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Préférence nationale les avis divergent

Dès le 1er janvier 2018 certaines entreprises devront anoncer leurs places vacantes en priorité à l'ORP

La proposition de la Confédération d'instaurer une préférence nationale à l'emploi ne fait pas l'unanimité. En Valais et à Genève, l'initiative est appréciée différemment, entre surcharge administrative, bon sens et inefficacité d'une telle mesure...

En vue de faire appliquer l'article constitutionnel issu de l'initiative «Stop à l'immigration de masse», le Conseil fédéral souhaite introduire une préférence indigène à l'embauche. Cela se traduirait de la façon suivante: les entreprises actives dans des secteurs économiques fortement touchés par le chômage, à savoir 5% au niveau national, seront obligées d'annoncer leurs places vacantes en priorité aux Offices régionaux de placement (ORP) avant de procéder à un recrutement. En d'autres termes, pendant cinq jours, seules les personnes inscrites dans les ORP pourront voir les annonces. Le but? Favoriser les chercheurs d'emploi suisses, plutôt que les étrangers. La mesure est plus ou moins contraignante dans le sens où les entreprises n'ont aucune obligation d'engager un chômeur suisse. Le projet d'ordonnance n'en est qu'au stade de la consultation.
Dans le Valais, les associations patronales et les ORP eux-mêmes se montrent réticents pour des raisons de surcharge administrative, de timing (l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier prochain), de gestion du nouveau personnel et de contrôle des entreprises. Ils craignent la mise en place d'une «usine à gaz».
Par contre, du côté d'Unia Valais, on se réjouit. «C'est une mesure de bon sens» s'est exprimé Jeanny Morard, secrétaire régional, dans les colonnes du Nouvelliste. Et de continuer: «Dans certaines régions, des entreprises font recours systématiquement à des frontaliers, sans se demander s'il y a du personnel disponible ici. Comme le bon sens ne prévaut pas, il faut donc introduire une mesure dans la loi.» En Valais, c'est plutôt le recrutement à l'étranger, notamment par le biais d'agences de travail temporaire, qui chiffonne le syndicaliste. «Le patron qui cherche un maçon se retrouve avec un travailleur italien sans savoir qu'un maçon d'expérience est au chômage ici.»

Expérience différente à Genève
Au bout du lac, la préférence cantonale est en vigueur depuis 2014 pour le secteur public et parapublic, et est plus astreignante que la mesure de la Confédération. En effet, toute entreprise qui perçoit une aide de l'Etat doit recevoir les chômeurs proposés par l'Office cantonal de l'emploi (OCE) et, à compétences égales, privilégier leur embauche face à un travailleur résident. Les employeurs ont également l'obligation de justifier les raisons d'un refus à l'OCE. Pour Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d'Unia, la préférence cantonale est inefficace pour combattre le chômage. Dans une prise de position du 5 septembre, il constate que la mesure du MCG n'a «aucunement augmenté le taux de demandeurs d'emploi engagés via un ORP». Pour le syndicaliste, «la préférence cantonale permet de détourner le débat de la nécessaire amélioration des protections des travailleurs, résidants comme frontaliers, en matière de salaires et de licenciements».
Ainsi, c'est sans surprise que la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) a pris position contre la préférence dite indigène concoctée par le Conseil fédéral. Pour les syndicats genevois, le chômage est le résultat d'évolutions qui n'ont «rien à voir avec la libre circulation des personnes» mais avec «un développement économique déséquilibré, renforcé en 2015 par la décision de la BNS de supprimer le taux plancher, provoquant la destruction de plusieurs dizaines de milliers d'emplois industriels». Ils estiment par ailleurs que les pratiques abusives des entreprises ne sauront être empêchées par la seule obligation d'annonce aux ORP. «Une entreprise pourra toujours remplacer tout son personnel récalcitrant à baisser ses salaires pourvu qu'elle annonce les postes dans un ORP...» Finalement, la CGAS craint que les chômeurs voient leur situation se dégrader. «L'obligation d'annonce risque de vite se tourner en obligation d'accepter un travail à un moindre salaire pour les chômeurs et donc de renforcer davantage le dumping.» Pour la CGAS, le seul moyen de protéger les conditions de travail est d'améliorer les mesures d'accompagnement, en renforçant les contrôles, en durcissant les sanctions et en améliorant la protection contre les licenciements.

Manon Todesco