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Au turbin non-stop

Au boulot jusqu’à pas d’heure y compris le samedi et le dimanche... Les collaborateurs qui n’enregistrent plus, ou seulement de manière simplifiée, les heures consacrées à leur activité professionnelle passent nettement plus de temps au turbin que les autres. Voilà le constat sans appel mis en lumière par l’étude de l’Université de Genève, à la demande du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), sur l’impact des nouvelles règles en la matière introduites en 2016. Rappelons que ces dernières prévoient, pour les salariés touchant un revenu annuel dès 120 000 francs et au bénéfice d’une large autonomie, la possibilité de déroger à la saisie des heures travaillées. Mauvaise idée même si le Seco note que les conclusions de la recherche n’autorisent pas pour autant de raccourcis relatifs à une augmentation du stress. Sauf, nuance-t-il, en l’absence de mesures de d’accompagnement. Des dispositions dont bénéficient seulement... 60% des salariés interrogés sur les plus de 2000 ayant participé à l’enquête. De quoi laisser songeur, sachant qu’il s’agit d’une obligation légale. Visiblement pas une priorité des employeurs.

Sans surprise, les travailleurs soumis à ce nouveau régime peinent à concilier vie privée et vie professionnelle même si l’équilibre resterait bon, note le Seco. Autant dire que l’interprétation de l’étude offre des lectures variables. Le Secrétariat d’Etat reconnaît lui-même que des analyses sur le plus long terme seront nécessaires pour tirer des conclusions définitives sur la santé des personnes concernées. On peut donc, sans se soucier, continuer à presser les employés. On peut exiger qu’ils persistent à tirer sur la corde puisque, pour l’instant, elle ne semble pas encore prête à se rompre. De son côté, Unia retient surtout que l’abandon d’enregistrement des horaires a, comme pressenti, ouvert la porte à des semaines de labeur sans fin, ou presque. Dans ce domaine, voir le verre à moitié vide relève du bon sens. D’autant plus que des récentes études sur la santé des employés ont clairement démontré une aggravation du stress et de l’épuisement professionnel. Un accroissement des troubles psycho-sociaux et de la souffrance au boulot. Pas de quoi ébranler la droite bourgeoise qui a défendu la dérogation introduite. Une brèche susceptible d’être suivie par d’autres. L’initiative parlementaire du PDC lucernois Konrad Graber, visant à une annualisation du temps de travail des cadres et des spécialistes, reste dans le pipeline. Avec des semaines qui pourraient atteindre 67 heures de travail. Des dimanches qui ne se distingueraient plus des autres jours. Au nom d’une modernisation du droit du travail, d’une flexibilisation prétendument garante de la compétitivité des entreprises. D’une pseudo-nécessité d’en faire toujours davantage dans des délais plus courts. Sans égard pour la santé des salariés. Faisant fi de la dégradation de leur protection – on se rappelle, au passage, le refus des élus de reconnaître le burn-out comme une maladie professionnelle, une démarche qu’avait entreprise le conseiller national socialiste valaisan Mathias Reynard... Quoi qu’il en soit, les syndicats ne manqueront pas de combattre fermement le projet Graber et toute autre déréglementation. L’enregistrement du temps de travail reste un outil essentiel dans la prévention du stress, de la surcharge et un pare-feu contre les heures non rémunérées...