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Harcèlement sexuel: le congrès féministe de l'USS part au combat

Ruth Dreifuss
©Yoshiko Kusano

L’ancienne conseillère fédérale, Ruth Dreifuss, est intervenue à l’estrade du congrès féministe de l’USS.

Les attaques de la droite contre la démocratie se font aussi au détriment du corps des femmes, aujourd'hui plus que jamais. Il est donc d'autant plus important que les syndicalistes s'unissent et s'engagent en faveur de la protection de la santé spécifique aux femmes, contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et contre la discrimination salariale.

Cela ressemble à une sombre légende venue d'un lointain passé. Pourtant, c’était hier. Il fut un temps où les femmes mariées devaient demander la permission à leur mari avant de pouvoir occuper un emploi. Si elles voulaient ensuite ouvrir un compte bancaire pour leur salaire, elles devaient de nouveau demander l'autorisation de leur époux. La situation ne s'est améliorée qu'avec la révision du droit matrimonial en 1988. Depuis lors, les femmes ont lutté pour obtenir des progrès en matière d'égalité. Mais sur ce plan, la Suisse en est encore à ses balbutiements et rien n'est acquis pour toujours. 

Comme l'a déclaré la présidente d'Unia, Vania Alleva, lors du 15e Congrès féministe de l'Union syndicale suisse (USS): «A une époque où les droits des femmes et des minorités sont attaqués par les forces de droite dans le monde entier, nous nous engageons sans compromis en faveur d'une plus grande égalité. Il faut une pression venant de la base, dans les entreprises, dans la rue. Nous, les syndicats, nous engageons pour des salaires plus élevés pour les femmes, de bons salaires minimaux et une Loi sur l'égalité efficace.» 

Tous les quatre ans, des syndicalistes de toute la Suisse se réunissent pour faire avancer les revendications féministes. Aude Spang, secrétaire à l'égalité chez Unia, le formule ainsi dans les intentions: «Les femmes sont importantes pour l'avenir des syndicats. Si nous voulons plus de femmes dans les syndicats, nous devons sensibiliser à la cause féministe.»

En finir avec le harcèlement sexuel
Outre l'inégalité salariale, le congrès féministe de l'USS met l'accent sur la santé et la sécurité au travail pour les femmes et les personnes queer, ainsi que sur la violence sexuelle. Agota Lavoyer, experte en violence sexuelle, a présenté dans son exposé des chiffres effrayants sur le harcèlement sexuel: 97% des femmes sont victimes de harcèlement dans l'espace public. Près d'un demi-million de femmes ont été violées en Suisse. Le harcèlement sexuel est également très répandu sur le lieu de travail. La moitié des travailleuses en ont déjà été victimes. Les auteurs sont principalement des hommes. Il ne s'agit pas de sexualité, mais de domination et de pouvoir. Les expériences des femmes vont du sexisme quotidien et des blagues aux attouchements non désirés et aux agressions sexuelles, en passant par les viols et les féminicides.

Le harcèlement sexuel existe dans toutes les professions: dans les bureaux, les ateliers ou sur les chantiers, dans l'hôtellerie et la restauration, dans les transports, dans le secteur de la santé et dans le domaine social. Le congrès féministe de l'USS exige donc, entre autres, des règles et des mesures claires dans toutes les entreprises, des contrôles des dispositions de protection par les inspections du travail, la reconnaissance du harcèlement sexuel comme cause de maladie professionnelle et des campagnes de prévention régulières.

La norme masculine rend malade
La violence et le harcèlement sur le lieu de travail peuvent également avoir des effets négatifs sur la santé des femmes, allant dans les cas extrêmes jusqu'à une incapacité de travail permanente. Mais ce n'est pas tout: en Suisse, les femmes sont confrontées à une multitude de risques pour leur santé sur leur lieu de travail, bien plus que leurs collègues masculins. Et dans de beaucoup de domaines, l'homme reste la norme, y compris sur de nombreux lieux de travail. Prenons l'exemple des conductrices de bus: elles souffrent beaucoup plus souvent de douleurs que les hommes, car le volant et les pédales ne sont pas adaptés à leur morphologie.

La protection des femmes enceintes ou allaitantes reste également insuffisante. Contrairement à nos pays voisins, il n'existe par exemple pas de congé maternité prénatal. Les mères ne sont pas non plus suffisamment protégées contre le licenciement: une femme sur sept perd son emploi à cause de la maternité. La difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale est l'une des raisons du taux de natalité historiquement bas en Suisse.

C'est pourquoi le congrès des femmes de l'USS demande, entre autres, une prolongation de la protection contre le licenciement après l'accouchement. Mais aussi une meilleure protection de la santé des femmes enceintes, ainsi que des mesures visant à améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, comme, par exemple, une offre publique de garde d'enfants. 

Les femmes méritent mieux!
La discrimination salariale est un autre thème central du congrès. Les femmes gagnent encore en moyenne 1364 francs de moins par mois que les hommes! Sur l'ensemble de la vie active, la différence salariale atteint même 43,2%. Parce que les femmes assument la majeure partie du travail domestique non rémunéré, au détriment de leur revenu. Et parce que les femmes travaillent plus souvent dans des secteurs à bas salaires, tels que le nettoyage, la restauration ou le commerce de détail.

Les mesures visant à renforcer l'égalité salariale dans les entreprises sont insuffisantes. Notamment parce que seulement 0,8 % de toutes les entreprises en Suisse sont tenues de réaliser des analyses sur l'égalité salariale. Et parce qu'il n'y a pas de sanctions en cas d'infraction.

Le congrès féministe de l'USS réclame, entre autres, un salaire minimum de 5000 francs pour les personnes actives ayant suivi une formation professionnelle, un 13e mois pour tous, des mesures cohérentes contre la discrimination salariale dans les entreprises. Et le travail non rémunéré doit être reconnu comme une expérience professionnelle pour la réinsertion sur le marché du travail. 

Enfin, le congrès, à travers une résolution spécifique, affirme sa volonté à unir ses forces pour contribuer à la vaste mobilisation qui aura lieu le 14 juin 2027, dans le cadre de la grève féministe.

Un article publié originellement dans le journal Work

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