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Des ouvriers polonais payés 8 ou 9 euros de l'heure

Unia réclame une centaine de milliers de francs en faveur d'ouvriers polonais exploités

Unia a fermé la semaine passée deux chantiers, l'un à Sainte-Croix (VD) et l'autre à Saint-Sulpice (NE), d'une entreprise neuchâteloise, dénonçant un grave cas de sous-enchère salariale. Les victimes? Des ouvriers polonais qui ont touché 8 ou 9 euros de l'heure et qui ont dû s'acquitter, de surcroît, de loyers exorbitants. Lundi dernier, à l'heure où nous mettions sous presse, les travailleurs lésés et les représentants syndicaux occupaient toujours le chantier vaudois. Alors que les biens de la société incriminée ont été, à la demande du syndicat, séquestrés. Explications.

Branle-bas de combat, depuis le 30 août dernier, sur le chantier d'un bâtiment en rénovation (appartements et locaux commerciaux) à la rue de l'Industrie 19, à Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. Déployant banderoles et drapeaux, dormant sur des matelas de fortune, des représentants d'Unia occupent les lieux, depuis bientôt une semaine, au côté de six ouvriers polonais. Ils entendent ainsi faire pression sur Alpen Peak, l'entreprise responsable des travaux, accusée de dumping et lui réclament des rattrapages salariaux de l'ordre d'une centaine de milliers de francs. Montant intégrant aussi la part non payée des vacances, des jours fériés, le 13e salaire, des charges sociales calculées au rabais... «La société a volé des dizaines d'heures aux travailleurs et établi de fausses fiches de salaire. Rédigés en français, langue que ne maîtrisent pas les Polonais, les contrats de travail comportent en outre plusieurs clauses illégales, comme celle portant sur la non-rémunération des heures supplémentaires», s'énerve Lionel Roche, secrétaire syndical d'Unia.

Hommes à tout faire
Selon le syndicat, les calculs tronqués d'Alpen Peak se traduisent concrètement par un tarif horaire de 8 ou 9 euros au lieu des 25 francs prévus par la Convention collective de travail du second œuvre à laquelle ces ouvriers auraient dû être soumis. «Sur une fiche de salaire, on a par exemple inscrit 105 heures à la place des 150 effectuées... Tout un système a été mis en place pour payer les ouvriers à moindres frais, employés pour certains depuis le mois de février, d'autres depuis avril, juin et juillet, alors qu'une première équipe est déjà rentrée au pays», poursuit le syndicaliste relevant au passage que les Polonais étaient attelés à de multiples tâches: plâtrerie, peinture, chauffage au sol, carrelage... «Des hommes à tout faire, sauf la plomberie et l'électricité...» Dans ce contexte et face au refus du directeur général d'Alpen Peak, Laurent De Giorgi, d'ouvrir des négociations, le syndicat a obtenu le séquestre des biens de l'entreprise. Alertée, la commission paritaire neuchâteloise est aussi passée contrôler la société. A noter qu'Alpen Peak, via un communiqué, a réfuté toutes les accusations d'Unia. «Quant à Laurent De Giorgi, il affirme désormais n'être qu'un salarié de M101 Invest, propriétaire d'Alpen Peak» précise encore Lionel Roche tout en s'interrogeant sur le «montage étrange» des différentes entreprises/boîtes aux lettres inscrites sous le nom de ce dernier.

Un lit à 660 francs
Autre dénonciation d'Unia, objet d'une plainte pénale, les loyers exorbitants réclamés aux ouvriers qui logeaient sur les chantiers. Comme à Saint-Sulpice, dans le bâtiment qu'ils rénovaient. Une visite sur place a permis de découvrir un édifice à l'entrée du village abritant plusieurs appartements. «Nous dormions ici à cinq ou six, deux ou trois par chambre», montre un ouvrier pénétrant dans un vétuste trois pièces, précisant que lui et ses compatriotes devaient chaque jour couper du bois pour alimenter la chaudière et bénéficier d'eau chaude. Un logement qui leur aurait coûté, à chacun, 660 francs par mois! «Un matelas à ce prix! Un loyer totalement usurier», s'enflamme Catherine Laubscher, secrétaire régionale d'Unia Neuchâtel. De son côté, Alpen Peak conteste ce montant, articulant le chiffre de... 50 francs par mois. En total porte-à-faux avec les témoignages des Polonais précisant avoir dû verser ces 660 francs à la personne qui les a recrutés via Internet. Un rabatteur aujourd'hui aux abonnés absents...

Sonya Mermoud


témoignage

«Triste et abattu...»
Originaire du sud de la Pologne, Jan Zdziarski, 36 ans, a commencé son travail pour Alpen Peak le 8 février dernier. Marié et père de trois enfants, il raconte - via les offices d'un traducteur - avoir décroché ce job suite à une annonce postée sur Internet. Recruté par un rabatteur, le trentenaire, formé en menuiserie, sera employé sur plusieurs chantiers à Sainte-Croix, Buttes et Saint-Sulpice effectuant moult tâches: plâtrerie, carrelage, peinture, démolition, montage et démontage de portes et fenêtres, chauffage au sol... même du jardinage. «J'ai gagné entre 2200 francs et 2500 francs net par mois. J'ai signé un contrat de travail. Je croyais que c'était normal. On n'avait pas d'explications», témoigne l'homme qui parle aussi au nom de ses collègues, leurs histoires étant similaires. Jan Zdziarski estime que le patron lui doit quelque 12'000 francs. Et se dit aujourd'hui «triste et abattu» d'avoir été grugé de la sorte. «J'espère maintenant récupérer mon argent et rentrer en Pologne voir ma famille. Je souhaite aussi que l'entreprise ferme - pour que d'autres ne subissent pas le même sort.»
SM

 

La lutte se poursuit
Plusieurs actions syndicales sont prévues cette semaine afin de faire pression sur la direction d'Alpen Peak et de ses associés.
Par ailleurs, un appel de soutien aux grévistes a été lancé vendredi. Quelque 500 signatures ont déjà été récoltées en deux jours dont la moitié dans les rues de Ste-croix. Pour participer à la démarche: https://neuchatel.unia.ch/petition-pour-les-travailleurs-dalpen-peak/
A noter encore qu'un comité de soutien s'est créé autour de plusieurs personnes issues de la société civile de Ste-Croix, dont Michel Bühler, chanteur et conseiller municipal et Pierre-Alain Gerber, président de la section de Ste-Croix du PS vaudois.