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Barbey : la colère gronde

Les négociations devant l'Office de conciliation n'ont pas encore abouti et les représailles contre les grévistes pleuvent

Il y a cinq mois, les salariés de Barbey SA à Granges-Marnand faisaient grève pour le paiement de l'intégralité de leurs heures travaillées. Les négociations devant l'Office de conciliation sont au point mort. Juste avant l'ouverture d'une nouvelle étape de la procédure, le syndicat a informé de la situation au sein de l'entreprise et présenté un récent jugement des Prud'hommes qui pourrait faire avancer les choses.

«Si aucune solution n'est trouvée d'ici à Noël, nous ne garantirons plus la paix du travail», avertit Pierre-André Charrière, secrétaire syndical d'Unia. Des propos tenus jeudi dernier, lors d'une conférence de presse où il exprimait le fort mécontentement existant chez les salariés de Barbey SA à Granges-Marnand, dans la Broye vaudoise. Car 5 mois après leur grève de 2 jours et demi, les 25, 26 et 27 mai derniers, les discussions devant l'Office de conciliation, saisi par la direction, se sont soldées sur un échec.
Le personnel de cette entreprise alimentaire, préparant pizzas et sandwichs pour des enseignes comme Migros ou Manor, exigeaient de leur patronne qu'elle paye l'ensemble des heures travaillées. Les décomptes de la timbreuse étaient en effet modifiés pour ne tenir compte que du temps de travail prévu pour une tâche et non celui réellement effectué. Des heures négatives étaient également comptabilisées. Or depuis la saisie de l'Office de conciliation, fait impliquant la paix du travail et la suspension de la grève, la direction n'a pas modifié sur le fond son mode de faire. Elle n'a pas non plus obtempéré à la demande du Service de l'emploi, transmise fin mai après un contrôle, de se mettre en conformité avec la loi sur ce point. D'autres irrégularités ont encore été constatées par le syndicat, comme la déduction de la pause du matin et de minutes prises par les employés pour se rendre de la timbreuse à leur poste de travail...

Brimades et représailles
Mais ce n'est pas tout, dénonce Pierre-André Charrière. «La direction, explique-t-il, ne respecte pas l'engagement pris le 25 juin sous l'autorité de l'Office de conciliation de ne pas exercer de mesures de représailles à l'encontre des employés ayant pris part à la grève.» Or les trois déléguées du personnel en sont victimes: l'une d'elle a subi des reproches systématiques et a été licenciée pour des motifs futiles en pleine période de négociation devant l'Office, une autre doit supporter des reproches à répétition sur le travail de sa chaîne de production et a risqué d'être licenciée. La troisième, en arrêt maladie, se voit contester son certificat médical, pourtant confirmé par le médecin-conseil de l'entreprise! D'autres grévistes subissent également des brimades ou des accusations blessantes. Selon le syndicaliste, une salariée aurait même été entraînée dans les WC par la directrice qui a tenté de lui enlever son maquillage permanent! Les avertissements pleuvent, des licenciements inacceptables ont également eu lieu, indique-t-il encore.
«Le climat empire au sein de l'entreprise. Les salariés commencent à perdre patience», relève Pierre-André Charrière qui espère toutefois que la nouvelle période s'ouvrant devant l'Office de conciliation aboutisse à un accord. Son président, qui jusque-là tentait de trouver seul une solution, a convoqué un Office élargi où siègeront un représentant syndical et patronal. Une première audience devait se tenir lundi passé, à l'heure où nous mettions sous presse.

Première victoire
Un nouvel élément pourrait débloquer la situation. En effet, un jugement du Tribunal de Prud'hommes a été rendu le 28 octobre dernier et condamne l'entreprise à payer 2700 francs à un travailleur pour 124 heures non comptabilisées. «Ce jugement donne raison aux salariés. Il affirme que les corrections de pointage sont absolument interdites, que les heures négatives accumulées à l'encontre des salariés sont entièrement fictives et que toutes les heures effectuées en plus des 42 heures prévues par le contrat doivent être payées», explique Pierre-André Charrière. Pour lui, ce premier jugement est une victoire pour tous les salariés qui ne demandent qu'à être payés pour le travail réalisé. «Il va très certainement peser lourd dans la procédure en cours». 


Sylviane Herranz

 

 

«Je ne suis pas venu pour travailler gratis!»
«Je suis très content et j'espère que ce jugement va aider les autres». Helder Manuel Fernandes Costa est le premier salarié de Barbey SA à avoir saisi la justice pour réclamer ses heures non payées. Cinq autres procédures sont en cours aux Prud'hommes. Le jeune Portugais, arrivé en Suisse il y a 3 ans, a travaillé un an et demi chez Barbey, jusqu'en janvier 2010. Il a été licencié à son retour de vacances, sous prétexte qu'il était parti le vendredi après-midi quand bien même son chef lui en avait donné l'autorisation. «Dès mon arrivée en Suisse je me suis syndiqué. Quand j'ai commencé chez Barbey, tout le monde parlait de ce problème d'heures. Depuis le début, je les ai notées. J'étais le premier à agir de la sorte. Et grâce à ça, j'ai pu gagner. Je ne suis pas venu en Suisse pour travailler gratuitement!» raconte Helder Manuel. Il travaille aujourd'hui dans une boulangerie où toutes ses heures sont notées et payées. «Ça montre que c'est possible!»


SH