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Personne à la rue!

«Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à 3h, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsée. Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu.» Ces mots ont été prononcés par l’Abbé Pierre le 1er février 1954. Près de 70 ans plus tard, la question du sans-abrisme reste brûlante. Elle atteint même des degrés indécents lorsque des travailleuses et des travailleurs de centres d’hébergement d’urgence se mobilisent pour ne pas perdre eux-mêmes pied. C’est le cas en Angleterre où, face à la crise inflationniste, le personnel de l’ONG Shelter a fait grève – comme de nombreux autres corps de métier – pour demander les hausses de salaire nécessaires au paiement de leur propre loyer.

A Lausanne, submergés par le nombre de SDF, les collaborateurs de la Fondation Mère Sofia ont aussi refusé de continuer de travailler dans des conditions indignes. Alors que le centre d’accueil d’urgence Le Répit n’offre pas plus d’une centaine de lits de camp, 150 à 170 personnes avaient afflué chaque nuit dès son ouverture en novembre. Après quelques jours de pourparlers avec la Ville, deux agents de sécurité assurent désormais que la limite ne soit pas dépassée. Mais que deviennent les autres, alors que toutes les structures d’accueil saturent elles aussi? Hors institutions, le collectif Jean Dutoit appelle également à l’aide depuis des mois, logeant actuellement une quarantaine de personnes dans un restaurant désaffecté aux conditions insalubres. Genève, de son côté, a lancé son «Plan grand froid» en ouvrant 80 places supplémentaires depuis le 11 décembre. Avec cette mesure temporaire, la ville du bout du lac peut dès lors accueillir 638 démunis au total. En comparaison, le nombre de lits à Lausanne paraît particulièrement bas: 108 à l’année, auxquels s’ajoutent en hiver une centaine au Répit et une quarantaine dans la structure Borde 47.

La Suisse compte 2200 sans-abri et 8000 personnes si fragiles financièrement qu’elles risquent de perdre leur logement, selon un rapport fédéral publié cette année. Face à cette situation, la conseillère nationale Ada Marra, par le biais d’une initiative parlementaire, veut faire interdire les expulsions en hiver. A Lausanne, le Conseil communal lausannois a accepté, le 6 décembre, une augmentation du budget des hébergements d’urgence de 200000 francs. Un montant qui risque d’être insuffisant, comme l’ont dénoncé des militants pour les droits humains, le soir même, devant l’Hôtel-de-Ville. Aux côtés des collectifs Personne à la rue et 43m2, l’association Sleep-in a réclamé le respect des droits fondamentaux et rappeler les véritables causes du sans-abrisme. A savoir: «les politiques migratoires racistes», «la mondialisation avec son exploitation du Sud par le Nord», et «le marché libéral». Bref, la cupidité et le manque d’amour.