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Ex-militaires pour Israël devenus porte-paroles pour la paix

Des enfants jouent à la fouille sous les yeux d'un militaire.
© DR

 «Mains sur le mur, tête baissée: les enfants palestiniens d'Hébron “jouent” à la fouille, tant ils ont vu ces scènes se dérouler sous leurs yeux», a témoigné Ori Givati, ancien soldat israélien.

C’est au cours de leur service militaire que Rebecca Strober et Ori Givati ont pris conscience des violences infligées à la population palestinienne. L’ONG Breaking the Silence, invitée pour une série de conférences en Suisse, a récolté 1300 témoignages similaires

«C'est le silence le plus assourdissant que j'aie entendu.» On sent chez Rebecca Strober l'urgence de témoigner. En 2014, alors que l'opération «Bordure protectrice» faisait rage dans la bande de Gaza*, cette ancienne instructrice de tir dans l'infanterie israélienne répondait au standard de l'ONG Gisha, qui protège la liberté de circulation des Palestiniens dans les territoires occupés par Israël. D'un jour à l'autre, le téléphone s'est tu. Plus aucune demande de visa étudiant, de visite à la famille ou d'accès à une clinique.

C'est le déclic: réserviste, Rebecca Strober écrit à son commandant pour lui signifier qu'elle ne donnera plus suite à aucune convocation. De quoi risquer la prison. Aujourd'hui, elle donne des conférences en Israël et dans le monde pour dénoncer la colonisation, son impact sur les populations civiles et sur les soldats eux-mêmes.

Enfances marquées par la guerre

Depuis 2004, Breaking the Silence (Briser le silence) collecte les témoignages des refuzniks, ces réfractaires au service dans les territoires occupés. Début mars, cinq conférences-débats ont permis au public suisse d'entendre ces voix à Zurich, Berne, Fribourg, Neuchâtel et Genève. Le duo qui s’exprime est rodé, la parole est claire, le récit percutant. «Israël-Palestine»: ce conflit souvent présenté comme inextricable et complexe à l'heure des journaux télévisés trouve ici un éclairage cru, sans œillères.

Ori Givati, lui aussi ancien soldat, raconte ce à quoi il a assisté au quotidien: «Mains sur le mur, tête baissée: les enfants palestiniens d'Hébron “jouent” à la fouille, tant ils ont vu ces scènes se dérouler sous leurs yeux.» Les diapositives projetées sur grand écran montrent ces garçons âgés d'à peine 8 ou 9 ans. Certains seront peut-être arrêtés de nuit, chez eux, sous les cris de leur mère. Ori Givati décrit la terreur des familles palestiniennes à l'idée que les recrues ne commettent l'irréparable, tuent quelqu'un et fassent passer cela pour un accident. «Et il y a ces check-points dressés sur les routes, sans autre but que de compliquer la vie d'une population déjà opprimée. Tout cela fait que je suis assis aujourd'hui devant vous pour témoigner.»

Vibrant appel à la fin de l’occupation

A Genève, une participante saisit le micro: «J'ai une amie israélienne qui est angoissée à l'idée que ses enfants commettent des atrocités.» Une crainte omniprésente dans un pays où hommes et femmes sont appelés à servir respectivement durant trois et deux ans sous les drapeaux.

Leur première mission, soulignent les deux vétérans, est de protéger les 400000 colons israéliens qui coexistent difficilement avec 2,6 millions de Palestiniens en Cisjordanie. «On doit donner l'impression qu'on est partout, que les Palestiniens pourront être contrôlés à tout moment, de jour comme de nuit. Une mission impossible à assurer de manière non violente. Seule la fin de l'occupation peut régler ce dilemme moral.»

Traîtres à la patrie?

Face à ce qui s'apparente à des châtiments collectifs, contraires au droit international, Breaking the Silence compte sur le réveil des consciences. L'assistance interroge: après dix-huit ans d'activisme, comment l'organisation est-elle perçue? Comme des gauchistes, des traîtres à la patrie? «Ce problème concerne tout le monde. L'occupation nous fait du mal aussi. Militarisme, violence, racisme, discriminations... Comment faire fonctionner une démocratie quand une occupation et des violations des droits humains ont lieu à quelques kilomètres de la Knesset (le Parlement israélien, ndlr)?»

Pour Breaking the Silence, le soutien international peut contrebalancer les campagnes de dénigrement et la surveillance qui ciblent le mouvement. «Il y a quelques années, la société civile nous écoutait, les gens voulaient comprendre, il y avait des expos, des débats. Les 60 premiers refuzniks ont même été auditionnés à la Knesset, chose impensable aujourd'hui.» Plus de 1300 soldats et soldates ont témoigné à ce jour. Breaking the Silence montre qu'il est possible de briser un tabou, de participer à un mouvement citoyen sans se laisser intimider.

Le message de fin est sans ambiguïté: «Dans un monde globalisé où la Suisse est un partenaire privilégié d'Israël, vous aussi avez une responsabilité envers la population palestinienne. Aidez-nous, agissez. En faisant cela, contrairement à ce que notre gouvernement affirme, vous n'allez pas contre Israël. La colonisation n'améliore pas notre sécurité, au contraire.» Le discours de Rebecca Strober et Ori Givati peut sembler radical, il est à la hauteur de la violence à laquelle ces refuzniks ont été confrontés sur le terrain.


* Ces raids déclenchés par Israël face aux tirs de roquettes du Hamas et de groupes djihadistes ont duré 50 jours, tuant 2200 Palestiniens et 73 Israéliens, causant des destructions massives à Gaza.

Pour plus d'informations, aller sur: breakingthesilence.org.il

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