Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Front commun contre Ecopop

La campagne contre l'initiative Ecopop qui veut limiter l'immigration à 0.2% de la population résidente bat son plein

Lors de leur conférence de presse du mardi 14 octobre, les syndicats ont rappelé les dangers de cette initiative qui pèsent sur l'emploi et les conditions de travail. Et se sont insurgés contre son caractère xénophobe. Ils appellent à une manifestation nationale ce samedi 1er novembre à Berne.

Sur la place Fédérale, les syndicats se sont insurgés d'une même voix contre l'initiative Ecopop, sur laquelle le peuple devra se prononcer le 30 novembre prochain. Mardi 14 octobre, les faîtières syndicales USS et Travail.Suisse, leurs fédérations membres, et les associations d'enseignants de Suisse romande et alémanique, l'Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) et la Société suisse des employés de commerce (SEC Suisse) de même qu'Employés Suisse ont souligné les dangers que représente cette initiative pour le marché du travail et les droits humains. Soit une pression accrue sur les salaires, l'augmentation massive des autorisations de séjour précaire et des emplois non protégés, un retour à une situation comparable à celle du temps des saisonniers avec son lot de discriminations, de familles décomposées, de non-droit et d'insécurité. Ecopop fait «de la main-d'œuvre étrangère le bouc émissaire de problèmes que nous avons créés nous-mêmes», indique le communiqué syndical. «Bien sûr que le gaspillage des ressources doit être combattu, mais Ecopop n'apporte aucune réponse. Au contraire, avec ses propositions, il y aura davantage de déplacements et donc de trafic. Aucun problème environnemental ne peut être résolu en discriminant les migrants», souligne Vania Alleva, vice-présidente de l'Union syndicale suisse (USS) et coprésidente d'Unia.

Risques pour l'emploi
Cette initiative, de surcroît, enterrerait les Accords bilatéraux avec l'Union européenne, déjà mis à mal par la votation du 9 février sur l'immigration de masse acceptée à une mince majorité.
Vania Alleva met en garde: «Si les employeurs ne pouvaient plus embaucher légalement leur main-d'œuvre, soit ils externaliseraient leur production à l'étranger, soit ils recruteraient de la main-d'œuvre au noir.» Tous les opposants, et ils sont nombreux et de tous bords politiques, s'accordent sur le fait que l'économie suisse a besoin de bien davantage de travailleurs que les 16000 migrants par an au maximum que préconise l'initiative. «Des branches entières ne fonctionnent aujourd'hui que grâce à l'apport de main-d'œuvre étrangère. Dans l'hôtellerie-restauration par exemple, plus de 50% du volume de travail est réalisé par une main-d'œuvre venue de l'étranger. Ce chiffre s'approche des 30% dans les soins et se situe à plus de 30% dans l'industrie», indique Vania Alleva. «La pénurie d'enseignants pourrait aussi empirer», signale quant à lui le Syndicat des enseignants romands (SER) et suisse alémanique.
Les syndicats pourfendent aussi la mesure colonialiste demandée par Ecopop qui consiste en l'octroi du 10% du budget de l'aide au développement (150 millions de francs par an) à la planification familiale, soit à la limitation des naissances, dans les pays du Sud. Ils soulignent l'importance d'investir plutôt dans le système d'éducation des pays en développement, car «chaque année supplémentaire de scolarité fait diminuer chez les jeunes femmes le taux de natalité de manière significative». Alliance Sud, faîtière de nombreuses ONG, rappelle que «dans les pays pauvres du Sud, ce ne sont pas les moyens de contraceptions qui manquent, mais les soins de santé, la formation et le revenu. Ce qu'il faut, c'est promouvoir la position des femmes et leur droit humain à l'autodétermination sexuelle.»

Aline Andrey


Manifestation contre Ecopop

Le Comité pour une Suisse solidaire - Non à Ecopop, dont font partie notamment les syndicats, les organisations de migrants, les partis de gauche et les Verts - appelle à la mobilisation samedi 1er novembre à 14h30 sur la place Fédérale à Berne. Le comité espère donner ainsi un signal fort «contre l'isolationnisme et les fausses recettes» avant le vote, et non pas après comme ce fut le cas avec la grande mobilisation dans la capitale suite à l'acceptation de l'initiative contre l'immigration du 9 février. Un camouflet pour la majorité des opposants qui n'imaginaient pas une victoire de l'UDC. Et qui rend tous les opposants, de tous les bords politiques, particulièrement attentifs à informer et sensibiliser la population sur les dangers de cette initiative pour la Suisse.
AA


Pour plus d'informations: www.non-a-ecopop.ch

 


«L'environnement n'a rien à gagner»

Trois questions à Pierre-Alain Rumley, géographe-urbaniste, chargé d'enseignement à l'Université de Neuchâtel, ancien directeur de l'Office fédéral du développement territorial. Il est membre du comité «Oui à l'environnement, non à Ecopop!»

Les partisans d'Ecopop mettent en avant la croissance de la Suisse, à raison de trois villes comme Fribourg par an. Que répondre à cet argument?

Ce ne sont pas les quelques dizaines de milliers d'étrangers venant s'installer en Suisse qui créent la surconsommation de nos ressources, mais nos propres pratiques. Le mitage du territoire provient surtout du passé lorsque des zones à bâtir surdimensionnées et mal localisées ont vu le jour. Aujourd'hui, avec la nouvelle LAT (Loi sur l'aménagement sur le territoire qui a été acceptée par le peuple en 2013, ndlr), cela ne serait plus possible. Il faut poser la question en termes de croissance, de développement, de consommation de chacun, et non pas s'attaquer toujours à l'immigration.

Comment la Suisse peut-elle protéger ses ressources naturelles de manière durable?
La Suisse peut tout à fait préserver ses paysages, même avec 10 millions d'habitants. Il existe des solutions rationnelles pour intégrer cette population qui s'installe sur notre territoire, et dont nous avons besoin pour pourvoir aux besoins du marché du travail. Des instruments existent. La densification des zones urbaines par exemple. Il faut mettre l'accent sur le transport collectif, penser à une fiscalité écologique, à d'autres formes d'agriculture pour éviter la pollution des eaux par exemple.

Cette initiative est combattue par tous les partis, dont les Verts, et même les organisations écologistes (telles que Greenpeace ou le WWF, entre autres) qui rappellent que les émissions de CO2 n'ont pas de frontières...

En effet, l'environnement global n'a rien à gagner de cette initiative. Si l'on parque les gens à la frontière, on ne peut pas parler d'aménagement du territoire rationnel. Cette initiative montre une fois de plus les limites de notre fameuse démocratie directe. Un problème si complexe que celui de la croissance - qui englobe des problèmes sociétaux, économiques, environnementaux, etc. - ne peut pas être résolu par un texte forcément simpliste de quelques lignes.

Propos recueillis par AA