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En quête d'authenticité

Journaliste et écrivain Nicolas Verdan vient de publier La Coach. Un polar social qui témoigne de la violence au travail

Hasard du calendrier. Alors que le scandale CarPostal, qui a perçu indûment des subventions pour plus de 78 millions de francs, a largement terni l'image de La Poste, Nicolas Verdan vient de publier La Coach. En toile de fond de ce roman noir au style nerveux et dépouillé, «sec sur l'os», le géant jaune qui, engagé dans un programme de profonde restructuration, s'apprête à fermer plus de 600 bureaux et, dégât collatéral, le suicide d'un de ses employés, très attaché à son job. Le polar se focalise sur la stratégie alors mise en place par sa sœur, coach, bien décidée à se venger... Un récit qui témoigne de la brutalité du monde du travail, entre violence économique et décomposition sociale. «La Coach s'inscrit parfaitement dans l'actualité. J'étais encore bien en-dessous de la réalité avec ma fiction», relève Nicolas Verdan qui signe avec cette publication son cinquième ouvrage. Ancien rédacteur en chef adjoint à 24 heures, puis journaliste indépendant durant sept ans, le Vaudois de 47 ans travaille aujourd'hui pour le magazine Générations. Et, quelques soirs par semaine, dans une petite librairie qu'il a créée en 2015 à Lausanne, aussi passionné par les livres que par l'écriture.

Frontières poreuses
«Ecrire correspond à un besoin», observe Nicolas Verdan qui s'est rapidement trouvé à l'étroit avec le seul support presse et l'impossibilité de pouvoir tout dire. Faisant écho à sa nature curieuse, la profession, de plus en plus malmenée, l'a aussi poussé à explorer d'autres voies. Mais pas de frontières étanches entre l'écrivain et le rédacteur... «Les sujets journalistiques se révèlent une formidable source d'inspiration pour le romancier», précise le quadragénaire qui, sans être militant, privilégie une littérature engagée, particulièrement sensible aux questions d'injustice sociale, de discriminations ou encore de migration. Sur ce dernier thème, l'homme, issu de deux cultures - sa mère vient d'un petit village en Grèce et son père de Lavaux - a d'ailleurs consacré un livre, Le mur grec. Une enquête romancée sur la construction, en 2012, d'une barrière de barbelés s'étendant sur 12,5 kilomètres entre la Grèce et la Turquie et censée contenir l'arrivée de clandestins le long de ce dernier espace encore poreux, aux abords du fleuve Evros. Un lieu de tous les trafics entre drogue, passeurs, traite d'humains, bordels... Un carrefour de l'espoir et de la misère humaine qui a retenu l'attention de Nicolas Verdan suivant, sur le terrain, la mise en place de cette «solution mécanique» contre les flux migratoires. «Tragique! D'une grande tristesse», commente cet homme empathique marqué par les drames dont il a été témoin.

Le langage des villes
Hyperactif, Nicolas Verdan envisage aujourd'hui d'écrire un livre sur l'histoire, à travers les siècles, d'Athènes. Un projet ambitieux consacré à une capitale où il a résidé, et qu'il visite encore régulièrement. «Si la cité semble difficile d'accès aux premiers abords, il y fait bon vivre, avec ses quartiers ressemblant à des villages, son offre artistique. C'est ma ville de cœur», s'enthousiasme le journaliste à l'aise avec la langue de Socrate. Ce touche-à-tout impatient, poursuivant sans cesse, par différents biais, le même objectif. «Même si je m'égare parfois, je cherche toujours la même chose, l'authenticité. Le vrai. Le juste. L'intime. J'ai horreur du superficiel. Du codé», note ce natif des Poissons oscillant entre son plaisir des contacts et une nature solitaire. Et l'homme de confier son amour pour les voyages improvisés, spontanés, qui le ressourcent au même titre que la lecture et la marche à pied. Ayant bourlingué dans de nombreux pays, Nicolas Verdan apprécie tout particulièrement les grandes villes qu'il visite à pied. Paris, Berlin ou New York mais aussi des cités de l'Est comme Kiev, Minsk, Belgrade ou encore Bucarest... «Elles me parlent, avec leur notion de temps différé.» Le globe-trotter n'en demeure pas moins sensible à l'impact sur l'environnement de ses déplacements... Prêt à accepter que le futur proscrive la multiplication de voyages. «Autant l'envisager pour ne pas être déçu», relève le journaliste, en couple, pensant aussi à ses deux fils de 23 et 3 ans.

Sus à l'habitude, aliénante
Associant le bonheur à la simplicité, animé d'une certaine candeur, considérée comme un atout, Nicolas Verdan témoigne par ailleurs de sa peur de «la normalisation, des aspérités qu'on voudrait gommer, du tout-aseptisé». «Avec la globalisation, tout finit par se ressembler. Le petit, le différent, disparaît dans la masse. Guère engageant», se désole cet homme qui fuit l'habitude, qualifiée d'aliénante. «Elle me tue. Je m'invente des moyens pour y échapper. J'emprunte chaque jour un autre chemin. Je mange dans des lieux différents. J'essaie constamment de me surprendre.» Questionné encore sur ce qui l'irrite, Nicolas Verdan répond spontanément, «l'arsenal de mesures de prévention». «Cela m'énerve qu'on s'occupe de notre santé, de notre sécurité à notre place. Je me sens mal dans tout ce qui est hyperbalisé.» Rien d'étonnant que le journaliste et écrivain suggère alors de clore l'entretien avec le mot «liberté», tout en rêvant d'un monde où il y aurait «plus de création et moins de production, davantage d'art, d'artisanat et moins d'industrie». L'utopie d'un «pessimiste heureux» qui ne croit guère au progrès collectif mais à la possible contribution de chacun au bien-être commun. Lui, il aura en tout cas ses mots pour nous captiver...

Sonya Mermoud