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La belle et le camion-benne

Chaque matin, aux aurores, Océane Minguez fait vrombir les 540 chevaux de son cinq essieux. Le camion a été préparé pour la tâche du jour et soigneusement inspecté. Cette passionnée de la conduite s’élance ensuite sur la route.
© Olivier Vogelsang

Chaque matin, aux aurores, Océane Minguez fait vrombir les 540 chevaux de son cinq essieux. Le camion a été préparé pour la tâche du jour et soigneusement inspecté. Cette passionnée de la conduite s’élance ensuite sur la route. 

La Vaudoise Océane Minguez évolue dans un monde presque exclusivement masculin: celui des chauffeurs poids lourds. Cette jeune femme n’en tire pourtant aucune fierté, elle se sent juste heureuse et libre au volant de son 40 tonnes. Et c’est bien là l’essentiel!

Petit matin calme et frisquet à Penthaz, bourgade du Gros-de-Vaud. Océane Minguez fait le tour de son camion rouge pivoine pour contrôler les pneus et s’assurer qu’il n’y a pas de fuites. Tout est en ordre. La jeune femme (elle a 28 ans) grimpe prestement dans la cabine, prend place dans le confortable siège conducteur et met le contact. Sous le capot de son puissant Volvo FMX, taillé tout exprès pour le travail de chantier, le moteur de 540 chevaux vrombit. Sourire.

Les journées de cette entrepreneuse – elle a fondé Océane Transports il y a trois ans avec son compagnon Christophe Emery – démarrent immuablement ainsi. Mais la suite varie. «Mon travail, mes horaires et mes trajets changent selon la demande, il n’y a pas un jour pareil, raconte-t-elle. Les routes que j’emprunte, les missions que j’effectue sont à chaque fois différentes.» Comme les paysages qui défilent derrière son pare-brise.

Avant de partir en vadrouille, notre chauffeure équipe toujours son 40 tonnes en fonction des tâches qui lui sont assignées. Une benne basculante pour tout ce qui est matériaux de chantier, un thermos pour la pose d’enrobé bitumineux ou encore un plateau pour l’acheminement de matériel (une grue, par exemple). «Je loue parfois une remorque et là je peux transporter jusqu’à 60 tonnes!» Son véhicule a une balance intégrée. «Comme ça, je connais le poids que j’embarque et j’évite les surcharges et les amendes salées qui vont avec.»

Chauffeure solitaire

«On se sent libre au volant, on est autonome, indépendant, sans chef sur le dos.» Océane Minguez apprécie tout particulièrement la solitude de son habitacle qu’elle a aménagé afin de le rendre davantage cosy. Il y a sa petite tribu de peluches qui la suit partout, son micro-ondes pour réchauffer ses petits plats et un frigo pour mettre des boissons au frais. Sans oublier la fameuse plaque sur laquelle figure son prénom. «C’est toujours un chauffeur qui l’offre, ça porte bonheur!»

De la musique sort des haut-parleurs. Certains chantent sous la douche, elle c’est plutôt dans son camion. Elle écoute également la radio pour avoir des nouvelles de la route. La pluie, la neige, le verglas, elle s’en accommode. «Je suis bien au chaud dans ma cabine.» En revanche, elle peste contre le trafic qui ne cesse de s’intensifier depuis quelques années. «Ça gâche un peu le plaisir de rouler et ça a évidemment des incidences sur la rentabilité du job, on fait moins de voyages qu’avant.» Pas de quoi entamer sa bonne humeur contagieuse.

Le cinq-essieux s’engage sur un chemin de terre bringuebalant qui mène à un chantier. Ça tangue jusqu’à l’arrêt. Océane Minguez sort pour aller discuter avec le machiniste chargé de remplir sa benne. Elle manœuvre ensuite son véhicule, qui mesure une dizaine de mètres de long (avec la remorque, il peut dépasser les 18 mètres!) sur 2,55 de large, pour le positionner idéalement. Tout cela avec une aisance sidérante. «Pour moi, ce n’est pas compliqué.» On la croit sur parole.

Il faut dire que cette Vaudoise d’adoption – elle a vécu du côté d’Alicante entre 4 et 17 ans – a baigné dans l’univers des semi-remorques et autres gros culs (comme on dit dans le jargon) depuis l’enfance. «Mon papa était routier et ma maman a passé le permis camion pour pouvoir effectuer avec lui, en duo, des transports internationaux entre l’Espagne et l’Angleterre.» Notre interlocutrice se souvient qu’elle se bagarrait avec sa sœur pour être la première à se hisser dans le bahut familial…

Monde de mecs

De retour en Suisse, après cette parenthèse ibérique et ensoleillée à laquelle la crise a mis un terme prématurément, Océane Minguez a décroché une place d’apprentissage de conductrice de poids lourds dans une entreprise que connaissait son père. «C’était un choix évident, naturel, que je n’ai jamais regretté. Conduire des camions, c’est devenu une véritable passion.» Nous voilà arrivés à la décharge pour vider la benne avant de repartir pour un nouveau tour.

A tout juste 18 ans, cette teenager s’est donc retrouvée propulsée, du jour au lendemain, dans un univers presque exclusivement masculin. «Ça ne m’a jamais posé de problème!», affirme-t-elle. On peine pourtant à croire que l’on puisse échapper, dans ces lieux où sont punaisés des calendriers de pin-up, à des remarques ou des comportements sexistes. «Il y a des hommes que notre présence dérange, il y a des chauffeurs qui ne supportent pas qu’on exerce le même métier qu’eux, ceux-là je préfère les ignorer.»

Cette vingtenaire a du caractère – il en faut pour s’imposer dans ce monde de mecs! – et pas vraiment le physique de l’emploi. Enfin, celui que l’on imagine parfois... «C’est vrai que je n’entre pas dans le cliché du routier, je ne fais pas deux mètres de haut et autant de large. Et le week-end comme en soirée, c’est sûr que je ne suis pas en salopette.» Elle rit et se réjouit aussi de constater que sa profession attire toujours plus de femmes: «C’est bien, ça fera évoluer les mentalités.»

Reine de la route?

Féminine, coquette, Océane Minguez l’est. Mais pas du genre à «passer une demi-heure à se maquiller» comme l’auraient souhaité les producteurs de l’émission de téléréalité Les reines de la route (diffusée sur la chaîne 6ter) qui l’ont récemment contactée. «Pour leur mise en scène, ils auraient voulu aussi que je dorme dans mon camion. Ça n’avait vraiment aucun sens.» Droite dans ses chaussures de chantier, elle leur a simplement précisé qu’elle ne correspondait pas au profil recherché. The show must go on. Mais sans elle.

Retour à l’intérieur de son imposant Volvo FMX. La route est juste assez large pour croiser cette grosse camionnette de livraison. «A cause du poids du véhicule et de son gabarit, la conduite est bien différente de celle d’une voiture. Même à vide, un 40 tonnes ne freine pas et ne réagit pas comme une auto. Il faut vraiment avoir les yeux partout.» Piloter un tel engin nécessite sang-froid et concentration, ce qui induit forcément de la fatigue. Embarqué à bord, le tachygraphe veille à ce que notre chauffeure se conforme aux prescriptions en vigueur sur les temps de travail et de repos.

De toute façon, l’après-midi touche à sa fin. Sa journée de labeur également. Reste à faire le plein. Cinquante litres au cent: ça fait mal au porte-monnaie, et ce n’est pas très écolo. La jeune femme encaisse la remarque et réplique aussitôt: «Le problème, c’est que les poids lourds électriques ou à hydrogène sont hors de prix et pas encore vraiment au point pour le boulot de chantier. Alors, pour économiser du carburant et ménager l’environnement, j’essaie de rouler Eco-Drive.» Et à la ville, elle conduit une voiture hybride.

Le camion rouge disparaît à l’horizon. Océane Minguez, sur la route toujours...

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