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Le déluge avant d'affronter la tempête

De mémoire de militants le 1er Mai n'a jamais connu une telle météo mais la pluie n'a pas mis en veilleuse les revendications

La pluie a coulé à flot sur le 1er Mai, mais n'a pas eu raison des revendications des milliers de salariés qui se sont mobilisés dans 50 localités de Suisse. Si en certains endroits, les cortèges ont été annulés, ailleurs, comme à Zurich où 10000 personnes ont défilé, les rangs des manifestations étaient malgré tout étoffés en ce 125e anniversaire de la Fête internationale des travailleurs.


Placé sous la devise «Oui à la justice sociale, non à l'exclusion», le 1er Mai a été l'occasion pour les syndicalistes et politiciens de gauche de fustiger les injustices sociales, les inégalités persistantes, les projets de dérégulation, l'utilisation du franc fort pour faire payer aux travailleurs une crise dont ils ne sont pas responsables, ou encore l'exclusion des migrants et la xénophobie ambiante.
A Bâle, Vania Alleva, coprésidente d'Unia, a vivement critiqué les milieux bourgeois qui se servent du franc fort comme prétexte pour imposer un programme de déréglementation sociale: «Les tenants du tout au marché veulent tailler dans les assurances sociales et diminuer nos rentes, détruire les conventions collectives et nos bonnes conditions de travail, réduire les salaires et empêcher le tournant énergétique.» Elle a invité à combattre cette politique axée sur le seul profit, notamment en votant pour la réforme de l'imposition sur les successions en juin, en réalisant l'égalité salariale et en refusant tout statut discriminatoire pour les migrants.
La question des retraites a aussi été au cœur du 1er Mai, avec par exemple un Alain Berset applaudi au Noirmont dans le Jura, alors qu'à Zurich, le président du Syndicat du personnel des transports, Giorgio Tuti, a vivement critiqué son projet «Prévoyance vieillesse 2020». Selon lui, ce projet va dégrader encore plus les prestations de l'AVS, en relevant l'âge de la retraite des femmes et en remettant en question la compensation du renchérissement.
De son côté, Paul Rechsteiner, président de l'USS, a dénoncé le fait que l'on veuille nous faire croire que de nouvelles baisses d'impôts pour les entreprises, la diminution de la protection des travailleurs, l'absence de nouvelles mesures contre la sous-enchère salariale et le démantèlement des prestations publiques découleraient de la crise financière et que «c'est au petit peuple et aux salariés de payer». Des critiques qui se sont exprimées un peu partout en Suisse. Retour sur quelques manifestations en Suisse romande.
SH

 

 

LAUSANNE

Les travailleurs du bâtiment à l'abri!
«Nous devons travailler dehors quand il pleut, au froid, dans le gel. Il faut que cela change! Il faut renforcer notre mouvement, car le patronat suisse est de plus en plus fermé sur les salaires et les conditions de travail. On doit pouvoir se mobiliser en masse», a lancé le charpentier Guillaume Racloz sous la tente installée pour le 1er Mai à Lausanne. Il donnait le ton à l'assemblée de quelque 400 travailleurs de la construction réunis par Unia avant le traditionnel cortège. Son collègue maçon Simon De Benoit ajoute: «On veut plus de protection contre les intempéries. Nous sommes dehors par tous les temps alors que les animaux n'ont pas le droit d'y être. Et notre retraite à 60 ans, un de nos plus gros acquis, nous ne les laisserons pas nous l'enlever.» «Sur les chantiers en hiver, le chef de chantier nous dit: prenez vos affaires et allez travailler. Il ne nous demande jamais notre avis. Ça aussi, ça doit changer. Les chefs sont comme tout le monde, ils doivent nous donner la parole», renchérit le grutier Daniel Fossé. Pietro Carobbio, responsable de la construction à Unia Vaud, a souligné: «J'ai appris ce matin par la presse que la Société suisse des entrepreneurs refusait de travailler avec Unia pour le renouvellement de la CCT! Nous devons nous battre pour sauver nos acquis, améliorer nos conditions de travail, les contrôles. Nous devons aussi lutter pour notre pouvoir d'achat, nous n'avons eu que des miettes, et l'année dernière: zéro! Le premier pas de notre lutte sera le 27 juin à Zurich. Si l'on n'obtient pas d'amélioration de notre CCT, la seule solution sera la grève.» Déterminés, les travailleurs des différentes branches de la construction ont décidé d'aller jusqu'au bout de leur revendication: «Nous ne voulons pas travailler lors d'intempéries. Nous ne sortirons donc pas manifester sous la pluie!», a résumé Pietro Carobbio. Les 350 manifestants qui les attendaient à la Riponne ont dès lors bravé les trombes d'eau pour les rejoindre à l'abri de la tente, après un bref parcours en ville.
Sylviane Herranz

 


NORD VAUDOIS

Le combat incessant contre le travail à rallonge
«Ces quelques averses ne sont rien à côté de la tempête qu'a provoqué, le 15 janvier 2015, l'abolition du taux plancher par la Banque nationale suisse» a lancé, à Yverdon-les-Bains, le syndicaliste d'Unia Arnaud Bouverat. Il a évoqué ces autres tempêtes qu'il faudra bientôt affronter en matière de temps de travail, rappelant que le 1er Mai, c'est la célébration d'une revendication historique, celle de la journée de travail de 8 heures, un combat initié à la fin du 19e siècle. Un combat mené aussi en 1907 à Yverdon par les cigarières qui ont obtenu, au sein de leur usine, de faire passer la journée de 11h à 9h. La question de la lutte contre le travail à rallonge et contre la loi sur les ouvertures des magasins en cours de discussion au Parlement a occupé le devant de la scène du 1er Mai dans la capitale du Nord vaudois, où une centaine de personnes ont défilé. Talissa Rodriguez d'Unia a rappelé, témoignage à l'appui, le combat des vendeuses contre l'allongement de leur temps de travail, que ce soit à Yverdon empêchant des nocturnes le samedi à Noël, ou à Payerne où 2000 signatures avaient permis de stopper le projet de prolonger les horaires le samedi à 18h. «Il faut rester unis et ne pas céder à la sirène du populisme qui veut diviser les travailleurs mais se tourner vers les vrais problèmes: les places de travail, le démantèlement social, l'assurance maladie, l'assurance chômage, etc.» a indiqué le député socialiste Nicolas Rochat avant que les participants détrempés n'entonnent l'Internationale. La journée s'est conclue par une table ronde et un débat réunissant une cinquantaine de personnes sur le thème: «Nos retraites à la sauce Berset, l'indigestion?»
A La Vallée de Joux, le 1er Mai a aussi été un succès syndical. Plus de 80 personnes ont partagé le repas de midi. Agrémenté notamment des discours de Nuria Gorrite, conseillère d'Etat socialiste, et de l'horlogère Camille Golay, toute nouvelle présidente de la section Unia de la Vallée.
Sylviane Herranz