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Une marche lente pour aller plus vite

Vendredi 6 octobre, Renovate Switzerland a mené sa quatorzième marche lente en Suisse, et la troisième à Lausanne. Cette campagne de désobéissance civile vise à accélérer la rénovation thermique et à créer un mouvement massif.
© Renovate Switzerland

Vendredi 6 octobre, Renovate Switzerland a mené sa quatorzième marche lente en Suisse, et la troisième à Lausanne. Cette campagne de désobéissance civile vise à accélérer la rénovation thermique et à créer un mouvement massif.

Renovate Switzerland a organisé à Lausanne, la semaine dernière, une quatorzième marche lente. Récit, alors que des actions de désobéissance civile continuent cette semaine

Lausanne, 6 octobre, 15h, une vingtaine de personnes se retrouvent pour préparer la quatorzième marche lente en Suisse, depuis la mi-septembre, sous l’égide de Renovate Switzerland. Chacun se présente brièvement et expose ses motivations. Ils ont entre 14 et plus de 70 ans, une forte expérience militante ou pas du tout. Ils ont en commun leur grande empathie pour le futur de l’humanité face aux bouleversements climatiques liés au réchauffement. Chacun choisit un rôle défini par le nom d’un insecte. Les chenilles marchent sur la route, les coccinelles sensibilisent les passants et les conducteurs, les mouches photographient et filment, et les fourmis s’occupent de la logistique. Une biodiversité symbolique qui permet à tous de se sentir à l’aise. «Je reste sur le trottoir, car mon sursis prend fin demain», souligne Liliane, retraitée, qui s’était fait arrêter à Zurich lors d’un blocage d’Extinction Rebellion en octobre 2021.

L’une des militantes rappelle quelques fondements, entre autres: la non-violence, éviter l’escalade en cas d’insulte, toujours laisser passer les véhicules d’urgences, écouter, informer, perturber en marchant très lentement – symbole de la lenteur des autorités à prendre des mesures face à l’urgence climatique, notamment par la rénovation thermique de tous les bâtiments d’ici 2030.

Marche non autorisée

Des questions sont posées concernant les droits légaux de manifester sans autorisation. «Notre marche est contraire au règlement de police de Lausanne qui impose d’avoir une autorisation pour manifester. Mais ce règlement est contraire à la liberté d’organisation et d’expression prévue par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)», résume Etienne, la cinquantaine. Certains militants espèrent que les cartes d’identité ne seront pas demandées.

Les discussions vont bon train, jusqu’au moment où le départ est donné. Il est 17h, les activistes se dirigent vers le pont Bessières. Là, ils sortent rapidement leurs gilets oranges et, au niveau du passage piéton, prennent la route, avec concentration et calme. Les voitures rebroussent chemin dans le rond-point juste au-dessus. La police ne tarde pas à arriver, encadre mais laisse l’action se poursuivre, expliquant qu’elle prendra les identités à l’issue de la marche.

Tel un cortège funèbre ou une marche zen, les marcheuses et marcheurs avancent très lentement, soleil dans les yeux, sans parler, pancartes à bout de bras: «Quel avenir pour nos enfants?» ou «La lenteur de la Suisse face à l’urgence climatique tue.» Pendant 45 minutes environ, la rue Centrale devient étrangement et agréablement calme. Les coccinelles distribuent leurs flyers explicatifs invitant à une réunion d’informations. «Bloquer les routes, c’est du fachisme», lance un passant. Dylan, 27 ans, écoute, parle, jusqu’à instaurer un vrai dialogue. «Finalement cet homme a admis que notre mouvement était intéressant et a pris une photo du flyer», se réjouit-il. «C’est un pas. Mais c’est très dur d’estimer l’impact de notre stratégie. Nos actions n’ont pas pour but de nous faire aimer, mais de nous faire connaître. On rentre dans l’imaginaire collectif. La rénovation thermique est une idée reprise par tous les partis.»

Des passantes applaudissent. L’une d’elles, à vélo, lance pour elle-même: «On a besoin de gens comme ça!» Une autre partage: «Merci beaucoup! Continuez votre combat!» Sauf que le combat est celui de tous.

Un mouvement intergénérationnel

Isaure, 14 ans, est imperturbable. Elle marche pour la première fois avec Renovate Switzerland. Sa première manifestation, c’était il y a à peine une semaine à Berne, lors de la marche pour le climat organisée par l’Alliance climatique. «Je marche aujourd’hui, parce que ça me touche comment va le monde.» A quelques pas, Anthony, 20 ans, étudiant en relations internationales, participe à sa dix-neuvième action depuis ce printemps. «Les mouvements de résistance civile ont été nécessaires pour les droits des personnes noires ou ceux des femmes. Aujourd’hui, la rénovation thermique permettrait de diminuer de 25% nos émissions directes de gaz à effet de serre. Notre demande est simple et consensuelle, car elle crée des emplois et permet une indépendance énergétique de la Suisse. Nous ne sommes juste pas d’accord sur la vitesse. Il y a urgence!»

Au terme de la marche, les activistes s’en retournent dans leur lieu de départ, histoire de débriefer l’action en toute convivialité. Les émotions partagées sont positives, même si non dénuées de l’angoisse des catastrophes à venir. Willy, à la retraite, partage: «J’ai aimé cette marche intergénérationnelle. Et la ville est tellement belle sans voiture.» Prune, la quarantaine, ajoute: «Ça m’a ressourcé de pouvoir exprimer dans la rue ce que je ressens à l’intérieur.» Plusieurs d’entre eux pensent déjà aux marches de cette semaine prévues dans les cantons de Zurich, Berne, Valais et Genève…

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