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Les cigarettes de la colère

dessin montrant les grévistes devant leur usine.
Image tirée du livre

La bande dessinée «La révolte des cigarières» retrace l’histoire captivante de la première grève entièrement menée par des femmes en Suisse. Entretien avec son auteur, Eric Burnand.

En 1907, Sara, une jeune mère célibataire, est engagée par la fabrique de cigares d’Yverdon. Dans l’usine, propriété de la famille Vautier, la colère gronde. Cadences infernales, horaires interminables, salaires dérisoires: soumises à des conditions de travail exécrables, les petites mains féminines formant la main-d’œuvre n’en peuvent plus. Mais se voient interdites de se syndiquer. Pas de quoi dissuader quelques courageuses ouvrières qui, tenant tête au patronat, optent pour la lutte et organisent la grève. Un mouvement qui va ébranler la bonne société locale, révéler une solidarité ou des clivages parmi les ouvrières et faire éclater un secret de famille. Ecrit par le journaliste Eric Burnand et joliment illustré par Fanny Vaucher, La révolte des cigarières retrace ce conflit social composant une page majeure de l’histoire syndicale et féministe helvétique.

Trouvaille émouvante

«C’est un événement local peu connu du grand public, mais d’une portée nationale. Il s’agit en effet de la première grève entièrement organisée par des femmes, comme j’ai pu vraiment le vérifier», note l’auteur, qui mettra la main sur une trouvaille «émouvante»: un tract des cigarières, conservé par le maire d’Yverdon et confirmant les informations existantes. «La bande dessinée raconte cette histoire de leur point de vue. Une manière de faire aussi un pas de côté par rapport au pouvoir, tout en entrant en résonance avec des luttes actuelles», précise l’homme qui, se revendiquant de la génération soixante-huitarde, indique être sensible à ces questions. Et cela alors que les grèves féministes se poursuivent, notamment pour réclamer l’égalité salariale. L’ancien journaliste de presse écrite et collaborateur de la RTS attirera aussi l’attention sur la position peu reluisante du syndicat de la branche de l’époque, devenu la FCTA. La Fédération du commerce, des transports et de l’alimentation ne s’intéressait alors pas aux rémunérations des ouvrières et ne voulait pas d’affiliées. «Elle pensait que les salaires trop bas des travailleuses ne leur permettraient pas de payer les cotisations.» Après la victoire des grévistes, le syndicat en question ne manquera pas néanmoins de la récupérer à son compte...

Intrigue romanesque

Si La révolte des cigarières se base sur des faits dûment documentés – comme en témoignent les annexes et les photos d’archives figurant à la fin de l’ouvrage – le récit ne se prive pas d’une part fictive. Et met en scène des protagonistes imaginés qui auraient toutefois facilement pu s’inscrire dans la réalité de ce début du XXe siècle. «L’idée consistait aussi à jouer sur l’intrigue romanesque et l’émotion», commente Eric Burnand. Quant au choix du support, il s’explique par la volonté des auteurs d’atteindre un large public, eux qui ont déjà réalisé ensemble deux autres bandes dessinées à succès, Le siècle d’Emma et Le siècle de Jeanne. Après les XIXe et XXe siècles abordés dans ces opus, un nouveau volume sur le XVIIIe siècle, raconté par des jumeaux, pourrait voir le jour, annonce Eric Burnand. De quoi réjouir les amateurs de BD et d’histoire.

«La révolte des cigarières», Eric Burnand et Fanny Vaucher, éditions Antipodes, 2025, 208 pages.

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