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Un jour sans thé, bonjour tristesse

Cofondatrice de l'entreprise Tekoe, spécialisée dans la vente de thé en feuilles, Valérie Peyre raconte ...

Proposer du thé de qualité à la gare, à des pendulaires pressés: une idée sur laquelle personne n'aurait parié même une tisane tant elle semblait incongrue. Pas de quoi décourager Valérie Peyre et Pierre Maget, les fondateurs de Tekoe. Cette chaîne de bars et boutiques à thé a commencé par prendre racine à Lausanne, en 2004. Depuis, elle n'a cessé de s'étendre pour compter aujourd'hui six filiales, bientôt une septième, et employer 36 personnes. A l'origine du projet? Le goût immodéré de Valérie Peyre pour les voyages et le thé et sa difficulté, lors de ses déplacements, à en trouver du bon, alors qu'elle travaillait dans la communication et le marketing international. «Je me baladais avec mes sachets» raconte cette dynamique femme de 43 ans.

Le thé s'évade...
Avec Pierre Maget, elle étudie alors la faisabilité de la vente de thé à l'emporter et en vrac dans les zones à fort trafic, visite des plantations en Asie et décide de se lancer dans l'aventure contre l'avis de nombre d'interlocuteurs. «Plusieurs personnes nous ont ri au nez, nous qualifiant d'inconscients.» Mais la passion, principal moteur de l'entreprise, balaie les commentaires sceptiques. Et le «flair entrepreneurial» de son associé fait mouche. Attribué plus souvent qu'à son tour à un breuvage pour les femmes, les malades ou les personnes âgées, le thé, sous l'impulsion de Tekoe, sort des salons, foyers et hôpitaux pour s'insérer dans un contexte urbain, actif et ouvert. Et fédérer nombre d'amateurs dans toutes les catégories de la population. Avec une clientèle aussi bien masculine que composée de jeunes, propre à faire mentir les préjugés.

... et procure de l'évasion
Le succès ne relève pas du hasard. Tekoe mise d'abord sur la qualité, la fraîcheur et une certaine éthique des thés vendus. Les différentes variétés sont sélectionnées directement dans les pays de production par les fondateurs qui veillent à favoriser des cultivateurs sensibles à l'environnement et socialement responsables. «Bien sûr, la garantie ne peut être totale mais par nos visites, nos relais sur place et l'expérience, nous limitons les risques» relève Valérie Peyre qui adore le contact avec les producteurs, ces incursions olfactives dans les plantations et manufactures, le monde de la terre... Dans les échoppes, les sachets sont remplis au fur et à mesure des commandes. La diversité des provenances - Sri Lanka, Chine, Inde, Kenya... - invite aux voyages gustatifs et de l'imaginaire. Quant aux employés, ils bénéficient tous d'une formation sur mesure et peuvent conseiller les intéressés. «Qualité, découvertes - nous comptons 150 thés différents - rapidité et convivialité du service expliquent la réussite de Tekoe. C'est une respiration, une bulle verte (ndlr: la couleur identitaire de la marque) dans le quotidien des pendulaires.»

Excitant et effrayant
Avec un chiffre d'affaires annuel de 3 millions de francs budgeté cette année, Tekoe donne parfois le vertige à la coresponsable. «C'est une chance inouïe d'avoir une idée à laquelle les autres adhèrent. Jamais je n'aurais pensé que l'entreprise prendrait une telle ampleur. C'est excitant et en même temps effrayant» déclare Valérie Peyre non sans attirer l'attention, en rigolant, sur ses cheveux poivre et sel. Et de tempérer sa bonne fortune... «Mais c'est aussi quantité de travail. Jour et nuit. Sans vacances depuis plusieurs années. Je ne compte pas mes heures. Je ne suis pas une patronne demeurant dans une tour d'ivoire, loin du personnel. J'aide aussi aux boutiques...» affirme cette femme qui se qualifie comme une besogneuse, non une personne bénie des dieux.

Potions magiques...
Mais où cette mère de famille de deux enfants de 6 et 4 ans puise-t-elle tant d'énergie? La réponse tient une nouvelle fois dans son amour du thé, qu'il se décline sous sa forme d'origine ou dans des mélanges de sa fabrication. Pas un jour ou presque où Valérie Peyre ne joue les apprenties sorcières en mariant dans sa cuisine-laboratoire de nouveaux arômes. Pas un jour où elle ne «torture» ses collaborateurs administratifs en leur demandant d'y goûter. Parmi ses créations les plus appréciées, le «Régal de l'écureuil» aux saveurs de thé noir, d'amandes et de noisettes ou encore «Little Boudha», composé de thé vert et de feuilles de lotus. Les feuilles de théier s'immiscent même dans des viennoiseries en vente dans les bars et dans des plats cuisinés, proposés notamment dans l'établissement ouvert à Nendaz (Valais). Car pour Valérie Peyre, un jour sans thé, c'est... «la tristesse. Je ne peux même pas l'imaginer. C'est la première chose que je me fais le matin.» Blanc, rouge, jaune ou vert... fumé ou semi fermenté... tout dépendra de l'humeur du moment. Mais c'est aussi pour cela qu'elle adore, car il est au quotidien source de nouveauté ou plutôt devrions-nous écrire de nouveaux thés...


Sonya Mermoud