Des salariés de toute l’Europe crient leur colère devant le siège de Nestlé
Les manifestants refusent que l’on fasse payer au personnel les erreurs des dirigeants de l’entreprise et les scandales récents, comme celui des méthodes de filtration d’eau illégales employées dans certaines usines.
A Vevey, une manifestation a réuni des délégués syndicaux des nombreux sites européens de Nestlé Waters pour dénoncer le projet de vente de cette activité par la multinationale.
Une forêt de drapeaux multicolores a poussé au pied de l’imposant siège mondial de Nestlé, à Vevey, ce lundi 29 septembre. Ce sont les étendards d’une douzaine de syndicats des quatre coins de l’Europe, venus défendre les emplois que menace le projet de vente de la division Nestlé Waters par le géant de l’agroalimentaire. Il y a là des salariées et des salariés qui ont fait un long voyage – de France, Italie, Espagne, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni et même Pologne – pour crier leur colère et asséner que leur «avenir n’est pas à vendre». Des médias français couvrent l’événement, dont France 3.
La manifestation, soutenue par l'UITA (Union internationale des travailleurs et travailleuses de l'alimentation) et Unia, qui en assure la logistique, part de la place du Marché pour rallier le quartier général de la multinationale helvétique, en empruntant notamment l’avenue… Nestlé! Près de 150 personnes y participent, défilant dans les rues de la paisible cité aux cris de «Solidarité avec les travailleurs de Nestlé Waters!». Cette division, qui regroupe de nombreuses marques bien connues d’eau minérale – dont Perrier, San Pellegrino, Vittel, Contrex, Hépar, ou encore Henniez – emploie plus de 5500 personnes en Europe, et 33 000 dans le monde entier. Or, elle devrait être cédée à un partenaire.
Craintes pour l’avenir des usines
Cette décision suscite des craintes quant à l’avenir des sites de production et des emplois qui y sont rattachés. «L’expérience nous montre que les partenariats ou cessions opérés par Nestlé se traduisent trop souvent par des fermetures d’usines, des suppressions d’emplois et la remise en cause de droits sociaux acquis», dénonce le flyer distribué aux passants. Des bouteilles d’eau leur sont aussi offertes, avec une étiquette arborant le slogan: «L’eau est vitale, nos emplois aussi.»
«Habitants de Vevey, joignez-vous à nous!», lance un syndicaliste français à la cantonade. Un appel qui laisse indifférents les étudiants d’un centre de formation professionnelle devant lequel passe le cortège. En revanche, accoudée à son SUV Lexus immobilisé par le défilé, une dame d’allure bourgeoise reprend les slogans en chœur, poing levé.
Les manifestants refusent que l’on fasse payer au personnel les erreurs des dirigeants de l’entreprise et les scandales récents, comme celui des méthodes de filtration d’eau illégales employées dans certaines usines. «Ces dernières années, les cessations d’activités et les fermetures de sites appartenant à Nestlé se sont succédé», rappelle Christophe Kauffmann, délégué CFDT et co-président du Comité d'information et de consultation européen de Nestlé (CICEN), qui a fait le déplacement depuis Tours. «Et la tendance s’accélère.»
Le syndicaliste déplore des choix stratégiques hasardeux et une série de scandales qui ont affecté la qualité et l’image de la marque, ainsi qu’un endettement devenu historiquement élevé. «Nous sommes là pour clamer haut et fort que les salariés de Nestlé Waters se battront pour maintenir tout ce qu’ils ont chèrement acquis, quelles que soient les options prises par le groupe. Nous ne sommes pas venus demander la charité, mais le respect.»
Garanties exigées
La coalition de syndicats représentés à cette manifestation exige notamment le maintien de tous les sites de production et de tous les emplois, la préservation des salaires, des acquis sociaux et des conditions de travail en vigueur, la garantie qu’un éventuel repreneur respectera les obligations sociales et légales de l’entreprise, le respect des droits syndicaux et le droit pour le personnel d’être consulté. A cela s’ajoute l’exigence d’une gestion responsable et durable de la ressource en eau, un autre point sur lequel Nestlé a essuyé de vives critiques.
Nicole Vassali, secrétaire syndicale à Unia Vaud et co-présidente du CICEN, dénonce pour sa part les prétentions trop élevées de Nestlé: «Le groupe veut se séparer de Nestlé Waters car il juge que cette division n’est pas assez rentable, mais il vise un rendement inatteignable de 18%. Les scandales ont fait baisser le chiffre d’affaires, mais les salariés n’en sont pas responsables. Restons mobilisés! Ce n’est qu’un début.»
Yannick Duffner, délégué CFDT venu des Vosges, se félicite de cette mobilisation unitaire internationale: «C’est sans précédent! Nous sommes là pour montrer, au nom des 5500 employés de Nestlé Waters en Europe, que nous sommes solidaires et que nous ne nous laisserons pas faire.»
Au lendemain de la manifestation, les représentants du CICEN ont rencontré à Genève des dirigeants de Nestlé pour leur transmettre les revendications du personnel. Muriel Lienau, présidente de Nestlé Waters, a confirmé que le projet était encore en phase de préparation et qu’il serait finalisé d’ici un an. De plus, il n’est pas encore décidé si le partenaire recherché par la multinationale sera minoritaire, majoritaire ou à parts égales. La direction RH a quant à elle indiqué que les négociations avec les syndicats interviendront dès que le choix du partenaire sera dévoilé, et que celui-ci devra partager les mêmes valeurs que Nestlé.Mardi 30 septembre, une délégation syndicale doit rencontrer à Genève les dirigeants de Nestlé pour leur transmettre les revendications du personnel.