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C'est digne d'une république bananière

A Lanquart dans les Grisons un centre commercial est ouvert illégalement tous les dimanches

: Depuis 5 ans, un centre commercial grisonnais ouvre le dimanche en toute illégalité. Unia s'était opposé à ces ouvertures dominicales et le Tribunal fédéral lui a donné raison en février. Or il y a peu, plutôt que d'exiger la fermeture ce jour-là, le canton des Grisons a renouvelé son autorisation d'ouvrir le dimanche. Unia a à nouveau fait recours et appelle le Conseil fédéral à prendre ses responsabilités.

Landquart, petite commune située juste à l'entrée des Grisons, au départ de deux vallées. Derrière la gare, coincé entre les voies ferrées et l'autoroute, s'étend, le long d'une unique rue, un centre commercial à ciel ouvert. Une reconstitution grandeur nature d'un village touristique. Mais de tourisme, il n'y a rien à la ronde, sauf l'envie et la volonté de capter des chalands. Et là, tout est organisé. Un parking au nord, non loin de la gare, un autre au sud. Les deux entrées principales de ce temple de la consommation se trouvent à proximité de ces parkings. Pour y pénétrer, il faut franchir une porte grillagée et surveillée par caméra. Et là, des deux côtés de la rue, se trouvent plus de 80 boutiques de mode, de chaussures, de chocolats et même de casseroles de marque. Ce centre commercial, du nom de Designer Outlet Landquart, a été construit il y a 5 ans. Et depuis 5 ans, il vit dans l'illégalité la plus totale, en ouvrant ses portes de 10 heures à 19 heures tous les jours de la semaine, dimanche compris!

Arrêt du Tribunal fédéral bafoué
En février dernier, le Tribunal fédéral donnait raison à Unia. Le syndicat avait dénoncé le non respect de la loi sur le travail, ce centre n'étant pas dans une zone touristique et ne répondant de surcroît pas aux besoins des voyageurs. En application de l'arrêt du Tribunal fédéral, le centre commercial aurait dû fermer ses portes le dimanche. Mais il n'a pas obtempéré, et cela avec l'appui des autorités grisonnes... Récemment, l'Office du travail du canton des Grisons a donné une nouvelle autorisation au Designer Outlet Landquart pour les ouvertures dominicales, prenant notamment appui sur le fait que des motions, comme la motion Abate souhaitant favoriser le tourisme commercial de luxe, sont en cours de traitement au niveau national.
Cette décision a fait bondir le syndicat Unia qui a annoncé le dépôt de deux recours, l'un auprès du canton contre cette nouvelle autorisation, et l'autre auprès du Conseil fédéral. «Le canton des Grisons feint d'ignorer la législation sur le travail. Il se couche pour une raison obscure devant le diktat d'un seul centre commercial et use de prétextes pour ne pas appliquer la loi» réagit Arnaud Bouverat, membre de la direction du secteur tertiaire d'Unia. «Il est déjà clair qu'il y a 5 ans, quand le centre a reçu l'autorisation d'ouvrir, tout le monde savait que l'ouverture du dimanche n'avait aucune base légale. Le canton des Grisons voulait considérer tout le canton comme une zone touristique alors que la loi et la jurisprudence ne le permettent pas. Le TF a été clair: à Lausanne, les commerces peuvent ouvrir le dimanche à Ouchy, lieu touristique. Cela ne n'est bien entendu pas le cas au nord de Lausanne, dans un quartier d'habitations comme Bellevaux. La persistance des autorités grisonnes à soutenir ces ouvertures laisse planer de sérieux doute sur le respect de l'Etat de droit», ajoute le syndicaliste, qui dénonce également la «passivité alarmante» du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), pourtant compétant sur le sujet.
Mais comment se fait-il qu'une décision du Tribunal fédéral (TF), plus haute instance judiciaire du pays, ne soit pas appliquée? «C'est digne d'une république bananière!» tonne Arnaud Bouverat. «C'est pour cela que nous allons recourir au Conseil fédéral. Selon la loi sur le Tribunal fédéral, le gouvernement est garant de l'exécution des arrêts du TF. On peut faire appel à lui en cas de non application. Un tel recours est extrêmement rare. Nous avons saisi toutes les voies de droit, au niveau cantonal et jusqu'au TF. Maintenant, c'est aux autorités politiques de prendre leurs responsabilités. Soit le Conseil fédéral a encore un pouvoir et fait respecter les institutions, soit le Conseil d'Etat des Grisons sous la coupe d'un centre commercial fait ce qu'il veut. Le verdict sera déterminant...» 


Sylviane Herranz


Le Conseil fédéral ouvre les vannes de la libéralisation
Le gouvernement fait fi de l'avis des cantons et des syndicats sur son projet de loi fédérale sur les heures d'ouverture des magasins

Le Conseil fédéral a lancé la semaine dernière une nouvelle offensive pour libéraliser les horaires des magasins en Suisse. Il confirme son intention de fixer un cadre «minimal» aux ouvertures des commerces, soit de 6h à 20h la semaine et de 6h à 19h le samedi. Ce projet de loi fédérale fait suite à une motion du démocrate-chrétien tessinois Filippo Lombardi et a été soumis en consultation ce printemps. Il a recueilli l'opposition de la totalité des cantons, sauf du Tessin, et des syndicats, mais le Conseil fédéral n'en a aucunement tenu compte.
D'où la colère exprimée tant par l'Union syndicale suisse (USS) que par Unia. Tous deux dénoncent une loi inacceptable et une fuite en avant qui péjorera gravement les conditions de travail dans au moins deux tiers des cantons, avec des journées à rallonge pour le personnel de vente, du stress supplémentaire, des problèmes dans la vie familiale. Par ailleurs, tant l'USS qu'Unia rappellent que la population de nombreux cantons se sont opposés à des extensions des heures d'ouverture des magasins ces dernières années, cela dans 13 votations sur 15. «Pour la Suisse romande, ce projet de libéralisation est un véritable bulldozer», s'indigne Arnaud Bouverat, de la direction du secteur tertiaire d'Unia. Ce sont en effet les cantons romands qui seront les plus touchés. Les horaires y sont encore limités, avec par exemple des fermetures le samedi à 16h à Fribourg ou à 17h en Valais, à Neuchâtel et dans le Jura. «En Suisse allemande, où les horaires sont en grande partie plus étendus, cela n'apportera pas davantage d'harmonisation comme le prétendent les partisans de cette loi, mais poussera au contraire les cantons à aller plus loin.»
La discussion sur le projet de loi pourrait avoir lieu fin 2015 aux Chambres. Si la nécessité d'un référendum a déjà été exprimée, il appartiendra aux instances d'Unia, comme de l'USS d'en décider. Mais d'ici là, les conseillers aux Etats auront peut-être à cœur de respecter l'avis de leur canton et de faire capoter le projet...

SH