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Ne jamais abandonner l'espoir

Après un séjour à Tunis, Stéphane Hessel, ancien diplomate et auteur d'un ouvrage à succès, était en Suisse la semaine dernière

«A Tunis, les gens venaient vers moi, mon livre à la main, et me disaient: "Voyez, nous on l'a fait!" et ils me demandaient de le dédicacer.» Assis sur le divan d'un hôtel lausannois, Stéphane Hessel, auteur du livre Indignez-vous!, sorti en octobre 2010, raconte avec passion son séjour en Tunisie, effectué trois jours auparavant. En Suisse ce mardi 15 mars pour une conférence organisée par le Collectif Urgence Palestine sur les crimes de guerre commis à Gaza, ce grand Monsieur de 93 ans - né l'année de la révolution d'octobre et celle de Verdun, précise-t-il - s'engage pour que les crimes commis par Israël ne restent pas impunis. Des crimes attestés, dit-il, par le rapport du juge Richard Goldstone sur l'opération «Plomb durci» de décembre 2008, qui a fait plus de 1400 morts à Gaza, femmes, enfants et vieillards inclus. Un rapport qui devait être discuté lundi dernier à la Commission des droits de l'homme de l'ONU.

Rencontres tunisiennes
«La Palestine est mon principal motif d'indignation aujourd'hui», explique celui qui a été l'un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. «Je la donne en exemple, mais chacun de nous a ses raisons de s'indigner. Je suis allé à Gaza à cinq reprises entre 2007 et 2010 et ce que j'y ai vu justifie clairement mon indignation et mon engagement, notamment comme parrain du Tribunal Russel sur la Palestine.» Pour Stéphane Hessel, ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie et en Egypte «est d'une importance cruciale pour toute la Méditerranée». Il reprend le récit de son séjour à Tunis, où il a été reçu par l'association Averti, dont le but est de préserver les acquis de la révolution: «C'était très enthousiasmant. J'ai rencontré la blogueuse Lina, une jeune femme de 25 ans qui a semé les graines de la révolte, en faisant connaître ce qui s'est passé à Sidi Bouzid. Elle a servi de porte-drapeau à la jeunesse tunisienne. C'est merveilleux. J'ai aussi été impressionné par la manière dont tout se déroule, dans le calme. Les gens d'Averti s'impliquent, travaillent avec le gouvernement actuel pour aller vers l'élection d'une Constituante et doter ce pays, sortant de la dictature, d'institutions démocratiques. A Tunis, ils sont sur la même longueur d'onde qu'en Egypte.» Stéphane Hessel souligne encore que de tels processus, aussi rapides, sont très fragiles. «Restons prudents et aidons-les.» Comme ancien diplomate français, il regrette «comme tout le monde, que nous n'ayons pas vu que Ben Ali et Moubarak étaient des dictateurs. Nous nous contentions des bonnes relations économiques avec ces pays.»

Coïncidence fortuite
Dans son petit ouvrage Indignez-vous!, Stéphane Hessel rappelle les valeurs humanistes qui l'ont poussé à rejoindre, jeune homme, le général de Gaulle et la Résistance, avant d'être arrêté et déporté. Il y appelle la jeunesse à rejeter l'indifférence, à s'indigner face à la dictature des marchés financiers menaçant la paix et la démocratie, à s'engager pour une insurrection pacifique et pour l'écologie. «Ce qui se passe au Japon nous fait sentir combien notre planète est fragile. C'est un grand signal d'alarme», souligne-t-il.
Son livre a connu un succès phénoménal. Tiré d'abord à 8000 exemplaires, il atteint aujourd'hui le nombre de 1800000. Il est bientôt traduit en 20 langues. Ce succès a précédé de peu le début de la révolution tunisienne. Simple coïncidence? «C'est une coïncidence fortuite, répond Stéphane Hessel, mais ce qui n'est pas fortuit, c'est que le texte mettait en question la confiance des peuples à l'égard de leurs gouvernements. Le manque de confiance n'est pas limité à l'Afrique du Nord, il existe aussi en France, en Suisse. Partout, on a le sentiment d'être mal gouverné. Le livre est sorti en plein dans une phase de déstabilisation mondiale. Cela a joué sur son succès. Et il pourrait bientôt être traduit en arabe. C'est le destin étrange de Indignez-vous!.» Un destin qui a aussi amené Stéphane Hessel à sortir, il y a quinze jours, un nouvel ouvrage, Engagez-vous!. Un livre d'entretiens avec un jeune auteur, Gilles Vanderpooten. «Cet ouvrage répond aux critiques qui m'ont été faites sur la question de qu'est-ce qu'on fait. Mais il a été écrit avant Indignez-vous!. Il est destiné essentiellement aux jeunes, pour qu'ils aient un engagement civique fort», indique Stéphane Hessel qui refuse que l'on voie en lui un héros du XXe siècle.

«Soyez généreux»
«Il n'y avait rien d'héroïque dans le fait de rejoindre le général de Gaulle, seulement la volonté d'être utile, de continuer le combat. Durant ma vie, j'ai vécu des choses comme tous les gens de ma génération en ayant la chance d'être dans le coup, ça me donne la responsabilité de dire aux plus jeunes: ne faites pas les mêmes bêtises que nous, soyez intelligents, soyez généreux», explique cet homme, modeste et digne. Lorsqu'on l'interroge sur sa remarquable ténacité à vouloir transmettre ses valeurs aux générations futures, la réponse fuse, limpide: «Il ne faut jamais abandonner l'espoir!» L'espoir d'un «monde idéal auquel nous aspirons tous», et pour lequel il continuera à se battre jusqu'à son dernier souffle. 


Sylviane Herranz