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La coupe est pleine

En l’espace d’un mois, TX Group a annoncé la suppression de plus de cent postes de travail dans les titres de Tamedia et de 20 Minutes: 56 emplois passent à la trappe en Suisse romande, près de 30 de l’autre côté de la Sarine et environ 20 collaborateurs externes perdent leur contrat.

Le personnel, soutenu par Impressum et Syndicom, peine malheureusement à se mobiliser et à organiser une riposte à la hauteur. Il faudrait exiger l’organisation d’une véritable procédure de consultation et envisager des mesures de lutte. Ce n’est qu’en tapant dans le tiroir-caisse que l’on pourra faire reculer TX Group.

Depuis longtemps l’éditeur zurichois a fait de ses journaux des pompes à fric visant à financer des acquisitions dans d’autres segments et à dégager de juteux bénéfices. Pour maintenir des rendements élevés, la société a réalisé des coupes successives dans les effectifs. «En 2009, Edipresse comptait 1500 employés, c’était le fleuron de la presse romande, aujourd’hui nous sommes à peine 400», a constaté le président de la Société des collaborateurs de 24 heures, Erwan Le Bec, lors du rassemblement du 31 octobre devant la Tour Edipresse. En compressant son personnel, en vampirisant les journaux, le groupe zurichois a pu, depuis son entrée en Bourse en 2000, distribuer plus d’un milliard de francs aux actionnaires, principalement les membres de la famille Supino-Coninx. En 2022, TX Group a encore réalisé un bénéfice de 123 millions et versé 47,7 millions de dividendes. Licencier dans de telles circonstances ne devrait pas être autorisé. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’une entreprise de presse.

Car ces réductions d’effectifs ne touchent pas seulement des journalistes condamnés à se reconvertir, elles contribuent directement à un appauvrissement de la diversité médiatique. Ce qui n’est pas sans conséquence, sachant que près de la moitié des contenus médiatiques consultés en Suisse romande sont produits par TX Group. Rappelons que nous avons toujours besoin des journalistes pour aller chercher des infos et les vérifier. Et même plus que jamais, alors que les conflits s’étendent dans le monde, que des fake news sont diffusées massivement sur les réseaux sociaux et qu’une partie de nos concitoyens s’enferment dans des bulles informationnelles. Même s’ils ne sont pas exempts de critiques, les médias restent indispensables pour certifier l’information, mais aussi confronter les avis et alimenter le débat, former l’opinion, cultiver nos identités cantonales et, finalement, faire vivre la démocratie. En ce sens, ils jouent un véritable rôle de service public.

Si Raphaël Mahaim, candidat écologiste au Conseil des Etats, et Hadrien Buclin, député d’Ensemble à gauche, sont intervenus au rassemblement du 31 octobre, les politiques, globalement, peinent à saisir ces enjeux. Comme à chaque annonce de charrettes de licenciés, au lieu de taper du poing sur la table, nos autorités se sont contentées d’exprimer, par communiqué, leur «préoccupation». Mot pour mot, ces mêmes communiqués pourront être repris dans un mois ou un an, à l’occasion de la prochaine saignée. Pas de quoi effrayer les liquidateurs zurichois.

Nous avons besoin d’une nouvelle loi fédérale sur les médias qui protège le travail des journalistes et donne des moyens aux médias. Aujourd’hui, l’aide à la presse se résume à un rabais postal pour la distribution des journaux aux abonnés. Et n’ayons pas peur de dire qu’il n’est pas acceptable qu’une entreprise cotée en Bourse, qui a pour seul objectif le profit, pèse d’un tel poids dans le paysage médiatique. Le Temps a pu être soustrait à cette logique, il faut que d’autres titres suivent. Avant qu’il ne soit trop tard.