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«La santé n’est pas une dépense, mais un droit!»

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@ Thierry Porchet

Le 22 novembre, à Berne, près de 5000 personnes ont répondu à l'appel à manifester des syndicats pour l'application de l'initiative pour des soins forts.

Le 22 novembre, le personnel de santé et les syndicats se sont rassemblés devant le Palais fédéral pour des soins de qualité et de meilleures conditions de travail.

«Vous vous souvenez quand on nous applaudissait au balcon? Depuis, les soignantes et les soignants continuent de quitter la profession les nerfs à bout. Les personnes ne sont pas remplacés, notre vie privée et notre santé en prend un coup.» Sur la place fédérale, Emilie, infirmière, résume le sentiment général des milliers de professionnels de la santé, réunis à Berne le 22 novembre. Ils sont venus des quatre coins de Suisse pour exprimer leur colère face à un système qui dysfonctionne. Malgré la température sous la barre du zéro degré, ils ont répondu à l’appel au rassemblement de l’alliance du personnel de santé, qui regroupe une dizaine de syndicats et associations professionnelles dont le SSP, Unia et Syna, ainsi que l’Association professionnelle des infirmières et infirmiers.

De nombreux retraités et des militantes des organisations féministes sont venus soutenir les revendications. Quatre ans après l’adoption par 61% des votants de l’initiative pour des soins infirmiers forts, la réalité du terrain ne s’est pas améliorée. 

Témoignages glaçants

Sur l’estrade, les témoignages des professionnels sont aussi glaçants que les températures du jour. «La sécurité des patients est en danger! On nous demande de faire toujours plus avec toujours moins! Et quand tout manque la pression explose! Les soins se dégradent, les erreurs deviennent inévitables. Ce sont nos patients qui en paient le prix, celles et ceux que nous avons choisi d’accompagner, de protéger et de soigner. On nous parle d’économiser, mais des économies sur qui? Les premières de cordées, celles et ceux qui tiennent encore debout? Nous ne pouvons plus soigner avec le chronomètre au-dessus de nos têtes», exprime Friederike, infirmière. Combattive, elle ajoute: «Nous disons stop! Stop aux économies sur la santé, à la mise en danger des patients, aux décisions qui sacrifient notre métier! Parce que la santé n’est pas une dépense, mais un droit! Et nous sommes celles et ceux qui le garantissent chaque jour!» 

Les conditions difficiles et le manque de reconnaissance sont partagés par un employé dans les nettoyages, puis par une médecin-assistante qui ajoute: «La cerise sur le gâteau: le harcèlement sexuel! Et les hôpitaux continuent de fermer les yeux! Nous voulons du respect!»

«Système proche de l’implosion»

Nicolas, technicien en radiologie, lance: «En quatre ans, depuis la votation, rien n’a changé! Nous sommes épuisés, débordés. Le système est proche de l’implosion. Ce système capitaliste n’est pas notre choix. Ceux qui veulent faire de la santé une marchandise portent la responsabilité de ce qu’il se passe. Ouvrez les yeux! Prenez-nous au sérieux, reconnaissez nos besoins et nos revendications! Défendons nos professions, nos patients, la population!»

Isabella, assistante en soins et santé communautaire (ASSC), appelle à la solidarité entre toutes les professions: «Les salaires inéquitables, les horaires à rallonge, ce n’est pas une fatalité! Nous devons nous battre!» Des slogans retentissent dans les trois langues nationales et en anglais: «Who care? We care!» 

Réalisatrice honorée

En visioconférence, Petra Volpe, scénariste et réalisatrice du film En première ligne (témoignage poignant du quotidien du personnel soignant), est très émue par les applaudissements et la reconnaissance des professionnels qui lui remettent symboliquement un prix d’honneur. Elle exprime sa solidarité et souligne: «Quand il n’y a pas suffisamment de personnel bien formé qui puisse travailler dans les meilleures conditions possibles, c’est toute une société qui souffre». 

Des cartons rouges sont brandies à l’encontre du Conseil fédéral, dont le projet de mise en œuvre de l’initiative des soins est totalement insuffisant; des autorités cantonales qui réduisent les budgets dans le secteur de la santé; et des assureurs qui démantèle le secteur public. Dans un communiqué unitaire, les syndicats s’insurgent également que «les soins et l'accompagnement des personnes âgées et dépendantes soient uniquement considérés comme un facteur de coûts, alors que la population vieillit et que les besoins croissent rapidement». Ils demandent au Parlement de «corriger la copie du Conseil fédéral» concernant l’application du deuxième volet de l’initiative pour des soins infirmiers forts (la première partie, favoriser l’accès à la formation, est en vigueur depuis l’été 2024). 

Une déléguée tout juste sortie du congrès féministe de l’Union syndicale suisse appelle à la grève du care en 2027. Cette demande inscrite dans une résolution (https://unia.ch/fr/actualites/article/a/23707) est adoptée par les manifestants. Celle-ci proclame également vouloir «changer le système de santé en Suisse». Et assène: «la patience, nous l’avons perdue, mais pas notre détermination.»

Moment symbolique: sur la Place fédérale, des battements de cœur retentissent, ralentissent, jusqu’à s’éteindre. Puis reprennent, comme un signe d’espoir pour ces professions essentielles. 

Paroles de manifestantes

Dans la foule, Kathy, infirmière dans un EMS, explique: «C’est très bien d’ouvrir de nouvelles classes, mais les conditions de travail font que les jeunes ne veulent plus se tourner vers ces professions. Il faut remettre de l’humanité dans les soins. Chaque patient est une personne à part entière dont on doit tenir compte dans sa globalité. Dans les EMS, il faut redonner de l’autonomie aux infirmières dans les évaluations. Les soins, c’est nous pour vous!» Elle ne cache pas ses craintes: «Il y a une trentaine d’années, le système de santé en Suisse était cité en exemple. Aujourd’hui on se rapproche de la situation française qui est catastrophique. Les burn-out et les problèmes de dos, les problèmes psychiques et physiques, augmentent. Les jeunes professionnels quittent le métier après 3 ou 4 ans seulement…» 

Nelly, également infirmière dans un EMS, ajoute pragmatique, faisant référence à la votation pour des soins infirmiers forts: «Quatre ans ont passé, rien n’a bougé. La volonté du peuple doit être respectée.»

Martine, infirmière depuis plus de trente ans dans un hôpital, parle de sa vocation: «J’ai toujours voulu faire ce métier, depuis l’âge de 8 ans. Mais, au fil du temps, nous avons de plus en plus de patients avec des pathologies plus compliquées. C’est un tel stress que nous avons peur de faire des erreurs. Le système de santé est en train de s’écrouler.» Elle regrette que ses collègues ne se soient pas davantage mobilisées aujourd’hui. «Elles ont peur!» A ses côtés, sa fille a décidé d’embrasser la même carrière. Elle recevra son diplôme dans quelques jours et manifeste déjà pour ses futures conditions de travail. Elle n’en perd pas le sourire: «Ma maman m’a transmis sa passion et j’ai confiance en l’avenir. Ca va aller mieux!» 

Une vidéo de Virginie Zimmerli

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