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Fraudes dans un imbroglio helvetico-tchèque

Spécialisé dans les villas préfabriquées, un entrepreneur d'Estavayer-le-Lac a été pris en flagrant délit de fraude

Travail au noir, non-respect de la Convention collective de travail: un entrepreneur broyard employant des ouvriers tchèques a été épinglé en raison de nombreuses infractions. Loin d'être isolé, ce cas pose la question de l'efficacité des moyens légaux de lutte contre le dumping salarial.

Entre un discours monté de toutes pièces, servi par des salariés dociles, et la réalité, il y a un monde qui rend impossibles ou presque les contrôles prévus dans le cadre des mesures d'accompagnement mises en œuvre avec les bilatérales: voilà un des problèmes majeurs soulignés par Armand Jacquier, secrétaire régional à Unia Fribourg. Ce constat se base sur l'expérience et un des derniers événements en date survenus à Estavayer-le-Lac. L'affaire met en cause un fabricant tchèque puis un promoteur de la région. Spécialisé dans la construction de villas préfabriquées, ce dernier est notamment suspecté de payer au lance-pierre ses ouvriers étrangers. Attentif au dossier, Unia procède à des visites de chantiers et, par le biais d'un interprète, entre en contact avec les travailleurs. «Au début, ils ont parlé librement avec nos délégués mais, très vite, un garde-chiourme a été envoyé pour les faire taire.» Résultat: des réponses stéréotypées auxquelles ne croit pas le syndicaliste.

Employeur et salariés de mèche
«Officiellement, ils auraient gagné un peu moins de 30 francs de l'heure, comme le prévoient les normes suisses mais nous avons des indices prouvant qu'ils mentent.» Selon Armand Jaquier, les travailleurs en question n'auraient pas touché plus de 12 francs de l'heure et encore, pour les mieux payés. Ce tarif représenterait un salaire mensuel d'environ 2000 francs. Un revenu misérable sous nos latitudes mais non dans le pays d'origine des ouvriers où il se révèle une fois et demi plus élevé que les salaires pratiqués. «La difficulté réside dans le fait que les travailleurs sont souvent de connivence avec l'employeur et font des fausses déclarations. Comment, dans ce contexte, contrôler quoi que ce soit?»

Le politique favorise la surchauffe
Armand Jacquier dénonce aussi l'ambiguïté des autorités politiques en ce qui concerne la délivrance de permis de travail. Les bilatérales prévoient un traitement égalitaire entre les différents travailleurs détachés de l'Europe de l'Ouest. Les ressortissants des huit derniers pays entrés dans l'Europe sont quant à eux encore soumis à la priorité du marché intérieur. «Le canton ne semble pas avoir examiné cet aspect. Ici, la main-d'œuvre ne manque pas, même si elle n'est peut-être pas disponible sur le champ et qu'elle ne se paie pas au tarif tchèque» tonne Armand Jaquier, estimant qu'en négligeant ces critères, les autorités favorisent voire encouragent la surchauffe de l'économie. La durée de la procédure avant la prise de sanctions est jugée aussi trop longue. En cas de non-respect des CCT, les employeurs suisses s'exposent à des amendes. Les entreprises étrangères peuvent pour leur part, sous certaines conditions, être exclues du marché helvétique.

Une nouvelle arme bienvenue
Dans l'affaire d'Estavayer-le-Lac, la donne a été changée à plusieurs reprises, déplaçant constamment les pions sur l'échiquier et rendant l'enquête difficile. Envoyés d'abord comme travailleurs détachés par le fabricant tchèque, les ouvriers de l'Est ont ensuite été directement engagés par l'entrepreneur broyard avant de dépendre à nouveau du patron initial qui a ouvert une succursale dans nos frontières. «Ainsi on contourne le problème en implantant en Suisse une société embauchant des permis de courte durée», note encore Armand Jaquier, favorable à l'inscription dans la future loi cantonale sur l'emploi et le marché du travail qui entrera en vigueur en 2008 d'une clause permettant de bloquer les chantiers. Une «arme» qui devrait renforcer l'arsenal à disposition, mais qui ne résout pas la question du nombre insuffisant d'inspecteurs.

SM