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La responsabilité individuelle pure est une illusion!

La lutte contre la précarité passe par de meilleures conventions collectives

Andreas Rieger était présent à la conférence de Robert Castel; il nous livre son analyse. Ainsi, pour le coprésident d'Unia la précarité doit être combattue collectivement, il s'agit de renforcer les conventions collectives, d'instaurer des salaires minimaux décents et de renforcer les assurances sociales. Un vrai programme syndical.


Que retenez-vous de l'analyse du professeur Robert Castel ?
Il établit ce constat primordial: les précaires ne constituent plus une petite couche marginale. Aujourd'hui, chez nous en Suisse, il faut reconnaître qu'il y a de plus en plus de personnes qui ont un travail précaire sur une longue durée. Il y a beaucoup de gens qui ne s'en sortent plus même en travaillant. Ce cercle vicieux se reproduit au sein des familles. Le professeur Castel dit que cette précarisation touche aussi les travailleurs qualifiés, des gens qui avaient un travail stable et qui tout d'un coup se trouvent dans une situation précaire. La précarisation pénètre toutes les couches du salariat.

Que les salariés aient de moins en moins de droits, n'est-ce pas quelque part une remise en cause du mouvement syndical?

Notre idéal est le plein-emploi, le droit à un travail digne pour tout le monde. Mais aujourd'hui l'économie ne fournit plus assez de places de travail. Non seulement elle n'est plus à même de garantir le plein-emploi, mais en même temps elle terrorise les gens qui ne trouvent pas de travail et les culpabilise en leur disant «c'est de ta faute, tu n'es même pas prêt à accepter un autre travail, de travailler plus durement, de prendre n'importe quel autre travail, même s'il est précaire, ne te plains pas, travaille et tais-toi!». C'est effectivement ça le discours dominant aujourd'hui. D'un côté l'économie ne garantit pas assez de places de travail pour tout le monde. De l'autre côté, on dit qu'il y a un devoir de travail à n'importe quel prix sinon on est puni. Il y a là un paradoxe qui est très pervers.

La baisse du temps de travail au nom du plein-emploi ne devrait-elle pas redevenir un cheval de bataille des syndicats?
Une partie du chômage pourrait être absorbée par la bonne conjoncture que nous vivons en ce moment. Mais il ne faut pas se faire d'illusions, il y aura une prochaine récession. D'ici là, tout le chômage des statistiques officielles et le chômage caché ne seront pas totalement absorbé par la bonne conjoncture. Par conséquent, la diminution du temps de travail reste d'actualité. En Suisse, beaucoup de gens se méfient de la diminution hebdomadaire du temps de travail. Par contre pour ce qui est de la durée de travail globale, dans notre pays, la majorité voudrait pouvoir arrêter de travailler avant 65 ans.

Si le monde du travail ne peut plus garantir un salaire correct à toutes et à tous. Est-ce à l'Etat de venir en aide aux précaires?
Les syndicats doivent en premier lieu lutter contre la précarisation des rapports de travail par l'amélioration des conventions collectives et fixer des salaires minimaux décents. Ça c'est notre premier angle d'attaque au sein des entreprises et au sein des branches. Notre deuxième tâche c'est en effet de renforcer nos assurances sociales.

L'individualisme ambiant est-il compatible avec l'aménagement de conventions collectives de travail?
La responsabilité individuelle pure est une illusion! C'est la démonstration effectuée par le professeur Castel. L'épanouissement individuel n'est possible que dans un cadre collectif où priment le droit et la sécurité. Sans les droits collectifs ce ne sont que les riches qui progressent, qui peuvent développer leur individualité.

Propos recueillis par Alberto Cherubini