du gain, sont autant de maux qui gangrènent le monde et nourrissent le trafic de drogues, dont le deal de rue n’est que l’infime pointe de l’iceberg.