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Coton et petites mains

Au turbin à 5 ans! Une nouvelle enquête de Solidar Suisse révèle que 250000 jeunes âgés entre 5 et 17 ans travaillent dans les champs de coton au Burkina Faso. Une main-d’œuvre infantile employée dans toutes les étapes de la production: sarclage, labour, semis, épandage des engrais et pesticides, récolte. Et généralement sans toucher de rémunération, la plupart de ces travailleurs en culotte courte trimant pour leurs parents ou leur entourage. Une situation dangereuse aussi bien pour la santé que la sécurité de ces petits ouvriers. Entre les risques liés à la manipulation de produits chimiques, le plus souvent sans protection adéquate, et les menaces que représentent morsures de serpents et scorpions. Sans oublier, bien sûr, les conséquences pour leur scolarisation: absences répétées, voire définitive, et fatigue – alors que nombre de gosses, précise l’ONG, recourent à des substances pour tenir le coup au boulot, astreints à d’interminables horaires de travail comme les grands. Bras et jambes en coton...

Du Burkina Faso à la Suisse. Des champs aux sièges feutrés des entreprises, Solidar Suisse passe à une tout autre réalité. Celle qui place notre pays comme principal centre de négoce du coton avec Londres. Et l’ONG de pointer la société Reinhart AG à Winterthour et la multinationale Louis Dreyfus SA à Genève qui ont notamment bâti leur fortune sur la fibre végétale et achètent d’importantes quantités de coton burkinabé. Deux poids lourds dans ce business qui réalisent respectivement, toujours selon cette même source, 700 millions de dollars et 43 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Et profitent de la sueur d’enfants africains puisqu’ils n’interviennent pas pour empêcher leur présence sur leurs chaînes d’approvisionnement. Cautionnant de factoleur exploitation. Se réfugiant derrière des labels flous. Indifférents aux principes édictés par l’ONU stipulant pourtant que les entreprises doivent veiller au respect des droits humains.

Implications plurielles. Reste que les responsabilités sont multiples. En première ligne, les parents qui sollicitent l’aide de leurs petites mains. Une contribution certes précieuse, la plupart des producteurs ne disposant pas de moyens suffisants pour engager du personnel. Rançon de la misère.... Et jugement à l’emporte-pièce vain face à un pays figurant parmi les plus pauvres du monde. Quand bien même les cultivateurs oblitèrent le futur de leur progéniture, les privent de la possibilité d’améliorer, demain, leur sort. La position de l’Etat dans ce processus pose aussi question, le travail des enfants étant interdit dans la législation. La pratique demeure pourtant largement ancrée dans les mœurs. Volatile, le prix du coton déterminé par le marché mondial devrait aussi être fixé au plus juste. Et permettre aux paysans burkinabés de vivre dignement de leur travail dans un contexte de distorsion de la concurrence face, notamment, à des homologues américains qui bénéficient d’importantes subventions... Pas de quoi pour autant minimiser le rôle des traders qui, de leur côté, peuvent largement peser dans la balance et exiger de leurs fournisseurs la fin du travail des enfants. Des acteurs puissants qui ne sauraient se soustraire à leur responsabilité sociale. Mais s’ils s’enrichissent avec le coton, la fibre humanitaire leur fait honteusement défaut...