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«Je rêve que les politiciens viennent s’asseoir ici avec nous»

Grévistes du climat, fleur à la main, assis sur la place Fédérale à Berne.
© Debout pour le changement

Au petit matin du lundi 21 septembre, des centaines de jeunes ont investi la place Fédérale à Berne alors que les élus s’apprêtaient à entamer leur dernière semaine de session.

Retour sur une semaine marquée du sceau de la lutte contre le réchauffement climatique, et des antagonismes entre le mouvement Debout pour le changement et un système politique et judicaire qui se défend

Mobilisation à Berne, nouvelle loi sur le CO2, camp climatique, deux procès et une pétition déposée contre les investissements dans les énergies fossiles auront permis de rappeler, la semaine dernière, une fois de plus, l’urgence climatique et l’impunité de la place financière; mais aussi les résistances politiques contre le mouvement porté par une jeunesse pacifiste, qui a lu les rapports du GIEC, propose des mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et demande la transparence et la justice climatique.

Lundi 21 septembre, vers 4 heures du matin, quatre groupes rejoignent en silence la place Fédérale. Des jeunes surtout. Mais pas seulement. A vélo ou à pied, ils sont plusieurs centaines à investir le lieu. Les tentes se montent, un dôme, une scène, des toilettes sèches, une cuisine, un voilier. Une organisation phénoménale, celle du mouvement Debout pour le changement (Rise Up For Change) qui regroupe la Grève du climat (GdC), Extinction Rebellion (XR), Collective Climate Justice, Breakfree et Greenpeace.

Une union des forces pour demander une neutralité carbone d’ici à 2030, nécessaire «pour une planète viable et durable». Ce qui signifie une réduction immédiate et massive des émissions de gaz à effet de serre. «Nous considérons notre action comme l'opportunité nécessaire de repenser notre société; la changer avant que ne s'effondrent les écosystèmes», assène le mouvement dans un de ses nombreux communiqués.

Loi sur le CO2 insuffisante

Au premier jour du camp, Pauline Gueissaz, 18 ans, porte-parole de Debout pour le changement et membre de la GdC, explique: «Ce qui est magique, c’est de partager toutes nos expériences. Notre action est une plateforme. Je rêve que les politiciens viennent s’asseoir ici avec nous pour discuter de nos avenirs.» Un peu plus loin, la soixantaine, Joseph, membre de Greenpeace et des Verts, relaie: «La nouvelle loi sur le CO2 est largement insuffisante. La neutralité carbone doit être atteinte en 2030 et non pas en 2050. Mais il nous faut accepter cette loi, sinon on revient au point zéro.» Celui qui milite depuis quarante ans déplore que la loi n’inclue aucune obligation pour la place financière dont les investissements représentent 22 fois les émissions de gaz à effet de serre de la Suisse.

Anaïs Tilquin, porte-parole et membre de XR, souligne: «La loi sur le CO2 c’est comme mettre un sparadrap, au lieu d’un garrot, sur une hémorragie. C’est une forme de déni. Les personnes au pouvoir ne se rendent pas compte des points de bascule climatique qui génèrent des changements irrémédiables. C’est un système complexe, d’où l’importance d’appliquer le principe de précaution. Dans les bâtiments, on installe toujours des issues de secours. Aujourd’hui, il émerge des mouvements pour le climat que la désobéissance civile est légitime. Nos actions sont finalement des prétextes pour parler de problèmes gravissimes liés au climat. Nous sommes là, sous les fenêtres du Parlement, pour parler de notre droit à survivre.»

Sur la place, plusieurs Grands-parents pour le climat ne cachent pas leur admiration, quant à l’organisation, au respect et à la solidarité qui règnent. Des assemblées et des ateliers s’organisent, les tâches sont réparties, les discussions sont entrecoupées de chants, de jeux de cartes, d’un repas préparé dans des marmites géantes. Des messages fleurissent sur les pavés, dont une phrase de Charlie Chaplin (tirée du film Le dictateur): «Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l’avons oublié.»

En début d’après-midi, les premiers parlementaires arrivent. Léonore Porchet, conseillère nationale Verte, s’arrête un instant du côté des militants avant de rejoindre le Palais fédéral: «Mon rôle est d’écouter cet engagement citoyen. Leur présence ici est importante, c’est un soutien pour porter leur voix à l’intérieur. Si la loi sur le CO2 est largement insuffisante, le principe de réalité fait que je l’accepte, comme j’accepte un congé paternité trop court. Il me semble irresponsable de s’y opposer. Cela n’exclut pas de lancer une initiative pour une neutralité carbone en 2030 ou toute autre action...»

Evacuation ordonnée

Si des parlementaires de gauche appuient le mouvement, ils ne font pas la pluie et le beau temps sous la Coupole face au camp bourgeois majoritaire qui ordonne très vite l’évacuation de la place au nom de l’interdiction de rassemblement durant les sessions parlementaires (règlement datant de 1925).

Pourtant, un Appel lancé en ligne le jour même recueille le soutien à l’occupation de près de 20000 personnes. Les autorités bernoises tempèrent. Alors que l’après-midi même, parallèlement, une manifestation pour les droits de migrants est réprimée violemment par la police cantonale.

Finalement, vers 3 heures du matin mercredi, les forces de l’ordre commencent l’évacuation. Certains sortent du périmètre pour éviter une inculpation. Une centaine de militants restent, pour rappeler encore et encore l’urgence climatique tout en indiquant aux policiers qu’ils font ça aussi pour leurs enfants. Leur seul moyen: la désobéissance civile qui, historiquement, a fait ses preuves (Rosa Parks, Gandhi, les Suffragettes…). Pacifiques, chantant de toute leur détermination malgré la pluie et le froid, leur sourire désarmant se devinant sous les masques, ils seront emmenés au poste avec, à la clé, de nouveaux procès à l’image de ceux qui ont eu lieu à Lausanne et à Genève.

Quelques heures plus tard, mercredi, la loi sur le CO2 est finalisée, mais les milieux économiques préviennent déjà vouloir lancer un référendum avec le soutien de l’UDC. Ce même jour, Greenpeace dépose à la Chancellerie fédérale les plus de 23000 signatures de la pétition «Protéger le climat – réguler la place financière», demandant au Conseil fédéral et au Parlement d’intervenir pour une neutralité climatique des banques, des compagnies d’assurance, des fonds de pension et de la BNS.

Des médecins alertent

Pour rappel, les flux financiers contribuent à un réchauffement potentiel de la planète de 4 à 6 °C. Ce qui signifierait la fin de l’humanité comme l’ont dénoncé plus d’une septantaine de professionnels de la santé, les Doctors for XR, lors de leur marche funèbre à travers Berne. Ils y ont rappelé que le changement climatique est déjà une crise sanitaire.

Vendredi, à la suite de l’appel du mouvement unitaire, plus de 2000 de personnes se réunissaient sur l’Helvetiaplatz à Berne, en écho aux plus de 3000 manifestations organisées partout dans le monde à l’appel de Fridays for Future. Juste avant, Pauline Gueissaz, porte-parole de Debout pour le changement, remarquait: «On n’attend plus rien de la politique égotique. Il s’agit de faire preuve d’imagination pour construire un nouveau monde.»

Plus d’informations sur: fr.riseupforchange.ch

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