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22, voilà les flics!

Dans son dernier rapport "Police, justice et droits humains", Amnesty international dénonce des pratiques inquiétantes

Recours excessif à la force, mauvais traitements, racisme: Amnesty International dénonce dans son dernier rapport des pratiques policières violant les droits humains en Suisse. Témoignages à l'appui, l'organisation estime la situation pour le moins préoccupante et a complété sa publication par une liste de recommandations. Elle demande par ailleurs que tous débordements soient sanctionnés, la quasi-impunité étant le plus souvent la règle dans le milieu.


1er mai 2001, centre de refoulement valaisan de Granges: âgé de 27 ans, Samson Chukwu meurt dans sa cellule d'une asphyxie posturale. Ce drame, raconte en substance Amnesty International (AI) dans son rapport, intervient alors que le détenu, opposant une résistance aux deux agents chargés de l'escorter en vue de son expulsion de Suisse, est finalement maîtrisé par la force: un agent s'est assis sur son abdomen et lui a ligoté les mains derrière le dos. L'homme ne se relèvera jamais. Le rapport d'autopsie dressé par l'Institut de médecine légale de Lausanne précise que la position dans laquelle la victime a été maintenue est connue pour être dangereuse. Fin février 2007: en dépit des recommandations du corapporteur du comité des Nations Unies contre la torture, aucune indemnité n'a été versée à la famille du défunt. Les deux policiers n'ont pas été inculpés au motif qu'ils ignoraient les risques inhérents à leur geste.

Violations en tous genres

La trentaine de cas recensés par AI ne sont pas d'égale gravité. Tous présentent cependant, à des degrés divers - allant du décès aux blessures sérieuses et aux atteintes en tous genres à la dignité - une variété de situations où la police a violé les droits humains. Ces agissements ont été répertoriés dans différents contextes, à savoir lors d'interventions contre des requérants d'asile, des Noirs, des altermondialistes, des supporters de football ou encore des mineurs. Ils font notamment état d'actes dégradants, comme la fouille corporelle intégrale de personnes sur la voie publique, de comportements discriminatoires assortis de discours racistes, de détentions arbitraires, d'usage disproportionné de la force ou du recours à des équipements pouvant présenter des risques sur la santé. Sont notamment cités à ce dernier chapitre les ceintures, chaises d'immobilisation, gaz lacrymogènes, balles colorantes, grenades étourdissantes.

Le choix des armes
«Un cadre réglementaire détaillé doit fixer les conditions et les mécanismes de contrôle de l'utilisation de ces technologies», réclame l'ONG particulièrement alarmée par l'introduction dans certains corps de police d'une arme à électrochoc de type Taser. Ce pistolet est relié à deux fléchettes qui transmettent une décharge électrique paralysante de 50 000 volts. «Leurs effets n'ont pas été étudiés de manière assez rigoureuse et indépendante... Le nombre de décès liés aux Tasers entre juin 2001 et février 2007 s'élève à 230 aux Etats-Unis et au Canada.» AI dénonce aussi les risques liés à la délégation de tâches policières à des entreprises de sécurité privées. Cas de dérapages à l'appui, l'organisation relève que la plupart des agents de ce domaine ne bénéficient pas de formation suffisante pour affronter d'éventuelles situations de violence. Ils ne sont pas plus informés des questions liées aux droits humains. Mêmes inquiétudes concernant le recours à l'armée lors d'événements particuliers.

En toute impunité ou presque

Enfin l'ONG s'insurge vivement contre la quasi-impunité dont jouit la police et dénonce le parcours du combattant que doivent emprunter les personnes victimes de violations de droits pour tenter de se faire entendre, voire obtenir réparation. «Plusieurs témoins déclarent avoir été empêchés de porter plainte. D'autres ont fait état de menaces en cas de dépôt de plainte.» A ce sujet, cité par AI, le comité des Nations Unies contre la torture a d'ailleurs recommandé à la Suisse, en juin 2005, «d'encourager tous les cantons à instituer un mécanisme indépendant pour que les plaintes contre les agents de police concernant des actes de torture et de mauvais traitements soient acceptées». AI se dit encore très préoccupée par des allégations de personnes relevant des violations de la procédure lors d'enquêtes policières: manipulation de procès-verbaux, mesures d'intimidation à l'égard de témoins. Une impartialité à géométrie variable et des pratiques qui laissent pour le moins songeur. Avec, à la clef, un certain malaise qui rend l'uniforme guère rassurant...

Sonya Mermoud