Le référendum sur le droit de timbre est sous toit
La gauche et les syndicats ont recueilli près de 70000 signatures contre le cadeau de 250 millions de francs offert à la place financière et aux actionnaires
Forts de près de 70000 signatures, la gauche et les syndicats ont déposé la semaine dernière le référendum contre la suppression du droit de timbre d’émission.
Pour mémoire, l’abolition des timbres fédéraux, soit les taxes perçues par la Confédération sur les transactions financières, est évoquée depuis longtemps à Berne. Au printemps, la majorité de droite du Parlement avait décidé d’avancer par étapes en commençant par liquider le timbre sur l’émission de capital propre, soit un prélèvement de 1% sur les droits de participation (actions, parts sociales) qui a rapporté 220 millions de francs l’année passée à la caisse fédérale. Pour l’Union syndicale suisse (USS), le Parti socialiste et les Verts, qui ont actionné le référendum, ce projet ne profitera qu’à la place financière, aux grandes fortunes et aux hauts revenus propriétaires de portefeuilles d’actions bien garnis. L’ancien conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz, que l’on ne soupçonnera guère de pencher à gauche, avait dû d’ailleurs admettre en 2005 que «les bénéficiaires seraient les multinationales, les banques, les assurances et les holdings, mais pas les PME». «55 grandes entreprises, compagnies d’assurance et banques sont les principales bénéficiaires», a souligné le coprésident du PS, Cédric Wermuth, à l’occasion du dépôt des signatures.
Un premier résultat
«Accorder des avantages fiscaux aux riches investisseurs et aux hauts revenus est particulièrement scandaleux dans le contexte actuel où le pouvoir d'achat des travailleurs et des travailleuses à bas et moyens revenus est soumis à une forte pression. La suppression du droit de timbre ne leur apportera rien», s’indigne, de son côté, Pierre-Yves Maillard, le président de l’USS. Selon les estimations de la gauche, l’abandon du droit d’émission fera perdre ces prochaines années jusqu’à 250 millions à la Confédération, qui disposera donc de moins de moyens pour soutenir la formation, l’agriculture, le sport, la culture et les médias ou encore mener des politiques en faveur de l’environnement. «Les pertes fiscales engendrées par cette suppression mettent en danger des investissements essentiels pour lutter contre le dérèglement du climat, alors que nous en avons besoin de toute urgence pour atteindre nos objectifs climatiques», juge la vice-présidente des Verts, Franziska Ryser.
Le lancement du référendum a eu un premier résultat, celui de faire reculer la droite sur les autres volets de sa réforme, au moins provisoirement. Entre août et fin septembre, les Chambres ont en effet décidé de renoncer à enterrer les autres timbres, le droit de négociation sur l’achat et la vente de titres (1,24 milliard de recettes fiscales en 2020), ainsi que le droit sur les primes d’assurance (710 millions de recettes). Avec le droit d’émission, le manque à gagner se serait élevé à environ 2,2 milliards. Pour le conseiller national Samuel Bendahan (PS/VD), «cette suspension inattendue n’est probablement que provisoire. La droite met de côté de nouvelles baisses ou suppression d’impôts uniquement dans l’attente de la votation.»
Celle-ci devrait se tenir le 13 février 2022. Elle sera donc capitale si l’on veut éviter que les partis bourgeois ne reprennent leur entreprise de saucissonnage du droit de timbre.