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Unia contre Uber

Un avis de droit mandaté par Unia estime que la multinationale est une entreprise de taxi comme une autre

Une expertise confirme le statut d'employeur du service de taxi Uber qui a mis sur pied un système d'indépendance fictive. La multinationale doit donc assumer ses obligations patronales et respecter la Loi sur le travail et l'ordonnance sur les chauffeurs.

Pour la première fois, un avis de droit se consacre à l'économie numérique en Suisse, en se penchant sur le service de transport en ligne Uber. Les conclusions du spécialiste du droit du travail et des assurances sociales, Kurt Pärli, mandaté par le syndicat Unia, démontrent avec précision que les chauffeurs d'Uber exercent une activité salariée.
La qualité d'employeur de la multinationale se définit notamment par ses nombreuses instructions données aux chauffeurs et son système d'évaluation de ces derniers. Cette relation de subordination se retrouve à d'autres niveaux. Si les chauffeurs ne sont pas obligés d'accepter toutes les courses, en cas de refus réguliers, ils ne sont plus pris en considération par l'application Uber. «Si aucune course n'est effectuée durant 90 jours, le contrat prend fin automatiquement», précise le rapport. «Le fait qu'un chauffeur n'assume aucun risque d'encaissement, et qu'il soit relié à une centrale sont des indices clairs en faveur d'une activité salariée dépendante.» Le dédommagement en cas d'annulation du client par Uber, tout comme la facturation faite par la multinationale, vont également dans le sens d'une activité salariée dépendante. Ce printemps, la Suva en était arrivée à la même conclusion.

Des obligations de l'employeur
La Loi sur le travail et l'ordonnance sur les chauffeurs doivent donc être appliquées (périodes de repos, durée maximale du travail, enregistrement des heures de travail...). De surcroît, Uber est redevable des cotisations (part de l'employeur et part du salarié) aux assurances sociales. «Les travailleurs ont droit aux prestations sociales en cas de chômage, d'accident ou de vieillesse», souligne Natalie Imboden, membre de la direction du secteur tertiaire d'Unia dans le dossier consacré à la question*.
Le syndicat demande donc aux autorités compétentes, au niveau fédéral et cantonal, de garantir l'application du droit. Roman Künzler, responsable du secteur tertiaire d'Unia Nord-Ouest de la Suisse, relève de son côté: «Les dirigeants d'Uber et ses investisseurs à coups de milliards ont délibérément établi leur modèle d'affaires au mépris des lois en vigueur. Ses agissements remettent en cause les relations de travail de l'ensemble des salariés suisses et appauvrissent des milliers de chauffeurs de taxi. Ainsi, nos membres déplorent des baisses de salaire de 50% à Zurich, et de 20 à 30% à Bâle.»

Combats syndicaux
Le syndicat avec les chauffeurs de taxi «traditionnels» ont plusieurs fois manifesté leur colère ces derniers mois contre la pression des méthodes de dumping d'Uber sur la branche des transports. «Même les chauffeurs d'Uber réalisent qu'ils se font exploiter», précise Roman Künzler.
La présidente d'Unia, Vania Alleva, dénonce (également dans le dossier*) des conditions de travail qui vont à l'encontre de la sécurité routière et de tous les combats syndicaux pour les droits des travailleurs: «Les chauffeurs Uber roulent de nuit dans le cadre d'un "deuxième job", après avoir travaillé ailleurs toute la journée à 100%. Et fournissent des "services à la demande", sans la moindre garantie de revenu ou de taux d'occupation, ou de salaire en cas de maladie ou de perte de gain.»
Plus globalement, «les actions syndicales s'internationalisent», renchérit Vania Alleva, «pour que dorénavant les multinationales du secteur numérique respectent les droits des travailleurs». Sans surprise, Uber conteste les conclusions de l'expertise. Unia appelle donc les autorités fédérales et cantonales compétentes à prendre des mesures concrètes, afin de garantir la protection des travailleurs dans le domaine des plateformes en ligne.

Aline Andrey

• Dossier complet sur l'expertise: www.unia.ch