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Un pas trop timide en direction de l'égalité salariale

Pour les syndicats le projet de contrôle des entreprises présenté par le Conseil fédéral ne va pas assez loin

Vingt ans après l'adoption de la Loi sur l'égalité, la différence de salaire entre les sexes s'élève encore à 18% en moyenne, et 8,7% ne relèvent que de la pure discrimination. Pour le même travail, la même formation et les mêmes responsabilités, une femme gagne en moyenne 678 francs de moins chaque mois qu'un homme.

La semaine dernière, le Conseil fédéral a présenté son projet de modification de la Loi sur l'égalité. Vingt ans après son adoption, celle-ci ne concrétise toujours pas dans la pratique l'égalité salariale entre hommes et femmes. La différence de salaire entre les sexes s'élève toujours à 18% en moyenne et, pire, 8,7% relèvent de la pure discrimination. Pour le même travail, la même formation et les mêmes responsabilités, une femme gagne en moyenne 678 francs de moins chaque mois qu'un homme. Ces inégalités salariales pour des emplois similaires recalent la Suisse au 47e rang international, selon une récente étude du Forum économique mondial.

Autocontrôle des entreprises
Pour y remédier, le projet de révision de la Loi sur l'égalité reprend le dispositif exposé en octobre 2014 par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Les entreprises de plus de 50 collaborateurs (soit 2% des sociétés, regroupant 54% de la population active du pays) seraient tenues d'examiner tous les quatre ans les salaires et ensuite de faire vérifier l'analyse par un tiers de leur choix, soit un réviseur, un organisme reconnu par l'Etat ou les partenaires sociaux. Cet organe de contrôle aurait pour mission de remettre un rapport portant sur la méthode d'analyse (et non le contenu) à la direction la société. L'employeur aurait alors un délai d'une année pour communiquer les données aux employés. Les sociétés cotées en Bourse devraient joindre cet examen des salaires à leur bilan. Il n'est pas prévu de sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas cette nouvelle obligation de contrôle ni pour celles qui ne prendraient pas des mesures pour adapter le cas échéant les salaires. Le Conseil fédéral propose seulement de rendre publique une liste de moutons noirs.

«Ce n'est pas suffisant»
Dans ses modalités, le projet ne suscite pas un grand enthousiasme dans les syndicats. «C'est un pas dans la bonne direction, cela permettrait d'augmenter la pression, mais ce n'est pas suffisant, nous aimerions une révision plus contraignante», commente Corinne Schärer, membre du comité directeur d'Unia. «Le problème, c'est que les entreprises réaliseraient elles-mêmes les contrôles, sans obligation de communiquer les résultats à une autorité ni d'adapter rapidement les salaires discriminés. Ce serait aux femmes concernées de réclamer leur dû à l'employeur ou d'introduire une action en justice. On sait par expérience qu'il est très difficile pour les femmes de faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Et on imagine mal une salariée déposer plainte contre son patron alors qu'elle travaille toujours dans l'entreprise», souligne la responsable du groupe d'intérêt femmes du syndicat. «Nous voulons que les salariés soient associés aux contrôles, que les résultats soient rendus publics et que les mesures d'adaptation soient aussi discutées par les partenaires sociaux, par exemple les commissions du personnel. Il faut aussi prévoir des sanctions dissuasives en cas de non-respect de la loi.» Reste la question des entreprises de moins de 50 salariés: Corinne Schärer estime qu'il faut là aussi envisager des contrôles, «même si c'est plus compliqué».
Le projet est mis en consultation jusqu'en mars prochain, Unia et l'Union syndicale suisse (USS) vont répéter leur exigence de tolérance zéro en matière d'écart salarial. Les syndicats vont notamment demander à ce que les contrôles des salaires soient réalisés dans le cadre du partenariat social et qu'une commission tripartite accompagne les autorités dans la mise en œuvre de la nouvelle législation. Le Parti socialiste annonce qu'il proposera au Parlement d'introduire des mesures de coercition envers les entreprises qui continueraient à bafouer la loi. De leurs côtés, l'Union patronale suisse (UPS) et l'Union suisse des arts et métiers (Usam) dénoncent une «charge supplémentaire» et un «contrôle étatique des salaires». L'UPS allant dans sa prise de position jusqu'à remettre en question la notion de discrimination salariale. La nouvelle loi pourrait avoir le mérite de rendre celle-ci plus visible et moins contestable.

Jérôme Béguin