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Biomill fait grève pour un plan social

La quinzaine de travailleurs de Biomill a mené une grève d'avertissement pour exiger du respect et un plan social

Après avoir racheté Biomill SA à Granges-Marnand (Vaud), la grande coopérative Fenaco a décidé de délocaliser cette usine de production de croquettes pour animaux à l'étranger. 15 emplois seront supprimés dès le mois d'août. L'entreprise a refusé d'entrer en matière sur un plan social jusqu'au 7 avril, date à laquelle les travailleurs ont mené une grève de 24 heures.

Aucune croquette pour chiens ne sort plus de l'usine. Dès 5 heures du matin, ce 7 avril, les machines se sont arrêtées. Dans la cour du bâtiment, quelques travailleurs se rassemblent. Soleil, café, drapeaux d'Unia et banderoles dans le vent égaient ce paysage industriel de Granges-Marnand dans la Broye vaudoise. Une grève d'avertissement de 24 heures vient d'être déclarée. La quinzaine d'employés concernés, dont dix affectés à la production, est soudée et solidaire. Le personnel réclame un plan social à la direction. Depuis que Biomill SA a annoncé sa fermeture pour fin août, après son rachat par le groupe Fenaco le 1er janvier dernier, le nouveau propriétaire a toujours refusé d'entrer en matière sur leur requête. Unia a réclamé à plusieurs reprises une rencontre avec la direction. En vain... La grève s'est alors imposée. «Depuis l'annonce de la délocalisation de l'usine vers l'Italie le 11 janvier, on nous laisse dans le flou. Le bureau semble se préoccuper uniquement du chiffre d'affaires et ne montrer aucun respect envers ses employés, dont la plupart sont là depuis environ dix ans», témoigne Osama Salama, 43 ans, qui ne craint pas que son nom figure dans le journal: «Dans mon pays d'origine, l'Egypte, on vient de faire la révolution alors ça m'est égal de me montrer», sourit l'ouvrier.

L'humain, le laissé-pour-compte
Plus qu'une lutte pour obtenir une indemnisation, la grève de Biomill apparaît comme un combat pour une dignité bafouée par la logique de la hausse de la rentabilité: «Nous avons une équipe de travail sympa, un peu comme une famille. Une superambiance qu'on ne retrouve pas ailleurs. Et maintenant chacun doit partir de son côté... La boîte est vendue pour faire plus d'argent, et nous alors?», s'indigne un collègue. Une secrétaire administrative abonde: «Il ne s'agit pas seulement du rachat d'une entreprise, mais des implications personnelles qu'il entraîne pour les employés. Il ne faut pas prendre cela à la légère!»


Plan social indispensable
Jusqu'à présent, la Fenaco a considéré que sa responsabilité se résumait à tenter de trouver de nouveaux postes de travail à son personnel. Pierre-André Charrière, secrétaire syndical à Unia Vaud, se dit choqué par cette vision étroite: «Il faut prendre en compte le fait que certains salariés vont redémarrer à zéro, sans les avantages acquis au cours des années de service. Ils devront se déplacer loin de leur domicile et n'auront aucune sécurité de l'emploi durant leur temps d'essai. D'autres collaborateurs devront entreprendre des formations pour se mettre à niveau ou même se recycler. Tous ces aléas impliquent des coûts importants. En général, les entreprises jouent le jeu et octroient un plan social à leur personnel.»

Gros bénéfices de Fenaco
Unia réclame donc que chaque travailleur concerné touche plusieurs mois d'indemnités, pondérées par les années d'ancienneté, l'âge et les personnes à charge. Tous devront en bénéficier, indépendamment du fait qu'ils aient retrouvé un travail ou non. «Le plan social que nous avons proposé est modeste par rapport à ce qu'ont donné d'autres entreprises. Le coût global dans le cas de Biomill se situe aux alentours de 300000 francs.» Une somme très mesurée comparée aux 241 millions de francs de résultats d'exploitation de la Fenaco pour 2009. La coopérative a même décidé en 2010 de rétribuer les parts sociales détenues par leurs propriétaires pour un total de 7,3 millions de francs.
La grève semble avoir débloqué la situation. Le jour même dans l'après-midi, des discussions avec la direction locale ont eu lieu sur le site pendant près de trois heures: «Les responsables de la Fenaco nous ont déclaré qu'ils disposaient en fin de compte d'une enveloppe pour un plan social qui s'approchait du montant que nous réclamions. Mais nous n'avons pas pu négocier davantage.» Un rendez-vous a été pris avec la direction nationale ce lundi, à l'heure où nous mettons sous presse. En cas de blocage, le personnel n'excluait pas d'autres mesures de lutte pour cette semaine...


Christophe Koessler