Récit d’une arrestation en mer
«Durant la nuit de notre kidnapping, on a été arraisonnés quatre fois. A chaque fois, quand les projecteurs étaient pointés sur nous, j’arrêtais le bateau. Puis, voyant les militaires israéliens se détourner pour aller vers d’autres embarcations, je remettais les gaz de notre bateau à moteur (qui avait le rôle de ravitailler la quarantaine de voiliers de la flottille internationale). Finalement, au petit matin, notre bateau s’est retrouvé isolé. A bord, on était une douzaine avec l’eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan. On a commencé à imaginer qu’ils allaient nous attaquer par voie aérienne. Et puis finalement, on a été assaillis. Un militaire a pris la barre. Un des leurs s’est mis à vomir, tellement leurs bateaux autour faisaient des vagues d’une hauteur impressionnante. En arrivant vers la côte, voir la ville d’Ashdod et, à peine plus loin, Gaza, rasée, c’était fou», relate Marc Formosa. Une fois au port, les humiliations ont commencé. «On nous sort du bateau, on nous met à genoux, la tête en bas. Des gens nous crachent dessus. Puis, on nous emmène en prison, entre des grillages, comme des poulets, puis dans des cellules obscures. Deux personnes à qui on a retiré leurs médicaments, contre l’asthme et le diabète, risquent la mort. Des robocops armés viennent nous intimider avec des chiens, ils ne nous laissent pas dormir, prennent une personne après l’autre, puis la ramènent, après l’avoir fait tourner en rond dans la prison, pour nous faire peur sûrement, et induire un sentiment de confusion. Les militaires ont des gants en plastique et en métal qui font mal dès qu’ils te touchent. On a une toilette par cellule, un robinet avec une eau mauvaise qu’on évite de boire. Devant le juge, on m’appuie une crosse dans le dos quand je dis, via la traduction par un interprète au téléphone, que notre arrestation est illégale. On me met dans un isoloir, puis d’autres camarades me rejoignent… Les bateaux, le matériel humanitaire et toutes nos affaires personnelles ont été confisqués.»
«Amener de l’espoir»
Son récit se veut factuel, sans apitoiement, conscient que les prisonniers palestiniens vivent bien pire. Après la 3e nuit d’incarcération, Marc Formosa sera embarqué avec beaucoup d’autres dans un camion, sans connaître la destination. Finalement, c’est un avion qui les attend, destination la Turquie. «Là-bas, on a été accueillis comme des rois! Avant même qu’on ne sorte de l’avion, on nous a amené des tonnes d’habits pour qu’on puisse enlever nos tenues de prisonniers (un bas de training et un T-shirt). Dans l’aéroport, en attendant notre avion pour Genève, un marchand nous a offert le thé. Il était Palestinien. Il nous a raconté que ses parents sont morts sous les bombardements israéliens en octobre 2023, et que son frère venait d’être tué… Il nous a remerciés. Il disait que, grâce à nous, des Palestiniens avaient pu pêcher pendant la nuit de notre arrestation.»
Le capitaine poursuit: «Je sais que la flottille n’a pas été appréciée par tout le monde. Beaucoup nous ont traités de terroristes du Hamas. Alors que nous voulions ouvrir un couloir humanitaire, amener des médicaments, du lait en poudre, des prothèses… mettre la lumière sur ce génocide et amener de l’espoir.»
Témoignages également dans le journal Work