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14 juin: les femmes ne lâchent rien

A Genève, le cortège a réuni plusieurs milliers de manifestantes dont, pour la première fois, des personnes à mobilité réduite et malentendantes, dans un souci d’inclusivité élargie. Les questions de l’égalité ont été déclinées au sens large, dans les sphères professionnelle et privée, entre iniquité salariale, sexisme, violence en tous genres, etc.
© Olivier Vogelsang

A Genève, le cortège a réuni plusieurs milliers de manifestantes dont, pour la première fois, des personnes à mobilité réduite et malentendantes, dans un souci d’inclusivité élargie. Les questions de l’égalité ont été déclinées au sens large, dans les sphères professionnelle et privée, entre iniquité salariale, sexisme, violence en tous genres, etc.

Quelque 150 000 femmes se sont mobilisées le 14 juin dernier dans toute la Suisse, sur leur lieu de travail et dans la rue. Egalité, respect, temps et argent sont plus que jamais revendiqués. Temps forts en Suisse romande

Une vague violette a de nouveau déferlé sur toute la Suisse le 14 juin à l’occasion de la journée de la grève des femmes. Aux quatre coins du pays, des actions syndicales et féministes ont eu lieu, avec des nettoyeuses, des blanchisseuses, des employées de la restauration ou encore des infirmières pour exiger du respect, du temps et de l’argent. Au total, quelque 150 000 personnes ont pris d’assaut les rues helvétiques pour crier leur soif d’égalité. Car malgré les trois grandes grèves féministes de 1991, 2019 et 2023, les femmes se battent toujours contre les injustices structurelles qui les empêchent de mener une vie autonome et indépendante, souligne Unia, qui a tenu une conférence de presse le matin du 14 juin sur la place Fédérale à Berne, où trônaient des pancartes imprimées d’un «5000» en grands chiffres roses. «Près de la moitié des femmes qui ont terminé un apprentissage gagnent moins de 5000 francs brut par mois, et cela bien entendu pour un emploi à plein temps», a fustigé le syndicat. Il a rappelé que ce sont dans les branches à forte proportion de femmes que les salaires d’embauche sont bas et l’évolution salariale insuffisante. 

Les femmes exigent de la reconnaissance pour leur travail, des salaires justes et, donc, des rentes correctes. Elles qui accomplissent la majeure partie du travail d’assistance non rémunéré, mais qui travaillent aussi dans des métiers importants pour la société.

«C’est un scandale! s’est indignée Vania Alleva, présidente du syndicat Unia. Le harcèlement, les bas salaires, le manque de reconnaissance du travail de care non rémunéré ou la pauvreté des femmes dans la vieillesse sont les symptômes d’une société qui dévalorise systématiquement les femmes et leur travail. On fait comprendre aux femmes que leur travail a moins de valeur. Au lieu d’augmenter enfin les salaires et de soutenir les salaires minimums régionaux, le camp bourgeois s’en prend aux rentes des caisses de pension avec l’arnaque de la réforme de la LPP.»

Cette réforme, soumise au vote populaire le 22 septembre prochain, est pour les syndicats un nouvel affront fait aux travailleuses, après une augmentation de l’âge de la retraite. «Beaucoup d’entre elles subiront une baisse de rente, tout en voyant leurs cotisations salariales augmenter», a alarmé l’Union syndicale suisse.

Manon Todesco


Lausanne: «Les patrons ne veulent pas discuter avec nous, c’est scandaleux!»

Unia Vaud a mené une action en faveur des assistantes en pharmacie, une branche à 95% féminine qui se mobilise pour obtenir une convention collective de travail

A l’occasion du 14 juin, Unia Vaud a voulu rappeler la nécessité de revaloriser les métiers essentiels souvent exercés majoritairement par des femmes. Le syndicat s’est rendu dans une trentaine de blanchisseries et a mené une action à Lausanne en faveur des assistantes en pharmacie, une branche à 95% féminine.

«Cela fait des années que nous essayons d’obtenir l’ouverture de discussions sur une convention collective de travail. Malheureusement, le patronat ne veut pas dialoguer avec nous, c’est scandaleux!» s’est indignée Tamara Knezevic devant la pharmacie Sun Store de la place de Riponne. La secrétaire syndicale égalité d’Unia Vaud a rappelé que ces employées des pharmacies «gagnent parfois moins que 4300 francs par mois». «Le salaire est insuffisant», a confirmé Sabrina, une assistante en pharmacie prenant la parole ensuite. «Depuis le Covid-19, il y a une pénurie de personnel, nous fonctionnons à flux tendu tout le temps, vous avez pu vous en rendre compte en entrant dans une pharmacie», a dit aussi la militante, avant de présenter les revendications: «Nous voulons un salaire d’au moins 4300 francs en sortie d’apprentissage versé treize fois, cinq semaines de vacances, une reconnaissance de notre activité comme un véritable métier, une indexation des salaires et une grille salariale évolutive.»

Lors de leur précédente mobilisation, le 1er Mai, les assistantes en pharmacie s’étaient rassemblées devant l’établissement détenu par Christophe Berger, le président de la Société vaudoise de pharmacie. Cette fois, le but était d’interpeller les grandes chaînes de pharmacie pour les inviter à entrer en discussion avec Unia. «A la sortie de l’apprentissage, les chaînes proposent presque ce que nous demandons dans la CCT, mais, par la suite, il n’y a pas de possibilités d’évolution salariale, déplore Sabrina. Pour des groupes qui se veulent leaders, il faudrait montrer l’exemple.» Et Tamara Knezevic de tonner: «De l’argent, il y en a!, dans les caisses du patronat!»

Puis, la secrétaire syndicale a annoncé que la pétition lancée le 1er mai auprès du personnel et des clients solidaires vient de franchir le cap des 7000 signatures (à signer sur vaud.unia.ch/petition-pharmacies). «Nous ne lâcherons rien!» a promis en conclusion la présidente du comité vaudois des assistantes en pharmacie, Fanny Hostettler (voir vidéo ci-dessous).

«Ces patrons sont dans une position méprisante vis-à-vis de leurs employées. C’est représentatif d’une société qui valorise mal le travail des femmes», confie à L’Evénement syndical Aude Spang, la secrétaire à l’égalité d’Unia venue assister à l’action. «Ces femmes qui portent cette lutte font un travail de fou, c’est très impressionnant et c’est un exemple pour nous toutes en Suisse.»

Jérôme Béguin / photo Olivier Vogelsang


Neuchâtel: quand le foot devient féministe 

Hasard du calendrier, la grève féministe a eu lieu cette année le même jour que le lancement de l’Euro en Allemagne. Du coup, les militantes neuchâteloises ont saisi cette occasion pour donner un spectacle humoristique et revendicatif en forme de match de foot sur la place des Halles. Les joueuses de l’équipe féministe doivent essayer d’envoyer le ballon dans les goals du patriarcat, «qui a une certaine avance au championnat du monde, mais aussi au championnat suisse», annonce celle qui fait office de commentatrice

Vêtues de tenues de foot violettes, elles arborent dans le dos des numéros liés aux revendications féministes. L’une d’elles porte par exemple le 32. «C’est le pourcentage de rentes AVS perçu en moins par les femmes», explique Solenn Ochsner, secrétaire syndicale à Unia Neuchâtel et membre du collectif de la Grève féministe. Pour sa part, elle a le numéro 12, le pourcentage de rentes en moins si la réforme du 2e pilier (LPP 21) est acceptée dans les urnes en septembre.

A la fin de la première mi-temps, des «pom-pom boys» se trémoussent sur le bord du terrain, mais au lieu de sortir, les joueuses se mettent à ranger. «Et voilà, classique! Après tout, chaque semaine, les mères fournissent 52 heures de travail domestique gratuit. Ah là là, le conditionnement!»

Une autre footballeuse porte le 60, le pourcentage de femmes qui travaillent à temps partiel. A un moment, la 22 se fait mettre sur le banc de touche. «Ah bien sûr, 22% c’est le salaire en plus perçu par les hommes... En 2024... 22% sur le banc de touche... c’est révoltant!»

Pour les tirs au but, les joueuses 17, 2 et 93 s’alignent, formant le nombre 17293, soit la différence de rente annuelle totale, perdue par les femmes par rapport aux hommes. Puis vient le coup de sifflet final. «Le match est suspendu, pour le moment, déclare l’arbitre. Rendez-vous en septembre pour cet important tir au but.» Quel que soit le résultat de ce match dans les urnes, l’humour a déjà marqué un point ce 14 juin à Neuchâtel.

Antoine Grosjean / photo Thierry Porchet


Genève: les femmes s’essaient à la self-défense

Au bout du lac, la journée a démarré sur une note originale, avec un atelier de self-défense, organisé à Unia Genève. Une vingtaine de femmes motivées, de toutes les générations, y ont participé. L’objectif? Apprendre les gestes de base en cas d’agression ou de viol. Erin, la professeure, insiste: «Je vous donne quelques outils que vous garderez dans un coin de vos têtes en cas d’urgence, mais il faut s’entraîner et pratiquer. C’est aussi un état d’esprit.»

Après un court échauffement, les femmes se répartissent par groupes de deux et expérimentent des exercices visant à recentrer les énergies, puis à renforcer la confiance en soi. «Il faut être solide à l’intérieur!» rappelle Erin. 

Vient ensuite la partie dite physique, avec les gestes à adopter pour contrer une agression mais aussi réagir en retour. Erin explique qu’en cas d’attaque, il faut répondre vite et fort pour déstabiliser l’adversaire et tenter de s’échapper. En criant d’abord, ce qui lui fera potentiellement peur ou donnera l’alarme alentours, et en ripostant ensuite. «Pas besoin d’avoir de grosses mains pour frapper fort, mais il faut être rapide. On peut frapper avec le revers ou le dos de la main, au niveau de la gorge.» Elle montre comment utiliser ses coudes, ses genoux ou encore ses pieds pour se protéger d’un coup. Les battantes du jour doivent ensuite répéter les exercices. «Regardez toujours votre agresseur dans le 3e œil, au milieu du front, et gardez les mains à demi-fermées pour pouvoir saisir son poignet ou autre.» Les femmes jouent le jeu, éprouvent l’efficacité des techniques, interagissent. «Comment fait-on pour ne pas être paralysées par la peur?» demande l’une d’elles. «C’est sûr que si on est stressées, on sera incapables de réagir, ou encore de hurler, souligne Erin. Aussi faut-il bien se centrer et se détendre, des choses que l’on peut travailler grâce à la méditation ou la respiration.» Mais pas de recette miracle non plus: c’est en répétant ces gestes et en s’entraînant qu’on progresse, qu’on gagne en confiance et qu’on arrive à avoir les bonnes réactions. «Les agressions n’arrivent pas forcément là où l’on croit: ce sont souvent des personnes de notre entourage ou d’autres qui étaient, jusque-là, gentilles, insiste la professeure. Il faut être droite dans ses bottes et dire haut et fort: “Non, je n’accepte pas d’être traitée comme ça!”»

Il reste encore beaucoup de choses à apprendre à ces participantes, mais certaines sont déterminées à approfondir le sujet. «J’ai beaucoup aimé cet atelier et je pense m’inscrire à un cours, car je ne me sens pas toujours en sécurité dans la rue et je veux pouvoir me défendre de manière efficace», conclut l’une d’elles.

Manon Todesco / Photo Virginie Zimmerli


Delémont: atelier pancartes et tractage

Pas de manifestation sans slogans. Avant le cortège de fin de journée dans les rues de la vieille ville de Delémont, le Collectif féministe Jura a organisé en début d’après-midi du 14 juin un atelier de confection de banderoles et de pancartes sur la place Roland-Béguelin. Une manière créative et ludique de se préparer à défiler afin de revendiquer, entre autres, des mesures d'urgence pour protéger les victimes de violences et l’amélioration des conditions de travail pour le personnel soignant du canton.

L’atelier a eu du succès, et les participantes étaient inspirées. «Même mon chien comprend quand je dis non», «Si le viol c'est du sexe, un coup de pelle dans ta gueule, c'est du jardinage?», «On ne naît pas femme mais on en meurt»: voilà certains des slogans qu'elles ont imaginés. Le cortège, qui a démarré à 17h, a réuni environ 250 personnes, un chiffre sur lequel les organisatrices et la police sont d'accord, une fois n'est pas coutume.

Pour Unia, cette journée de mobilisation féministe avait commencé bien plus tôt. Dès l’aube, les représentantes du syndicat ont distribué des tracts devant les entreprises d’horlogerie de la région, à l’heure où le personnel en grande partie féminin prend son travail. «Le but est d’informer les travailleuses et les travailleurs des améliorations qu’apporte la nouvelle Convention collective de l’horlogerie, notamment pour les femmes», explique Rébecca Lena, secrétaire syndicale d’Unia Transjurane. Parmi celles-ci, citons la prolongation du congé maternité à 19 semaines, la possibilité d’avoir des congés payés pour les proches aidants, l’augmentation de la participation patronale aux primes d’assurance maladie ou encore l’obligation de justifier un refus de demande de temps partiel.

Antoine Grosjean / photo Thierry Porchet



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Action syndicale devant une blanchisserie à Genève 

Unia Genève a installé un stand devant la blanchisserie du Léman. Le but de cette action était d'échanger avec les blanchisseuses, mais aussi de leur offrir un sandwich pour leur courte pause de midi. 

Vidéo Virginie Zimmerli

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