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Henri Gautier ou le syndicalisme jusqu’à la mort

Couverture du livre

Jessie Magana nous raconte les combats de ce militant dans la France des années noires. Une histoire saisissante à découvrir et à transmettre

Il s’appelait Henri Gautier. Métallo, syndicaliste et communiste, il est mort en déportation. Un ouvrage retrace son parcours sous forme de roman historique illustré. Le récit commence un matin d’octobre 1940, à l’aube. La police du maréchal Pétain débarque chez Gautier. Elle l’arrête. Lors de cette rafle, la répression s’abat massivement: soixante-trois anciens responsables syndicaux connaissent le même sort, ainsi que des communistes, élus comme militants de base.

Gautier est placé dans un centre d’internement administratif avec de nombreux camarades. Dans ce cadre, ils organisent une grève afin d’obtenir le droit de recevoir des visites. Pour briser le mouvement, les gendarmes choisissent au hasard certains prisonniers, et les isolent en dégradant leurs conditions de captivité. Les détenus solidaires refusent alors les repas. A la suite de ces événements, Gautier est transféré à la centrale de Poissy, puis au camp de Châteaubriant. De là, il reprend la lutte. Au cours de leurs réunions, les militants évoquent les tracts, sabotages, cavales, ou autres collectes à réaliser. Gautier s’évade le 25 novembre 1941. Il vit ensuite caché à Paris, sous le nom de Duval. Responsable de la Fédération illégale de la métallurgie, il participe à la vie clandestine de la CGT. Repris en 1942, il est torturé par la police française et livré à la Gestapo. On le met à l’isolement dans un cachot. Il s’attend tous les jours à être fusillé. Les Allemands le martyrisent. Relatant ces abominations dans une lettre envoyée à sa compagne, il conclut son courrier en réaffirmant: «Je suis fier de ma vie de militant et la recommencerais entièrement s’il le fallait.» Déporté en camp de concentration, il meurt en 1945.

Le syndicalisme dans la clandestinité

L’ouvrage de Jessie Magana, accompagné de dessins réalisés par Sébastien Vassant, nous montre un engagement, un engagement au péril de la vie. Il articule étroitement les heures sombres de l’histoire marquées par le régime de Vichy et l’Allemagne nazie avec l’écrasement des libertés syndicales ou politiques. Dès lors, le passage à l’action clandestine s’impose chez de nombreux militants. Le syndicalisme doit, dans ce cadre, composer avec la terreur créée notamment par des exécutions pour l’exemple, en représailles à des actes de résistance. L’univers carcéral de l’Etat policier constitue, souvent, l’antichambre de la mort. Au cœur de cette histoire tragique, des savoir-faire militants se mettent en place. Un dispositif comme les «triangles» ‒ organisation en groupes de trois qui ne savent rien de l’activité des autres cellules ‒ permet par exemple d’éviter, lors d’aveux, les retombées négatives sur les autres personnes ou les actions à venir.

«Je ne regrette rien»

Le parcours d’Henri Gautier, syndiqué à la CGT depuis l’âge de 20 ans, donne un aperçu de ce que représente un syndicalisme de combat dans la vie d’un homme. Il faut noter que, si la période 1940-1945 présente une indéniable spécificité historique, Gautier a subi des retours de bâton pendant toute la durée de son engagement. Par exemple, lors du défilé militaire des fêtes de Jeanne d’Arc, il est arrêté en 1921 pour injures et cris séditieux. L’année suivante, il dirige au Havre la grande grève des métallos, lutte qui a duré 110 jours. Sa participation à une manifestation interdite lui vaut quatre mois de prison. A l’issue de son procès, il déclare: «Je ne regrette rien, si c’était à refaire, je le referais et ce qui reste à faire, je le ferai.» Ce chaudronnier a, par ailleurs, développé les œuvres sociales en faveur des métallos: colonie de vacances, maison de convalescence, centre de formation professionnelle, polyclinique… Dans ce livre, apparaît également l’amour de Gautier pour sa compagne Marcelle, ouvrière tailleure, et pour leur fille Michèle, qui a donc perdu son père à l’âge de 10 ans. Après la guerre, ces deux intimes n’ont jamais pu connaître les circonstances précises de son décès, malgré leurs démarches. K

 

D’espoir et d’acier. Henri Gautier, métallo et résistant, Jessie Magana et Sébastien Vassant, Les Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, Ivry-sur-Seine, 2018.

 

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