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Un long chemin vers l’Europe

Banderole sur la place fédérale
© Neil Labrador/archives

Pour les syndicats, les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes sont cruciales pour éviter la sous-enchère salariale. Ils l'avaient déjà fait savoir avec l'action "Ligne rouge".

Avec la mise en consultation de l’accord entre la Suisse et l'UE en juin, le dossier des bilatérales avance. Mais il reste encore de nombreuses étapes, et quelques embûches, avant de pouvoir stabiliser nos relations avec notre voisin.

Un pas supplémentaire a été franchi dans le dossier des relations entre la Suisse et l'Union européenne. Après avoir entretenu pendant six mois le secret autour de l'accord négocié fin 2024 avec Bruxelles, n'en dévoilant que quelques bribes au compte-gouttes, le Conseil fédéral a enfin ouvert le 13 juin la consultation sur l’intégralité du texte paraphé fin mai, sa législation de mise en œuvre et ses mesures d'accompagnement.

La période de consultation sur ces Bilatérales III s'étend jusqu'à fin octobre. C’est qu'il y a du pain sur la planche: 1500 pages à éplucher, 96 actes législatifs européens, 32 modifications de lois suisses et trois nouvelles lois. A l'Union syndicale suisse (USS), on a décidé de digérer le paquet en plusieurs morceaux. «Nous sommes en train d’examiner tout cela en détail et nous soumettrons nos réponses pour approbation au comité de l’USS en plusieurs fois», explique Daniel Lampart, premier secrétaire de la faîtière. 

Cruciale protection des salaires

Ces derniers mois, l’USS a déjà exprimé son opposition à la libéralisation totale du marché de l’électricité ainsi qu’à la clause de sauvegarde sur l’immigration, qui permettrait au Conseil fédéral, quand il juge que la situation économique ou sociale l’exige, de restreindre temporairement la libre circulation des personnes avec l’Europe. En revanche, il a approuvé les quatorze mesures proposées par le gouvernement pour la protection des salaires, un sujet qui tient particulièrement à cœur aux syndicats.

Les mesures d'accompagnement à la libre circulation sont en effet cruciales pour éviter la sous-enchère salariale. Comme l’a montré le dernier rapport du Secrétariat d’Etat à l’économie à ce sujet, publié début juin, on déplore chaque année de nombreuses infractions de la part des employeurs. Dans les branches réglementées par une convention collective de travail fixant des salaires minimums, 31% des entreprises contrôlées en 2024 versaient des rémunérations inférieures à ces minima (contre 27% en 2023). L’USS estime que les cantons – à l’exception de Genève et du Tessin – ne sont pas assez stricts sur l’application des mesures d'accompagnement et devraient effectuer davantage de contrôles.

Plusieurs obstacles à franchir

A l’issue de la période de consultation sur les accords bilatéraux, le Conseil fédéral va analyser les réponses reçues, et décider si des adaptations du texte sont nécessaires. Une fois cela effectué, il devrait présenter son message au Parlement au début de 2026. La question de savoir quand les Chambres fédérales vont empoigner le dossier est encore en suspens. Faut-il que cela soit avant ou après les élections fédérales de 2027? «Les avis sont partagés, explique Daniel Lampart. Certains craignent que si le débat parlementaire a lieu avant les élections, cela favorise l’UDC. D’autres pensent au contraire que ce serait le cas si le débat se tient après les élections.»

Ce qui est sûr, c’est que vu le volume de documents à traiter, cela va représenter un énorme travail pour les élus, ce qui prendra du temps. De plus, les Chambres devront aussi décider si les quatre paquets des Bilatérales III seront soumis au référendum facultatif (avec simple majorité du peuple), comme le propose le Conseil fédéral, ou au référendum obligatoire (avec double majorité du peuple et des cantons), comme le souhaite l’UDC. En cas de référendum facultatif, il faudra, le cas échéant, prévoir en plus un délai pour la récolte de signatures.

Autre question qui n’est pas encore réglée: si votation il y a, faut-il soumettre les quatre paquets d’accords au peuple en un seul scrutin ou en plusieurs? Pour sa part, l’USS préférerait que cela se fasse en plusieurs fois: «C’est un peu compliqué, le même week-end de votations, de recommander le oui pour une partie des accords, et le non pour l’autre», considère Daniel Lampart. Il est vrai que ça risquerait de brouiller le message.

L’UDC brouille les cartes

Mais avant cela, le Parlement devra se prononcer sur l’initiative populaire de l’UDC «Pas de Suisse à 10 millions!». Or, celle-ci pourrait avoir un impact sur nos relations avec l’Union européenne, puisqu’elle contient une clause dite guillotine, qui impliquerait de dénoncer l’accord sur la libre circulation des personnes au cas où la population suisse dépasserait les 10 millions d’habitants d’ici à 2050. Ce qui, par effet domino, remettrait aussi en cause le reste des accords bilatéraux.

Vraisemblablement, le débat parlementaire sur cette initiative aura lieu à l’été 2026. Il y a toutefois eu un signal encourageant dernièrement: le 27 juin, la Commission des institutions politiques du Conseil national a rejeté le texte de l’UDC par 16 voix contre 9, et également refusé d’entrer en matière sur un contre-projet. Mais il n'y a pas de quoi crier victoire trop tôt, car la voie vers des relations stables et apaisées avec l’Union européenne est encore longue et parsemée d’embûches…

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