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Après le séisme, MSF redoute les maladies hydriques

tremblement de terre
© MSF

A Mandalay, près de l'épicentre du séisme, de nombreux bâtiments sont complètement détruits ou tellement endommagés que la population préfère dormir dehors.

Les régions touchées par le tremblement de terre manquent de tout au Myanmar. Entretien téléphonique avec Mikhael de Souza, coordinateur de projet de MSF à Yangon.

Le 28 mars 2025, vers 12h50, un séisme rarement égalé de magnitude 7,7 a frappé le Myanmar. La secousse a été ressentie jusqu’en Thaïlande, au Bangladesh, en Chine et au Laos. Début avril, les chiffres officiels font état de plus de 3500 morts, des centaines de disparus et des milliers de blessés. Le nombre de victimes pourrait s’avérer bien plus grand. Le service géologique des Etats-Unis (United States Geological Survey - USGS) avance même une estimation entre 10000 et 100000 victimes. Or, jusqu’à aujourd’hui, bon nombre d’ONG sont encore bloquées dans les aéroports. Une situation ubuesque, alors que le pays est déjà fragilisé par quatre ans de guerre civile. Médecins sans frontières (MSF) souligne dans un communiqué qu’il est essentiel que «toutes les personnes touchées par le tremblement de terre, indépendamment d'où elles vivent ou de toute autre considération ethnique, religieuse ou politique, puissent avoir accès à une assistance médicale humanitaire vitale». Une équipe locale de l’ONG a pu se rendre dans les zones proches de l'épicentre à Mandalay, la deuxième plus grande ville du pays, et ont révélé «une situation catastrophique». Entretien, le 9 avril avec Mikhael de Souza, coordinateur de projet de MSF à Yangon. 

Dix jours après le séisme, quelle est la situation sur place?

Depuis le 28 mars, il y a eu encore une soixantaine de secousses. Tout le monde est sur le qui-vive. La population vit dans un stress permanent. Des bâtiments sont fissurés et peuvent tomber à tout moment. A Mandalay, plus de 500 bâtiments ont été complètement détruits et plus de 1500 endommagés. La capitale Nay Pyi Taw a été très touchée également. Beaucoup de personnes dorment dehors, car elles ont perdu leur maison, ou par peur que celle-ci ne s’effondre lors de nouvelles secousses… Les risques d'épidémie de maladies hydriques sont à redouter du fait du manque d’accès à l’eau propre et à des latrines. Partout dans le pays, l’électricité est rare et, par conséquent, l’eau courante aussi. Les générateurs risquent de griller, car ils sont surutilisés. 

Où en sont les secours?

A Nay Pyi Taw, il y avait 17 hôpitaux, mais plus aucune salle d’opération n’est fonctionnelle, sauf deux dans des camps de militaires. A Mandalay, sur les huit salles d'opération réparties dans 15 hôpitaux, trois sont encore fonctionnelles. Des centres temporaires de soins ont été mis sur pied, ainsi que des cliniques mobiles pour atteindre les gens qui vivent dans la rue et dans les temples, mais beaucoup d’opérations sont impossibles à mener faute de matériel, de médicaments, d’eau, d’électricité... Nous ne savons pas quelle est la situation à Sagaing, au nord de Mandalay, lieu de l’épicentre du tremblement de terre. Les deux ponts qui permettent d’y accéder ont été détruits. C’est très compliqué d’avoir des nouvelles, car le réseau téléphonique ne fonctionne plus.

Les aéroports de la capitale, Nay Pyi Taw, et de Mandalay ont été fermés et n’ont rouvert qu’hier. Seuls des avions militaires, notamment indiens et chinois, ont pu se poser pour amener des équipes de sauvetage durant les 72 premières heures. Au-delà de ce temps, c’est très rare de retrouver des survivants. 

Il y a beaucoup de morts sous les gravats. L’odeur des corps en décomposition est insoutenable et le risque d’épidémies est grand également. Il fait très chaud, environ 39 °C pendant la journée, 29 °C la nuit, et un taux d’humidité de plus de 90%.

Par ailleurs, la saison des pluies semble être en avance. Ces derniers jours, il a beaucoup plu, et de manière diluvienne…

Qu’a pu faire MSF durant cette première semaine?

Une grande partie de l’équipe de MSF au Myanmar s’est rendue très rapidement sur place. Après 14 heures de route, elle a pu soutenir les soignants sur place. En ce moment, elle installe des réservoirs d’eau et des motopompes pour un centre de soins temporaire. Se déplacer reste très compliqué. Devant les pompes à essence, les queues sont longues.

Nous avons pu mettre sur pied une formation, dès les premiers jours, sur les techniques de premiers secours psychologiques. Elle a été suivie par une centaine de jeunes étudiants en médecine et volontaires de la Croix-Rouge qui peuvent dès à présent intervenir sur le terrain pour soutenir les gens qui sont sous le choc. 

MSF attend le feu vert pour intervenir plus massivement avec des experts et du matériel, mais une grande partie de l’aide humanitaire internationale n’a toujours pas pu entrer dans le pays. Même si le gouvernement a émis une autorisation d’entrée, ils sont bloqués dans les aéroports. Tout peut changer très vite, demain ou dans une semaine… L’entrée des ONG est essentielle. Il manque beaucoup d’outils pour déblayer, du matériel médical, etc. Reste que les gens s’organisent et sont extrêmement solidaires. L’imaginaire européen de la loi du plus fort à la Mad Max – et j’ai pu le vérifier dans tous les pays où j’ai travaillé – est toujours contredit par la réalité. Cette solidarité est belle à voir et porteuse d’espoir. Cela reste un pays en guerre civile. Mais peut-être que le séisme permettra de mettre plus en lumière ce conflit oublié. 

 

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