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Construction : appel à la lutte

Chaque matin Paco et Jeronimo secrétaires d'Unia à Neuchâtel visitent des chantiers pour inviter les travailleurs à se mobiliser

La Convention nationale de la construction arrivera à échéance à la fin de l'année. D'ores et déjà, les patrons ont listé une série d'exigences qui videraient l'accord de sa substance. Dans ce contexte, les syndicalistes d'Unia visitent les chantiers pour informer les salariés des menaces qui pèsent sur leurs conditions de travail et les inviter à la lutte, en participant notamment à la Landsgemeinde de la construction le 21 mai prochain à Berne. Accompagnement de deux secrétaires d'Unia Neuchâtel dans leur ronde quotidienne sur le terrain.

Casques de protection et tracts: Francisco Valinas, plus connu sous le nom de Paco, et Jeronimo Souza, secrétaires d'Unia à Neuchâtel, entament, comme chaque matin, leur tournée. Ce 4 mai, ils ont décidé de se rendre sur le chantier du tunnel autoroutier. But poursuivi: informer les salariés des graves menaces de démantèlement de la Convention nationale (CN) de la construction - qui devra être renouvelée à la fin de l'année - et les inviter à la lutte. Les deux syndicalistes gagnent le site peu avant 9 heures, afin de rencontrer les ouvriers durant leur pause. Echanges de poignées de main, salutations en français, portugais ou espagnol... Les représentants d'Unia ne sont pas des inconnus de la quinzaine de travailleurs qui les accueillent avec sympathie. Tous s'installent dans l'étroite cabane de chantier alors que Paco débite à une vitesse grand V ses explications. Et pour cause. Le temps est compté et il souhaite diffuser dans ce petit quart d'heure un maximum d'informations.

Harangue et silences
«Le renouvellement de la Convention nationale ne se passe pas très bien. Les patrons veulent la réduire gravement» lance le syndicaliste, appuyant ses propos d'un geste illustrant l'ampleur de la diminution envisagée. «Si les augmentations sont déjà passées sous le nez, les menaces, en cette fin d'année sont pires» enchaîne-t-il, touchant là un point sensible qui suscite des acquiescements silencieux. Paco dresse alors en vrac les risques pesant sur les conditions de travail dans le secteur. Comme une flexibilisation accrue des horaires, avec un exemple à la clef. «Imaginez qu'on vous demande de bosser 15 à 16 heures en été et rien en hiver où vous ne toucherez alors pas un sou.» Les travailleurs écoutent, la tête rentrée dans leurs épaules, tout en avalant leur casse-croûte. Des odeurs de jambon se mêlent à celle de fruits fraîchement pelés. Des sodas coulent dans les gorges comme pour mieux faire passer la pilule.

Mobilisation de rigueur
«Les patrons veulent aussi faire sauter les 720 jours de protection contre les licenciements en cas d'accident ou de maladie.» Le nombre de journées serait alors calculé en fonction des années de service: 30 jours la première année d'activité, 90 entre la deuxième et cinquième année. Et Paco d'enfoncer le clou... «Si, à 50 ans et plus, vous vous retrouvez au chômage, qui vous réengagera?... Nous demandons davantage de protection de la santé. Pas moins. Et aussi le droit pour les travailleurs de rentrer chez eux en cas d'intempéries...» Et le syndicaliste de conclure. «C'est le moment de taper le poing sur la table. Du boulot, aujourd'hui, il y en a. Donc de l'argent aussi. C'est maintenant qu'il vous faut obtenir de bonnes conditions sociales. A vous de lutter pour sauver la CN et l'améliorer. Venez le 21 mai à Berne.» Un discours qui ne laisse pas indifférente l'assemblée. Pedro confie son inquiétude. «Si on ne se bouge pas, dans dix ans, on aura tout perdu. Et moi, il me faut encore vingt ans jusqu'à la retraite.» Traits fatigués, un de ses voisins, âgé de plus de 50 ans, confie aussi ses craintes et en particulier celle de se retrouver au chômage. Augusto affirme de son côté que les conditions de travail se sont nettement améliorées ces dernières années, mais estime qu'il faudra se battre pour les maintenir. Regagnant le chantier, les ouvriers sont interceptés à la sortie par Jeronimo qui enregistre les inscriptions pour la journée à Berne. «Quatre personnes se sont annoncées et nous avons fait un nouveau syndiqué» relève-t-il, plutôt satisfait.

Jusqu'à ce qu'on crève...
A Peseux, les deux représentants d'Unia abordent, dans un immeuble en construction, deux employés de l'entreprise Zuttion. Profitant pour en griller une, la paire écoute, sans oser prendre vraiment position. Si les ouvriers ne trouvent «pas logiques» les attaques patronales, ils relèvent qu'ils ont, eux, de la chance d'avoir un bon chef, «un chef très correct». Même propos tenus par des collègues œuvrant, à un autre étage, à la construction d'un escalier. «D'accord. On mérite plus. On se donne de la peine... Mais nous, on a été augmenté de 100 francs. Si on est inquiet, on est quand même content pour l'instant», relève Miguel, un grutier parlant tantôt français, tantôt portugais. Paco rétorque qu'il faut néanmoins se battre car l'employeur adaptera ses conditions à ce qui sera signé... Réflexions... L'interlocuteur mesure la portée du scénario et de s'enflammer. «Il pleut, il fait soleil. On est là. On est là, jusqu'à ce qu'on crève. Des améliorations sont nécessaires... Si la retraite était portée à 55 ans... Je ne serais même pas sûr d'arriver à cet âge. En fait, je n'y arriverai pas» lance le travailleur de 38 ans. «C'est dur. On n'arrête pas de monter et de descendre les étages du bâtiment. Cent fois par jour» poursuit encore le jeune homme qui, comme son collègue ne pourra toutefois pas venir à Berne. Collusion de calendrier... avec les premières communions. Une concurrence qui sera rude avec la Landsgemeinde, même si Paco et Jeronimo, supposés convaincre une vingtaine de personnes d'y participer, se sont fixé le double de l'objectif...


Sonya Mermoud