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Pas de salaires en-dessous de 3500 francs !

L'Union syndicale suisse lance une nouvelle campagne pour des salaires minimaux de 3500 et 4500 francs

Des salaires de misère prospèrent encore en Suisse. Les syndicats repartent à l'offensive pour lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres, environ 200 000. Les conventions collectives restent le moyen principal pour obtenir des revalorisations salariales. Mais des contrats types de travail imposés par les autorités devront être adoptés ces prochaines années dans les secteurs dépourvus de CCT, préconise l'USS. La voie légale n'est pour l'instant pas au programme, même si elle fait son chemin, au Tessin notamment.

La campagne syndicale «pas de salaires en dessous de 3000 francs», initiée en 1998, a obtenu des résultats spectaculaires: la proportion du personnel salarié percevant un salaire mensuel brut de moins de 3000 francs a baissé de 8,9 à 3,7% entre 1998 et 2006. Ce succès a permis d'augmenter en particulier les revenus les plus bas des femmes, les premières touchées par des salaires de misère.
Aujourd'hui, l'Union syndicale suisse (USS) souhaite répéter l'exploit, tout en adaptant ses exigences à l'augmentation du coût de la vie. Le 15 avril, l'organisation a lancé sa nouvelle campagne pour des salaires minimaux de 3500 francs par mois pour le personnel non qualifié et de 4500 francs pour les salariés disposant d'une formation (avec 13e salaire).

7% de pauvres au travail
La démarche de l'USS se révèle d'autant plus nécessaire qu'il n'y a plus eu d'améliorations des bas salaires depuis la fin de la première campagne, indique Andreas Rieger, coprésident d'Unia: «Expérience à l'appui, rien n'évolue à ce niveau sans les pressions syndicales.» A l'heure actuelle, 11% des salaires suisses sont encore inférieurs à 3500 francs. Ainsi, 200000 travailleurs, soit environ 7% des employés, touchent un salaire inférieur au seuil officiel de pauvreté.

20 francs de l'heure
Cette fois-ci, l'USS mettra également l'accent sur l'obtention de salaires horaires plancher pour les salariés payés à l'heure. Les syndicats réclament un minimum de 20 francs de l'heure. «Cette deuxième revendication découle de la nécessité d'inclure le personnel à temps partiel dans la campagne, car souvent, il est encore payé à l'heure et ses conditions de travail sont aussi précaires», explique Paul Rechsteiner, président de l'USS.

Rétribuer la formation
Les syndicats ont aussi souhaité englober les travailleurs qualifiés dans la campagne, en insistant sur un plancher de 4500 francs les concernant. Car les salariés au bénéfice d'une formation professionnelle sont les principaux perdants de la reprise économique, leurs salaires étant restés à la traîne. Et l'USS insiste sur l'importance d'inciter les jeunes à se former: «Sans un niveau de qualification élevé de leurs employés, les entreprises suisses ne seraient pas en mesure d'occuper la position qui est la leur», assure Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS. Or, dans diverses branches, la différence de revenu entre les personnes ayant accompli un apprentissage et les autres s'avère très réduite. C'est le cas par exemple dans le commerce de détail (souvent à peine 300 francs de différence) ou dans la librairie (220 francs). La campagne vise donc aussi à une revalorisation de la formation professionnelle.

CCT, contrat type...
Mais comment l'USS compte-t-elle s'y prendre pour obtenir ces résultats? Les syndicats réclameront d'abord le relèvement des salaires minimaux au sein des conventions collectives existantes, qui couvrent environ 40 à 50% des employés touchant un bas salaire. Ils mettront ensuite l'accent sur l'extension de ces conventions par le Conseil fédéral (déclaration de force obligatoire) pour qu'elles puissent être appliquées à toutes les entreprises qui n'en font pas partie. Dans les branches où les syndicats ne parviendront pas à obtenir des conventions, ceux-ci comptent obtenir l'adoption de contrats types de travail obligatoire imposés par le Conseil fédéral ou les cantons. Cette démarche est aujourd'hui possible en vertu des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. L‘USS réclame à cet égard «des commissions tripartites qui soient actives».

Les salaires dans la loi?
A défaut de résultats, l'USS pourrait bien être tentée par une autre stratégie ces prochaines années: l'adoption de salaires minimaux cantonaux dans la loi. L'idée, longtemps rejetée, fait aujourd'hui son chemin au sein des syndicats. Unia Tessin soutient une initiative populaire dans ce sens dans ce canton. Au niveau des instances syndicales nationales, cette éventualité pourrait venir plus tard: «Si le bilan de cette campagne était négatif, il faudrait alors étudier l'éventualité d'un salaire minimal légal général pour les branches dépourvues de CCT, comme cela existe déjà, ou va bientôt exister, dans la majorité des autres pays européens», prévient Paul Rechsteiner.

Christophe Koessler