Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

«Les droits des travailleurs font l'objet d'une attaque en règle en Ukraine»

Portrait de Kemal Ozkan.
© Industriall

«Nous exprimons notre solidarité avec tous les peuples, les travailleurs et les syndicats d'Ukraine» a souligné Kemal Ozkan, secrétaire général adjoint d’Industriall Global Union.

La fédération internationale Industriall se démène pour défendre les salariés ukrainiens dont les droits et la protection sont remis en cause des deux côtés de la ligne de front. Interview

Le 13 avril, des responsables d’Industriall, la fédération internationale des syndicats actifs dans l’industrie à laquelle est affiliée Unia, ont rencontré des représentants de treize syndicats ukrainiens dans la ville polonaise de Lancut. Quel était le but de cette réunion? Et quels ont été les sujets de discussion? Réponses de Kemal Ozkan, secrétaire général adjoint d’Industriall Global Union.


Quels étaient les objectifs de cette réunion avec les syndicats ukrainiens?

Nous avons treize syndicats affiliés en Ukraine. Ces organisations jouent un rôle important pour l’économie et la vie sociale, car le secteur manufacturier, l’énergie et les mines forment la colonne vertébrale de l’économie ukrainienne. Nous avons organisé cette réunion, en association avec notre fédération européenne, Industriall Europe, pour échanger, pour discuter des violations des droits humains et des droits des travailleurs dans les territoires occupés par la Russie, mais aussi en Ukraine, ainsi que de la stratégie à adopter pour améliorer les droits des travailleurs dans le cadre de la candidature de l’Ukraine à l’UE et planifier des actions syndicales.

Vous évoquez des violations des droits des travailleurs dans les zones occupées par les forces russes, de quoi s’agit-il?

Il y en a beaucoup. Certains des adhérents de nos syndicats affiliés ont subi une violation de leur liberté d’association en étant contraints, sous la pression des autorités de la Fédération de Russie ou des nouvelles directions russes des établissements, de dénoncer leur affiliation à un syndicat ukrainien et d’adhérer à un syndicat russe. Il y a aussi un aspect de travail forcé puisque des salariés ont été empêchés de quitter leur emploi et obligés de rester au travail par le pouvoir russe ou les nouvelles directions sans le consentir. Dans la centrale nucléaire de Zaporijia, les travailleurs continuent de subir des pressions pour signer de nouveaux contrats avec une société basée à Moscou, Rosatom. La violation de la liberté d’association et le travail forcé constituent une violation des droits humains. Pour documenter ces violations, nous coopérons avec la mission de surveillance des droits de l'homme en Ukraine, qui est une agence des Nations Unies, et avec l’Organisation internationale du travail. Enfin, il faut évoquer l’environnement au travail. Certains salariés sont exposés à des risques, à des frappes ou à l’explosion de mines, et contraints de travailler dans des situations dangereuses et malsaines. Lorsque les infrastructures et les espaces de travail sont endommagés, les prescriptions de santé au travail ne sont pas suivies. Nous voulons rapporter toutes ces violations pour placer les forces russes face à leurs responsabilités. L’armée russe s’est rendue responsable de toute une série de crimes et de violations des droits humains, y compris des droits des travailleurs et, à la fin, il doit y avoir un processus de justice. Cela a fait partie de nos échanges à Lancut. C’est important pour les syndicats ukrainiens, car ils n’ont que peu d’opportunités de protéger leurs adhérents. Nous essayons d’utiliser les leviers internationaux pour aider ces travailleurs-là.

Est-ce que des violations des droits des travailleurs sont également constatées dans la partie ukrainienne?

Tout à fait. Malheureusement, les droits des travailleurs font l'objet d'une attaque en règle en Ukraine. Le Parlement et le gouvernement ont choisi de modifier l'ensemble de la législation du travail contre l'intérêt des travailleurs. L’Ukraine a besoin de paix, de dialogue et de l’implication de tous les secteurs de la société, en particulier les travailleurs et les syndicats. Réformer la législation du travail sans tenir compte de l’avis des syndicats est un précédent extrêmement négatif. Si l’Ukraine a obtenu le statut de pays candidat à l’UE, l’agenda social du gouvernement et du Parlement va dans la direction opposée au modèle social européen. Diluer, voire effacer les droits fondamentaux, démolir la base du dialogue social d’un pays, ce n’est pas bon. Nous avons beaucoup d’échanges avec les autorités internationales pour plaider la conditionnalité sociale aux investissements et l’adhésion à l’UE. Nous avons donc deux agendas: le premier pour protéger les travailleurs dans les territoires occupés par les forces russes et le second pour essayer de mener la lutte avec les syndicats ukrainiens pour protéger les droits des travailleurs dans l’autre partie de l’Ukraine.

Est-ce que vous avez des contacts avec les syndicats russes pour protéger les travailleurs dans les zones occupées?

Les syndicats russes ont été suspendus de la participation aux activités de notre organisation. Cette décision a été prise par notre comité exécutif lorsque la guerre a commencé, parce que la principale centrale syndicale a déclaré son soutien à la guerre. Cela nous pose problème dans la mesure où le mouvement syndical international défend des valeurs universelles de paix et de démocratie, ainsi que les droits humains fondamentaux. Nous restons toutefois en communication avec les syndicats russes. L’objectif principal est de comprendre la situation. Beaucoup d’entreprises ont été affectées par la guerre, nombre de travailleurs doivent en payer la facture par leurs emplois et leurs salaires. Mais nous ne pouvons pas parler des territoires occupés avec eux car, par principe, nous sommes opposés à cette occupation.

Est-ce que vous demandez un cessez-le-feu?

Nous demandons la paix immédiatement. Les premières victimes sont la population et les travailleurs, nous n’avons aucun intérêt dans la guerre. Les territoires des pays doivent être respectés et les problèmes résolus par le dialogue, non par la guerre. Nous exprimons notre solidarité avec tous les peuples, les travailleurs et les syndicats d'Ukraine. La recherche de la paix et de la démocratie est une valeur fondamentale du mouvement syndical et une condition essentielle pour garantir la sécurité, la justice sociale, les droits des travailleurs et de l'homme. Notre mouvement syndical fait partie du mouvement pour la paix dans le monde entier. Nous voulons et exigeons la paix, maintenant, sans délai.

Rencontre syndicale.
Une rencontre aux couleurs de l’Ukraine. © DR

 

Pour aller plus loin

Purges dans le secteur culturel géorgien

exposition itinérante

En Géorgie, le monde culturel se mobilise contre la politique autoritaire de la ministre Tea Tsouloukiani, qui offre un avant-goût du contrôle que les autorités aimeraient exercer sur toutes les sphères de la vie sociale après les élections du 26 octobre.

Travailleurs palestiniens sans le sou

Fin septembre, neuf organisations syndicales internationales, représentant 207 millions de travailleurs et de travailleuses dans plus de 160 pays, ont présenté une réclamation à l...

Plus de 130 journalistes tués à Gaza

rsf geneve

Le 26 septembre, Reporters sans frontières (RSF) s’est mobilisé aux quatre coins du monde pour dénoncer le massacre des journalistes par les forces israéliennes à Gaza. Une action...

Glencore ou l’art de se défiler

manifestation glencore perou

Juste après avoir accepté une médiation autour d’un conflit avec un syndicat de mineurs au Pérou, Glencore a annoncé la vente de ses parts à une autre filiale.