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Les entrepreneurs torpillent la Convention nationale des maçons

Après de longs mois de négociations, aucun accord n'a été trouvé. Le vide conventionnel guette

Les négociations pour le renouvellement de la Convention nationale de la construction ont échoué. Les entrepreneurs ont fait volte-face et quelque 100000 travailleurs seront propulsés dans le vide conventionnel dès le 1er janvier 2012. Les syndicats préparent des mesures de lutte. Première étape: le 25 novembre avec une journée nationale de protestation.

«Nous voulons une meilleure Convention nationale!» Telle est l'exigence des 12'000 maçons venus de toute la Suisse le 24 septembre dernier manifester à Berne alors que les négociations pour le renouvellement de leur convention piétinaient. Une meilleure Convention nationale (CN), c'est une convention avec plus de protections: de la santé face au stress sur les chantiers ou en cas d'intempéries, des salaires face aux cas de sous-enchère salariale de plus en plus fréquents, et plus de protection face aux licenciements pour les travailleurs âgés ou les militants syndicaux.
Or mardi de la semaine passée, le 2 novembre, malgré l'espoir suscité par la manifestation de parvenir enfin à un accord, les négociations entre les syndicats Unia et Syna et la Société suisse des entrepreneurs (SSE) échouaient. En discussion depuis plus de 9 mois pour renouveler la convention arrivant à échéance fin 2011, les parties se sont quittées les mains vides. Les syndicats dénoncent la responsabilité des entrepreneurs dans le vide conventionnel qui débutera le 1er janvier 2012, ainsi que leur versatilité. «Plusieurs solutions quasiment mûres que les syndicats étaient d'accord d'accepter étaient encore à portée de main, solutions pour la plupart esquissées par les patrons. Une proposition sur une assurance en cas d'intempérie était par exemple pratiquement sous toit. Elle aurait permis aux travailleurs d'arrêter les travaux si leur santé était mise en danger, sans qu'ils soient financièrement pénalisés. Malgré le fait que cette assurance, au financement commun, aurait pris en charge le jour de carence jusque-là assumé par les employeurs, la SSE a retiré sa propre proposition, fruit de négociations de plusieurs mois. Elle a justifié son retrait en invoquant le manque de temps au cours des derniers mois pour en informer ses membres», indiquent Unia et Syna dans un communiqué.
L'échec était aussi au rendez-vous au niveau des salaires, où là encore les patrons sont revenus sur leur position. En début de séance, expliquent les syndicats, la SSE a affirmé vouloir augmenter les salaires minimums du même montant que les hausses générales de ces trois dernières années, soit d'au moins 2,2%. Mais quelques heures plus tard, ce montant était réduit à 1%. La SSE a toutefois concédé une hausse générale des salaires réels de 0,8% et une hausse individuelle, à répartir arbitrairement, de 0,7%.

Porte ouverte au dumping
Autre revirement de la SSE: au début des négociations, elle assurait ne pas vouloir remettre en cause le contenu de la CN. Or ces derniers mois, la faîtière patronale a dévoilé un véritable plan de démantèlement massif: «la SSE a exigé que les salaires minimums ne soient plus appliqués à une partie des travailleurs, alors que les cas de dumping salarial augmentent. En clair, les travailleurs âgés dont les prestations ne seraient plus suffisantes aux yeux des patrons pourraient être payés en-dessous du minimum. Une telle mesure ouvrirait grand la porte au dumping salarial», soulignent Unia et Syna. Autre mesure, la détérioration de l'actuelle protection contre le licenciement de 720 jours en cas de maladie et d'accident, et l'exclusion de groupes professionnels entiers de la convention, comme les chauffeurs, les paysagistes ou le personnel des sables et graviers.

«Nous continuerons à ne pas comprendre!»
Pour les syndicats, seule une meilleure CN permettra de faire face à la situation extrêmement difficile sur les chantiers et à l'énorme pression sur les salaires. Et tant pis si Werner Messmer, président de la SSE, prétend qu'il faut jouer donnant-donnant. «Il dit que nous n'avons pas compris que dans une négociation, chacun doit lâcher quelque chose. Eh bien, nous continuerons à ne pas comprendre!» réagit Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d'Unia Genève et membre de la délégation de négociations.
Alors que le vide conventionnel approche à grands pas, les syndicats vont recourir à des mesures de lutte pour obtenir aussi vite que possible une nouvelle CN contenant les améliorations nécessaires. Une journée de protestation se prépare déjà sur les chantiers du pays. Elle aura lieu le vendredi 25 novembre. Des actions auront lieu un peu partout, avec notamment des manifestations à Lausanne et Genève.

Sylviane Herranz