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1er Mai: Un signal clair contre le nationalisme et la xénophobie

Cortège du 1er mai à Genève
©Thierry Porchet

Le défilé genevois a fédéré en Suisse romande le plus grand nombre de personnes avec quelque 4000 manifestantes et manifestants, selon les syndicats.

Placé sous la thématique «La solidarité plutôt que la haine – l’union fait la force», le 1er Mai a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues de plus d’une cinquantaine de villes et communes du pays. Au cœur de la rencontre: la nécessité de lutter contre la montée de l’extrême droite. Temps forts en Suisse romande.

GENEVE: Contre les fachos et les abus patronaux

Observé avec un peu de distance, le long serpent de manifestants qui se sont donné rendez-vous à Genève avait des teintes résolument bariolées. Des causes disparates s’y sont croisées pour former une citadelle en mouvement, avec ses milliers de participants – 4000 selon le décompte des syndicats – et ses banderoles s’accrochant à de multiples revendications. La plus importante, celle qui a donné le «La» à cette Journée internationale des travailleuses et travailleurs, s’est affichée en tête de cortège, entourée par de multiples drapeaux Unia. «Contre les fachos et les abus patronaux – Défendons les salaires, pas les frontières». Un mot d’ordre tourné à la fois vers la défense des acquis et la dénonciation des dérives que connaît la planète, avec la montée décomplexée de l’idéologie d’extrême droite. En se laissant dériver dans le flux des manifestants, on y a observé aussi la présence massive d’autres syndicats et de groupes et associations plus ou moins formels. L’un soutenant la cause palestinienne et invitant au boycott d’Israël – signé Collectif Urgence Palestine – l’autre, porté par les employés de compagnies de taxi, dénonçant les transporteurs illégaux. Ailleurs encore, on pouvait lire ceci, qui a rappelé la grave crise que traverse le monde du journalisme: «La désinformation tue la démocratie, en lutte pour des médias vivants et indépendants». Unia était encore présent pour soutenir les salariés de Life Energy Motion (LEM), victimes d’un plan de restructuration dévastateur. «Licenciement en masse, 50 ans pour bâtir, 6 mois pour détruire» récitaient leurs banderoles. Et s’il avait fallu décerner un prix aux messages les plus originaux, sans doute que ceux du groupe défendant la cause LGBTQIA+ aurait remporté la mise. On mentionnera celui-ci, seul citable…: «Metro, boulot, hétéro. Bi Gouines Trans Pédales Contre le Capital».

Arrivés au Parc des Bastion après avoir traversé une bonne portion de la ville depuis le boulevard James-Fazy, les manifestants ont eu de quoi se sustenter et s’hydrater sous le cagnard. Il y a eu un temps bref pour les discours. Dont celui de Joao de Carvalho Figueiredo, machiniste de la construction et président d’Unia Genève, qui a rappelé les enjeux motivant la grande manifestation nationale de la branche, prévue le 17 mai à Zurich et à Lausanne, dans le cadre du renouvellement de la convention nationale de travail collective. «Ces dernières années, les conditions de travail se sont détériorées. Le patronat applique des contrats et des salaires flexibles et nous sommes confrontés à une attaque portant sur les horaires de travail et sur notre pouvoir d’achat.» Le syndicaliste a appelé dès lors à rester unis et solidaires en vue du rendez-vous crucial du 17 mai. 

Rocco Zacheo

©Thierry Porchet


LAUSANNE: Le salaire minimum cantonal en ligne de mire

Ambiance revendicative à Lausanne qui a rassemblé plusieurs centaines de personnes défilant dans les rues de la capitale. Un cortège aux couleurs syndicales et des partis de gauche sans oublier les banderoles d’associations comme celle de Droit de rester, des Kurdes réclamant la libération Öcalan ou encore de partisans défendant la cause palestinienne. A ce propos, la vision d’une manifestante âgée particulièrement touchante, déambulant avec une canne et portant à son cou une pancarte imprimée d’un «Debout pour Gaza, arrêtez le massacre»... Amenés par une bande son fédérative entre les traditionnels airs comme Bella Ciao ou On lâche rien repris en chœur, au milieu de banderoles illustrant les requêtes des uns et des autres, les participants se sont d’abord retrouvés sur la place du Château pour écouter différents orateurs. Au cœur des discours, la nécessité de lutter contre la montée de l’extrême droite et des combats cantonaux plus ciblés comme celui en faveur de l’introduction d’un salaire minimum. A ce propos, Bounouar Benmenni, président d’Unia Vaud, a fustigé le contre-projet du Conseil d’Etat, qualifié de coquille vide avec «son record national d’exceptions». «C’est une honte, un mépris des personnes les plus modestes. Nous voulons un salaire minimum, non pas minimaliste.» 

Après avoir évoqué différentes menaces pesant sur le monde, Dominique Gigon, président de l’Union syndicale vaudoise, a dénoncé les attaques à l’Etat de droit et la haine attisée à l’égard des étrangers et des migrants. Une cible toute désignée plutôt que des solutions concrètes, notamment sur la question du pouvoir d’achat en diminution. Il a aussi évoqué les risques de perdre notre liberté et les acquis sociaux et la nécessité de remporter des victoires tant au niveau politique – comme avec la 13e rente AVS ou le rejet de la réforme de la LPP – que sur les lieux de travail. 

Cora Antonioli, présidente du SSP Vaud, a estimé que les travailleurs, les vrais producteurs de richesses et non les patrons, devaient se réapproprier le pouvoir. Et a critiqué la politique fiscale cantonale largement favorable aux nantis. Elle a appelé à faire barrage aux coupes dans les budgets publics et à l’initiative en faveur d’une baisse d’impôts de 12%. Responsable du secteur construction d’Unia Vaud, Pietro Carobbio a conclu cette première salve de discours en lançant un appel à participer à la mobilisation des maçons le 17 mai à Lausanne pour davantage de pouvoir d’achat et de sécurité sur les chantiers. A l’arrivée du défilé, c’était au tour des représentants politiques de s’exprimer avant des échanges libres et conviviaux autour d’un verre...

Sonya Mermoud

©Olivier Vogelsang


FRIBOURG: Solidarité avec la Palestine

Sur la place Georges-Python, entourée de stands partisans et syndicaux, deux enfants sortent leurs trompettes perpétuant la coutume fribourgeoise du 1er Mai. Les écolières et les écoliers du canton ont en effet traditionnellement congé pour aller chanter de maison en maison. Quelques notes de musique contre quelques pièces, «pour acheter un cadeau pour la fête des Mères», soulignent les musiciens en herbe. 

Au stand d’Unia, de rouge vêtu, Raphaël insiste sur l’importance de se mobiliser: «On vire à droite dans le monde entier. On va à la catastrophe...» Son camarade, Serge, regrette quant à lui le manque d’engagement des jeunes et le fait que le 1er Mai ne soit toujours pas férié. «Il y a un nœud: c’est la journée des travailleurs, mais nous n’avons pas congé. Mais bon, c’est pas moi qui tire les ficelles.» A leurs côtés, la présidente d’Unia Fribourg, Anabela, se prépare à faire son premier discours pour rappeler les mauvaises conditions dans la vente. Pendant ce temps, un atelier public est organisé pour contrer le plan d’austérité décidé la veille par le Conseil d’Etat fribourgeois. Un demi-million d’économie sur le dos des travailleuses et des travailleurs des secteurs de l’enseignement, des hôpitaux ou encore des EMS… Une décision qui sera décriée lors des discours par plusieurs orateurs syndicaux, dont un technicien en radiologie médicale qui continue la lutte après une grève en février. 

La première à prendre le micro est la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider. Dès ses premiers mots, les sifflets retentissent. Au milieu des drapeaux palestiniens, plusieurs pancartes sont brandies: «A quand la condamnation d’Israël !?!» Mais aussi, plus syndicalement, «EFAS et LPP, ni oubli, ni pardon!». Vaille que vaille, l’élue continue son discours, loue la liberté d’expression, prône l’égalité, la diversité, le féminisme, évoque brièvement l’Ukraine, Gaza et le Soudan. Au milieu des huées, quelques applaudissements retentissent toutefois. En aparté, une militante du collectif solidarité Palestine martèle: «Les politiques doivent agir. Leur silence tue.» A ses côtés, une camarade renchérit: «Deux millions de Gazaouis vivent sans un grain de farine depuis 55 jours… J’ai pu parler à la Conseillère fédérale. Elle m’a dit: «Je sais, c’est scandaleux». Après plusieurs prises de parole, la représentante du collectif Solidarité Palestine rappelle qu’un même mal touche les peuples du monde entier: «le profit capitaliste». 

Alors que le cortège s’ébranle, fort de plus de 400 manifestants, Pierre-André Charrière, militant syndical de longue date, souligne: «Qu’attend le Conseil fédéral pour demander l’arrêt des horreurs à Gaza? Les élus socialistes ont aussi une responsabilité, celle de rompre la collégialité…» 

©Aline Andrey


LE SENTIER: Pierre-Yves Maillard en «guest star» dans les pâturages

Des pâturages et un accordéon. A la Vallée de Joux, c’est dans un décor très champêtre qu’environ 200 personnes ont célébré le 1er Mai en milieu de journée, dans les environs du Sentier. Au menu de la rencontre, des discours sur la montée de l’extrême-droite dans le monde et le salaire minimum vaudois. Et, pour les papilles, des saucisses et salades offerts par la section locale d’Unia dans un refuge aux airs de guinguette. Ambiance intimiste et conviviale sous un soleil de plomb, avec Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse, en guest star. Le président de l’Union syndicale suisse est venu passer un moment ici, avant de s’en aller rejoindre la Fête du travail à Saint-Gall. 
Ravis de sa présence, des militants se font prendre en photo avec lui, qui se prête volontiers au jeu. «C’est un 1er Mai particulier que nous célébrons cette année», lance-t-il, face à ce public conquis, en référence aux guerres à Gaza et en Ukraine, ainsi qu’à la vague internationale d’extrême-droite. «Un peu partout, les gens se mobilisent et le mouvement ouvrier va faire aujourd’hui office de refuge pour ces résistances.» Pierre-Yves Maillard rappelle à cet égard que les syndicats ont une responsabilité: défendre les acquis sociaux pour permettre aux travailleurs, ainsi qu’aux rentiers, d’avoir une vie digne. «Quand on détricote la prévoyance sociale, l’extrême-droite revient en force.» Il a également une pensée pour Christiane Brunner, décédée récemment. «C’est elle qui m’a fait entrer dans le mouvement syndical en m’engageant à la FTMH. Elle est maintenant au paradis des travailleurs et des travailleuses avec Liliane Valceschini (ndlr: instigatrice du 14 juin), et ça ne m’étonnerait pas qu’elles y organisent une grève des femmes!»
Auparavant, Bounouar Benmenni, président d’Unia Vaud, a aussi pris la parole, livrant un plaidoyer en faveur des initiatives pour un salaire minimum dans le canton de Vaud. «On a le droit de vivre dignement de son travail. Il n’est pas normal qu’en 2025, des personnes qui travaillent à plein temps doivent avoir recours à l’aide sociale pour vivre! Le contre-projet du Conseil d’Etat est une coquille vide. On veut un salaire minimum, pas un salaire minimaliste.»

Antoine Grosjean

©Olivier Vogelsang


SION: Une fête politique et commémorative

«C’est une journée spéciale aujourd’hui, parce que nous célébrons la Journée internationale des travailleuses et travailleurs, mais aussi parce que c’est mon premier jour en tant que président du gouvernement valaisan. Et ceci est mon tout premier discours de président. Les planètes sont alignées!» Le conseiller d’Etat Mathias Reynard ne boude pas son plaisir de se trouver sur l’estrade de la place du Scex, à Sion, pour ce 1er Mai, auquel participent près de 400 personnes. Le socialiste souligne le rôle des forces progressistes dans cette période de division et d’instabilité que connaît le monde. «Le mouvement ouvrier a toujours été le principal rempart contre le fascisme, le racisme et l’intolérance.»
Le magistrat évoque ensuite les 60 ans de la tragédie de Mattmark, qui fait actuellement l’objet d’une exposition à Sion. En 1965, 88 ouvriers avaient perdu la vie lorsqu’un glacier s’était effondré sur le chantier d’un barrage. «La blessure est encore vive, lâche Mathias Reynard. Cela nous rappelle que notre prospérité s’est souvent bâtie sur des drames.» 
Partie prenante tant dans l’exposition que dans l’organisation de ce 1er Mai, la communauté italienne, représentée par l’association ItaliaValais, est aussi venue rendre hommage au sacrifice de ces ouvriers, dont plus de la moitié étaient des Italiens. «Nous ne devons pas oublier. Il faut apprendre de cette tragédie.»
Autre personnalité politique présente, la députée socialiste Patricia Constantin, récemment élue présidente du Grand Conseil valaisan, a aussi parlé du contexte international: «Certains voudraient qu’on accuse l’autre, l’étranger, le voisin, plutôt que de s’attaquer aux véritables causes de nos souffrances. C’est par la solidarité que nous gagnerons les batailles à venir pour un emploi digne, pour l’égalité salariale, pour un monde meilleur.» L'Union syndicale valaisanne, par la voix de sa présidente, Francine Zufferey, également secrétaire syndicale chez Unia, a enfin lancé un appel à une manifestation cantonale le 11 octobre, à Sion, pour réclamer une hausse des salaires, un partage des richesses et une société plus juste. La fête s’est poursuivie dans la soirée avec musique et spécialités culinaires italiennes.

Antoine Grosjean

©Antoine Grosjean


MOUTIER: La voix des femmes en force

Le 1er Mai interjuassien à Moutier a réuni plus de 300 personnes. Les revendications des femmes pour la justice et l'égalité ont été au cœur de la manifestation. En préambule de la partie oratoire, une minute de silence a été observée en mémoire de Christiane Brunner, à l'incitation du président de l'Union syndicale jurassienne, Dominique Hausser, lequel s'est par ailleurs élevé contre la montée du fascisme prospérant sur les dérives de l'ultralibéralisme. Pour sa part Lilia Benyezza, de la Commission migration d'Unia, a déploré le sort trop souvent réservé aux migrants dans notre pays. Sans eux, «par de routes, pas d'hôpitaux, pas d'écoles, pas de tunnels». A ses yeux, la politique migratoire en Suisse «est un peu comme une raclette-party: t'as la fumée mais il n'y a pas la chaleur.» Au terme de la manifestation, les membres du Collectif Féministe Jura ont provoqué une vive émotion en incarnant de façon spectaculaire les 14 féminicides survenus en Suisse depuis le début de l'année (le double qu'en 2024 !) Elles se sont écroulées une à une sur le sol à l'évocation des noms et des âges de chaque victime énoncés par la présidente du Collectif, Sylvia di Luzio. 

Pierre Noverraz

©Pierre Noverraz


NEUCHATEL: Appel à la mobilisation des maçons

Quelque 200 personnes ont défilé dans les rues de Neuchâtel le 30 avril partant du lieu symbolique de la Fontaine de la Justice. La manifestation, qui s’est terminée par une partie festive, aura notamment offert l’occasion à Unia de battre le rappel en vue de la manifestation des maçons le 17 mai prochain à Lausanne et à Zurich. Des salariés qui luttent pour obtenir des avancées dans le cadre du renouvellement de leur convention nationale collective de travail.

©Thierry Porchet

Une vidéo de Virginie Zimmerli.

Paroles de militants à Fribourg. Un podcast de Aline Andrey

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