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La douleur des saisonniers se dévoile au cinéma

Mosaïque avec diverses images tirées du film.
© DR

Quelques images tirées du film Lettres ouvertes, racontant avec sensibilité et émotion les dures années vécues par ces ouvrières et ces ouvriers saisonniers et leurs enfants, restés au pays ou obligés de se cacher.

Le documentaire "Lettres ouvertes" de la réalisatrice genevoise Katharine Dominicé donne la parole à d’ex-saisonniers et à leurs enfants. A voir dans les salles dès le 10 mai

Le film Lettres ouvertes de Katharine Dominicé sort dans les salles de cinéma romandes aujourd’hui. Une série de projections est prévue en présence de la réalisatrice genevoise et de protagonistes du documentaire dont les origines remontent à l'exposition «Nous, saisonniers, saisonnières...Genève 1931-2019». Celle-ci a été présentée dans la ville du bout du lac en 2019 et est actuellement à l’affiche, augmentée d’un nouvel ancrage local, du Nouveau Musée Bienne (L’ES du 15 février 2023).

Des séquences tournées en Suisse, au Kosovo et au Portugal, des images d'archives de la RTS, et la voix off du scénariste et dramaturge Antoine Jaccoud, ont été ajoutées aux lettres ouvertes d’anciens saisonniers et de leurs enfants restés au pays ou cachés. Les témoignages de ces travailleuses et de ces travailleurs italiens, espagnols, portugais, ex-yougoslaves, ainsi que de leurs enfants, racontent notamment l’impact traumatisant des séparations imposées par les règles drastiques helvétiques. Voués à construire la Suisse, ces millions d’ouvriers et d’ouvrières, de par leur statut précaire, ont été de surcroît trop souvent exploités.

Travail de mémoire

«Il y a des choses qui doivent être dites, de celles qui sont restées sur le cœur, qui ont été difficiles à avaler… Il est temps que ça sorte, avant que cela ne soit oublié…» souligne la voix off d’Antoine Jaccoud en préambule, image de lettres et de baraquements en toile de fond. Les missives sont lues par celles et ceux qui les ont rédigées – avec le soutien de Katharine Dominicé –, à l’intention d’une maîtresse d’école, d’un frère, d’un père, d’un fils, d’une conseillère fédérale... Dans le documentaire, elles sont remises en contexte avec une grande sensibilité. Les années de séparation sont racontées avec dignité, malgré la violence sous-jacente, toujours présente dans les esprits et les corps de ces enfants, laissés au pays auprès de leurs aïeux, et de leurs parents qui pensaient que l’absence ne durerait qu’un temps. Comme seul lien, le téléphone, entre celui du bistrot du village et ceux des cabines de la gare de Genève, comme le montre les images d’archives de Lettres ouvertes. Ces dernières illustrent aussi les régions rurales de provenance des migrants des années 1970, quand on allait encore chercher l’eau aux fontaines et laver son linge dans la rivière. Pendant ce temps, les saisonniers construisaient les immeubles luxueux des organisations internationales et des hôtels de Genève (et d’ailleurs) avec toujours la même épée de Damoclès au-dessus de leur tête: celle du non-renouvellement de leur contrat de travail s’ils ne se pliaient pas totalement à leur patron. Le documentaire offre ainsi un retour nécessaire sur le passé, tout en éclairant le présent. Car l’exploitation et la violence administrative perdurent: les naturalisations restent complexes, même pour la troisième génération; et les regroupements familiaux sont toujours interdits pour bon nombre de personnes issues des nouvelles migrations.

Agenda

Projections en présence de protagonistes du film et de la réalisatrice Katharine Dominicé:

Genève, Grütli, 11 mai, 20h15*
Neuchâtel, Minimum, 12 mai, 19h*
Oron, Cinéma d’Oron, 13 mai, 18h
Lausanne, Zinema, 13 mai, 21h
Sainte-Croix, Royal, 14 mai, 18h*
Yverdon, Bel Air, 16 mai, 18h30
Morges, Odeon, 16 mai, 20h30
La Chaux-de-Fonds, ABC, 24 mai, 20h
Vevey, Astor, 25 mai, 18h30
Monthey, Plaza, 26 mai, 18h30
Martigny, Corso, 2 juin, 18h30

* En présence de Helena Verissimo de Freitas, l’une des protagonistes du film, secrétaire régionale adjointe d’Unia Genève.