Une vidéo de Thierry Porchet.
Le militant de l’horlogerie qui court après le temps...

«Je ressens le besoin de lutter contre les injustices. De me montrer utile pour les autres. Dans un esprit de solidarité et de camaraderie», confie Sébastien Vanhelle.
Carrossier-peintre, magasinier, chauffeur de poids lourds... Sébastien Vanhelle a travaillé dans différents domaines avant d’être engagé, depuis 18 ans, par l’entreprise Breguet à L’Orient, dans la vallée de Joux. Le monde de l’horlogerie l’a néanmoins toujours séduit. Un intérêt qui plante ses racines dans l’enfance. «Mon grand-père possédait une société de décolletage à Grand’Combe-Châteleu, dans le Doubs. Je me souviens de sa loupe sur le front, de l’odeur d’huile dans l’usine, des outils et des petites pièces qu’on fabriquait... J’étais fasciné», raconte le Français de 55 ans, aujourd’hui employé comme agent méthode spécialisé dans les métiers d’art (guillochage, anglage, émaillage, etc.). Ce poste l’amène à établir les processus de fabrication, à lister les instructions de travail ou encore à préciser la durée d’exécution des pièces. «Les qualités requises pour la tâche? Elle nécessite d’être observateur, patient et ordonné. Même si, concernant ce dernier point, mon épouse ne me voit pas comme ça, mais à la maison, je me lâche», rigole le technicien, qui précise se passionner pour son activité. Une remarque qui résonne avec d’autant plus d’acuité que le quinquagénaire a été contraint à neuf longs mois d’arrêt et de souffrance.
Etre utile aux autres
«J’ai repris le travail il y a quatre semaines environ après avoir été victime d’un grave accident de moto. Un automobiliste inattentif m’a percuté... Il me tardait de reprendre mon job et de revoir mes collègues.» Des collègues pour lesquels il s’engage. «C’est eux qui m’ont poussé à devenir délégué syndical de l’entreprise», indique Sébastien Vanhelle, occupant cette fonction depuis trois ans avec deux autres de ses pairs. Et après avoir aussi été président et, auparavant, membre de la commission du personnel. «Mes motivations? Je ressens le besoin de lutter contre les injustices. De me montrer utile pour les autres. Dans un esprit de solidarité et de camaraderie», explique Sébastien Vanhelle, qui, dans le passé, et alors qu’il était jeune père, a été confronté à deux licenciements jugés inéquitables et aurait aimé qu’on l’épaule. Parmi les problèmes rencontrés aujourd’hui dans l’entreprise, le délégué mentionne le «mobbing et l’attitude de certains supérieurs écrasant leurs collaborateurs». «Il s’agit de faire remonter les informations au responsable des ressources humaines et au syndicat.»
Vigilance de rigueur
Le délégué temporise toutefois, relatant que, dans sa société, les conditions d’emploi sont plutôt bonnes. Il note également la richesse des échanges et la liberté de ton qui ont prévalu lors des négociations, ces deux dernières années, menées en vue du renouvellement de la Convention collective de travail de la branche. «Mais il faut continuer à veiller au grain», ajoute-t-il, relayant les inquiétudes du personnel horloger confronté à une industrie enregistrant une baisse des commandes et menacée de taxes douanières élevées. Un souci qui ne l’empêche pas de plaider pour une meilleure répartition des richesses, dans un secteur où il y a de la marge... Sébastien Vanhelle regrette dans la foulée le manque d’engagement de frontaliers, largement représentés dans les effectifs, qu’il explique par l’image erronée qu’ils ont du syndicat.
Culture du dialogue
«Les Français associent Unia aux organisations de travailleurs prévalant dans l’Hexagone, plus enclines à manifester dans la rue qu’à discuter. Ils ont souvent peur de franchir le pas, craignent la réaction du patron. Ici, en Suisse, on a pourtant une vraie culture du dialogue», déclare le militant, tout en insistant sur le «super soutien du syndicat». «Nous sommes une équipe d’amis. Et on acquiert plein de connaissances. Les non-adhérents loupent quelque chose.»
Outre sa passion pour la moto – l’accident ne l’a pas dégoûté de la pratique – Sébastien Vanhelle s’adonne volontiers au bricolage et précise avoir constamment mille choses à faire, lui qui participe aussi volontiers à des activités associatives. Et envisage de s’engager politiquement dans la commune où il habite, en France voisine. «Je cours sans cesse après le temps. J’en aurais besoin de davantage. Et je suis souvent en retard. Sauf au travail.» L’honneur est sauf alors pour le sympathique employé de la prestigieuse marque de montres qui fêtera cette année ses 250 ans d’excellence et de précision...