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Manifester, un droit sacré

Pas de mains collées sur le bitume cette fois-là, mais le projet d’une marche lente dans les rues de Sion, en Valais. Une idée avortée dans l’œuf. Le 15 juillet dernier, une vingtaine de sympathisants de Renovate Switzerland ont été interpellés par les forces de l’ordre. Contrôle d’identité, fouille de leurs affaires, confiscation de mégaphones et de banderoles: neuf policiers ont empêché la poignée d’activistes climatiques de défiler pacifiquement dans la capitale valaisanne pour dénoncer l’urgence environnementale. La manifestation avait été notifiée auprès des autorités la veille, mais elle n’avait pas obtenu leur feu vert. Un refus et une réaction qui laissent un goût amer. D’abord, parce qu’ils violent la liberté d’expression et de réunion. Ensuite et de manière plus générale, parce que soumettre le droit fondamental de se rassembler à une autorisation constitue une entrave à son exercice.

Dans un autre registre, ce sont les adeptes de la mobilité douce qui ont été visés. Les Critical Mass, ces cortèges de cyclistes organisés spontanément tous les derniers vendredis du mois dans plusieurs villes de Suisse, ne pourront plus se dérouler à Zurich sans bénéficier au préalable du blanc-seing des autorités. Une décision prise après une plainte du PLR. Qui, pour la petite histoire et dans un même esprit, s’en est pris aux militants climatiques se fendant d’une affiche mensongère. Celle-ci, réalisée en vue des élections fédérales de cet automne, met en scène, grâce à l’intelligence artificielle, des activistes de Renovate Switzerland, barrant la route à une ambulance... L’idée est de dénoncer «les actions destructrices» des militants. On n’est pas à une absurdité près.

Mais revenons à nos moutons. Les féministes se sont, elles aussi, heurtées à l’intransigeance des autorités refusant, lors de la mobilisation du 14 juin à Neuchâtel, le tracé envisagé. Le mouvement souhaitait passer par une avenue qui n’avait pas été contestée lors de la dernière édition du genre, en 2019. Un espace accueillant régulièrement des événements. Bravant l’interdit et alors qu’un recours était toujours pendant au Tribunal cantonal neuchâtelois, les organisatrices de la rencontre ont maintenu le parcours initial. Elles ont jugé l’alternative exigée inadaptée et la décision contraire aux droits démocratiques. Résultat: une des chevilles ouvrières de la manifestation a été convoquée par la police et risque une peine privative de liberté ou pécuniaire...

Quelques exemples qui mettent à mal des libertés citoyennes. Et cela alors que les lourdeurs et les obstacles administratifs pour pouvoir manifester se multiplient, que les sanctions se durcissent. Amende. Prélèvement de l’ADN. Arrestation et détention. Fouille corporelle. Casier judiciaire. Autant de menaces qui pèsent sur les activistes à l’image, pour citer un autre exemple récent, de membres de Renovate Switzerland qui, le 17 juillet dernier, ont été soumis à un prélèvement d’ADN pour avoir filmé une action du mouvement organisée en juin à Sion et après avoir passé plus de sept heures en prison... Comme s’il s’agissait de dangereux malfaiteurs. Autant de pratiques qui visent à criminaliser les militants et à les dissuader de défendre leur cause. A casser leurs velléités de s’engager quand bien même ils ont le droit international pour eux. Ce droit humain fondamental qui, rappelle Amnesty International, permet les manifestations pacifiques sans autorisation et légitime la désobéissance civile non violente. Car, faut-il le rappeler, les actions publiques constituent des moyens efficaces de visibiliser des problématiques et de pousser les politiques à s’en saisir. Même dans une démocratie directe, manifester reste un outil supplémentaire précieux, utilisable par tous, propre à interroger et à générer des changements en l’occurrence, dans ces cas-ci, indispensables.