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Bonjour la gratitude

Le principe du mouchoir jetable. Difficile de se départir de ce sentiment à la lumière de l’histoire de Sangar Ahmad vivant à Vevey. Rappelez-vous, ce jeune réfugié kurde irakien avait défrayé la chronique après que les autorités fédérales avaient décidé de le renvoyer dans son pays. Et pour cause. Le requérant débouté de 34 ans, employé par une entreprise d’entretien et de nettoyage, œuvrait en première ligne contre le coronavirus, travaillant à la désinfection de nos hôpitaux, cliniques privées et bureaux de Suisse romande. Il avait bénéficié d’un premier sursis à son départ, autorisé à rester jusqu’au 13 avril, puis d’un second portant la date butoir au 30 juin. Non pas pour des raisons d’empathie ou dans le but d’explorer la possibilité de lui octroyer un permis humanitaire. Mais bien parce que l’homme luttait contre la propagation de la pandémie. Pour notre sécurité sanitaire. Aujourd’hui, quand bien même le Covid-19 n’a pas disparu, le couperet est tombé. L’expulsion a été prononcée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) au 31 juillet.

L’humanité hors jeu. Le destin de Sangar Ahmad, arrivé dans nos frontières en 2017, a suscité un large émoi dans son entourage. Cet ancien professeur de langues dans son pays qui réalise aussi des films, maîtrisant le français, s’est parfaitement intégré en Suisse. Indépendant financièrement, loué pour son travail par son patron, il n’a en outre eu de cesse de s’engager pour la collectivité, proposant bénévolement ses services dans le cadre de différents événements culturels. Le sentiment d’injustice généré par la décision de renvoi a ainsi poussé plus de 10000 personnes à signer une pétition plaidant en sa faveur. Ce texte se trouve aujourd’hui en attente de traitement par le Parlement du canton de Vaud. Une démarche citoyenne foulée au pied par le SEM qui, intraitable, n’a pas attendu d’en connaître l’issue. Dans les rouages de l’administration, le ressortissant irakien n’est qu’un numéro de dossier. Un candidat anonyme qui ne correspond pas aux critères extrêmement stricts nécessaires au sésame de l’asile. Un être que les personnes qui le jugent n’apprendront probablement jamais à connaître.

Avenir entre parenthèses. Reste que Sangar Ahmad, qui a fui sa patrie en raison de persécutions de nature politique, ne peut y retourner, par crainte pour sa vie. Quid alors de son futur? L’homme va se retrouver à l’aide d’urgence. Avec, entre autres, comme corollaire, une interdiction d’exercer une activité lucrative. Une restriction de mouvement. Des moyens de subsistance misérables. Une aberration totale au regard de la trajectoire modèle du requérant débouté. Et cela alors que les autorités auraient pu prolonger son autorisation de travail, puisqu’un article de loi offre des possibilités dans ce sens lors de situations particulières. Autant dire que la Suisse a une drôle de manière de remercier les personnes qui ont pris des risques pour sauver des vies. Elle n’hésite pas davantage à exiger le départ de ce héros du quotidien vers un Etat qu’elle a placé, en ce qui concerne la pandémie, sur liste rouge.