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Les belles promesses ça suffit

Les syndicats genevois de la construction ont bloqué simultanément cinq chantiers du canton employant trop de temporaires

Jeudi, plus de 300 employés ont été empêchés de travailler à Genève. Par cette action d'envergure, les syndicats Unia, SIT et Syna somment les employeurs de revenir à la table des négociations et d'entrer en matière sur la limitation du travail temporaire sur les chantiers ou encore sur une augmentation salariale. Sans quoi, ils menacent de durcir le ton.

Les syndicats genevois de la construction ont déterré la hache de guerre. Plus question de «se laisser faire» et de s'en tenir «aux belles promesses» des patrons, selon leurs mots. Jeudi 15 mars, Unia, SIT et Syna ont bloqué simultanément cinq gros chantiers du canton pendant toute une journée. Au total, environ 300 travailleurs, dont plus de la moitié sont des intérimaires, ont été empêchés de se rendre sur leur lieu de travail. Pour les syndicats, cette action coup de poing est une réponse au mépris du patronat envers les travailleurs de la construction. «La Société suisse des entrepreneurs (SSE) de Genève et le Groupe genevois d'entreprises du bâtiment et du génie civil (GGE) refusent de négocier la limitation du travail temporaire, refusent d'augmenter les salaires et refusent de régler la question des travailleurs âgés et des intempéries», rappelle José Sebastiao, secrétaire coresponsable du gros œuvre chez Unia. «Face à cette volonté de démanteler les conditions de travail, nous sommes prêts à durcir le combat pour obtenir de nouvelles protections en faveur des travailleurs.» Devant une assemblée de plusieurs dizaines de maçons qui approuvent, les syndicalistes poursuivent. «On se fait balader par les patrons depuis 2015, s'indigne Thierry Horner, responsable du gros œuvre au SIT. Le pouvoir d'achat des travailleurs baisse et ils sont précarisés par le travail temporaire qui met leur retraite anticipée en péril. Les employeurs genevois nous disent qu'ils n'ont pas de marge de manœuvre, mais c'est faux, nous avons déjà réussi à négocier une annexe à la Convention collective nationale en 2009. Ils remettent en cause le partenariat social et il est hors de question de rester les bras croisés face aux abus pratiqués dans le secteur.»

Maçons en colère
Les syndicats ont recensé à Genève une trentaine de cas de travailleurs âgés licenciés à quelques années, voire à quelques mois, de la retraite. Quant aux maçons renvoyés après des années de services, puis réembauchés pour la même entreprise par le biais d'une agence d'intérim, on ne les compte même plus... «Ils nous prennent pour des vulgaires machines de location», lance un ouvrier dans la salle. La plupart sont dans ce cas-là. L'un d'entre eux travaille depuis deux ans et demi en tant que temporaire pour Implenia et Belloni. «Je suis content de mon travail, mais je ne peux pas me projeter sur le long terme, ni m'engager dans quoi que ce soit.» Un autre, frontalier, a débarqué sur le marché du travail en 2010. «Depuis sept ans, j'enchaîne les missions temporaires, on ne m'a jamais proposé un poste fixe.» Résignés, ils ont très peu d'espoir de décrocher un contrat à durée indéterminée. «Si cela peut changer les choses, je suis prêt à me mobiliser, dit un jeune. Il faut taper un bon coup.»

Le combat continue
Ces derniers mois, lors de blocages de chantiers similaires par Unia, les entreprises D'Orlando et Marti s'étaient engagées à faire pression sur leur faîtière pour négocier une limitation du travail temporaire. Or, d'après les syndicats, lors de leur assemblée générale, les membres de la SSE Genève ont voté à l'unanimité le refus d'entrer en matière sur ce point... «Stop au double discours patronal! Aujourd'hui, nous ne nous contenterons plus de vagues discussions et de belles promesses, nous voulons des négociations et des engagements fermes», martèle Thierry Horner. Les trois syndicats ont d'ores et déjà agendé une série d'actions conjointes à venir. «La tension monte de part et d'autre, admet Yves Mugny, responsable du secteur de la construction à Unia. Il est clair que, si le dialogue ne s'ouvre pas, nous n'irons pas vers un apaisement de la situation.» Aucun doute, ils sont prêts à intensifier la mobilisation. «Nous frapperons encore plus fort, jusqu'à obtenir ce que nous demandons.»

Manon Todesco

 

Un combat aussi national
Alors que la Convention nationale du secteur principal de la construction arrive à échéance en fin d'année 2018, les syndicats commencent déjà à mobiliser leurs troupes. «La SSE suisse revendique une baisse des salaires pour les travailleurs âgés et, pour les jeunes, une augmentation du temps de travail jusqu'à 50 heures par semaine et elle remet en question l'historique retraite anticipée à 60 ans», souligne José Sebastiao. Et Thierry Horner d'ajouter: «Cela fait quatre ans que les travailleurs n'ont pas eu un centime d'augmentation alors que les prix à la consommation, les loyers ou encore les primes d'assurance maladie ne cessent d'augmenter.»
MT