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Neuchâtel: le mouvement dépasse les espérances

Plus de 400 grévistes désertent une cinquantaine de chantiers pour manifester

«Le succès de ce mouvement a dépassé toutes nos espérances.» Eric Thévenaz, secrétaire régional d'Unia Neuchâtel, a toutes les raisons d'exulter. Plus de 400 ouvriers du gros œuvre ont en effet fait grève sur plus d'une cinquantaine de chantiers dans le canton. «C'est deux fois plus que pour la grève de 2002 en faveur de la retraite à 60 ans: c'est le signe que les travailleurs sont déterminés à aller jusqu'au bout pour défendre leurs conditions de travail», ajoute Aldo Ferrari, coordinateur de l'opération.

Chantiers désertés
Tout a démarré vers six heures le matin. Dans une pénombre plombée par un épais brouillard, des équipes syndicales collent les affichettes «chantier en grève» sur les baraquements des ouvriers, aux quatre coins du canton. A Marin, le grand chantier Migros reste désert. Un cadre visiblement énervé arrive en trombe avec sa voiture et s'engouffre dans sa cabane technique, mâchoires serrées et regard hostile. A quoi bon? Personne, aujourd'hui, ne viendra l'accompagner. Ses collègues sont partis à la salle du Faubourg de l'Hôpital, à Neuchâtel, lieu de rassemblement des grévistes du canton. Autre scénario à Serrières, sur le vaste chantier de l'usine Philip Morris. Là, quelques maçons égarés tentent de venir travailler, malgré la consigne de grève. Mais leurs collègues les en dissuadent. Les piquets de grève laissent passer les gars des métiers du second œuvre. Mais quelques-uns de ces derniers se joignent spontanément au mouvement, comme ce groupe de chauffagistes bien déterminés à poser les outils. Plus loin, quatre ouvriers spécialisés dans la ventilation sont visiblement déboussolés. Leur jeune patron s'énerve. «Qu'est-ce que c'est cette grève? C'est pas notre problème.» Quelqu'un le met au courant. Il se ravise. «Je peux les comprendre: sans convention dans le gros œuvre, on va tous y perdre.»

Manif dans les rues et chez les patrons
Progressivement, la salle du Faubourg se peuple de grévistes amenés depuis leurs chantiers en cars et minibus affrétés spécialement pour l'occasion. Au milieu de la matinée, ils sont plus de 400 à voter une résolution condamnant fermement le diktat de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) et demandant son retour à la table des négociations. Jean-Claude Rennwald, responsable de l'horlogerie au comité directeur d'Unia, apporte le message de soutien des salariés de l'industrie: «L'attitude des dirigeants de la SSE est une provocation à l'égard de l'ensemble des travailleuses et travailleurs du pays.»
Après une bonne platée de spaghettis bolognaise partagée en toute convivialité, les grévistes se regroupent pour une manifestation. Massés derrière une banderole «Pas de convention, pas de maçon», ils arpentent les rues de Neuchâtel en criant des slogans avec une force impressionnante, traduisant leur détermination à se battre jusqu'au bout.
En milieu d'après-midi, les maçons et constructeurs de routes s'engouffrent dans des autocars, direction Colombier, histoire de déverser leur colère devant le siège de la Fédération neuchâteloise des entrepreneurs et de remettre une résolution à son secrétaire, Jean-Claude Baudoin. Ce dernier, interrogé par la presse, se dit persuadé qu'«il y aura une nouvelle CCT en 2008». Un ouvrier commente: «Pour cela, c'est aux dirigeants de faire le pas, sinon ils verront jusqu'où nous sommes capables d'aller pour nous faire respecter: ce qu'on fait aujourd'hui, ce n'est qu'un petit échantillon.»

Pierre Noverraz