Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Syndicats et patrons au front

Ensenble ils demandent au Parlement de renvoyer à l'expéditeur le projet de démantèlement de l'assurance accidents

Augmenter les cotisations et diminuer drastiquement les prestations, bien que l'assurance accidents fonctionne à merveille et qu'elle soit dans les chiffres noirs. Tel est le contenu de la révision qui sera prochainement soumise au Parlement, pour satisfaire aux appétits des assureurs privés. Une révision contre laquelle s'élève une fronde «inhabituelle», alliant syndicats et patrons de la construction et des arts et métiers.

Ratée, bâclée, absurde, inutile, scandaleuse. Tels sont les principaux qualificatifs utilisés à l'encontre de la révision de la Loi sur l'assurance accidents (LAA), qui sera discutée au Conseil national les 22 et 23 septembre prochains. Des qualificatifs entendus lors d'une conférence de presse pour le moins inhabituelle, où syndicats et patrons de la construction et des arts et métiers s'étaient réunis pour exiger le retour à l'expéditeur, soit au Conseil fédéral, du projet de révision. Faute de quoi ils s'y opposeraient de toutes leurs forces par voie référendaire.
Pourquoi une telle alliance? Parce que la révision de la LAA, fruit des pressions incessantes des assureurs privés pour s'octroyer des parts de gâteau (rentables) des assurances sociales, pénaliserait autant les travailleurs que les employeurs.

Finances saines
«Gérée par les partenaires sociaux via la Suva, l'assurance accidents est un modèle de succès. Avec l'AVS, elle est la mieux financée des assurances sociales, ses comptes sont sains et elle ne coûte pas un centime à la Confédération», a rappelé Paul Rechsteiner, président de l'Union syndicale suisse (USS), évoquant aussi l'important rôle joué par la Suva dans la prévention des accidents. Ce modèle de partenariat social a également été salué par le conseiller national Werner Messmer, président de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) et représentant d'une plate-forme d'associations de branches assurées auprès de la Suva. Cette plate-forme compte 60000 entreprises et plus d'un million de salariés. «Il n'est pas admissible et compréhensible que cette assurance fonctionnant à merveille doive sans nécessité aucune être péjorée. Aussi, la révision de la LAA sous cette forme est-elle totalement inacceptable», a-t-il déclaré. Même discours du côté de la faîtière patronale des arts et métiers, l'Usam. Son directeur, Hans-Ulrich Bigler, a loué le rapport prix-prestations très avantageux pour les PME et le fait que la politique de la Suva a permis de baisser progressivement les primes ces dernières années alors que les charges sociales ne font qu'augmenter. L'Usam s'oppose ainsi à cette révision, contenant «des dispositions susceptibles de constituer une véritable menace pour de nombreuses entreprises».

Pressions des assureurs
L'Usam désapprouve encore «la manière dont les assureurs privés, qui souhaiteraient volontiers s'assurer des possibilités de gain supplémentaires, ont fait pression sur le Parlement». Son directeur cite le cas de Werner Messmer lui-même, libéral radical «prié» par son parti de céder son siège à la commission chargée d'étudier le projet à un élu plus amène à l'égard des assureurs...
Pour sa part, Andreas Rieger, coprésident d'Unia, a lui aussi fustigé les assureurs privés qui supportent mal la Suva, laquelle «travaille à des coûts imbattables». La Suva «prouve qu'un monopole partiel est rentable et qu'il assure d'excellentes prestations à un prix avantageux - la Suva faisant beaucoup mieux que les assurances privées».

Mesures drastiques
Les mesures prévues par cette révision touchent au financement de la LAA, aux prestations, et au monopole de la Suva. D'une part, il est question de faire passer le gain assuré de 126000 francs annuel à 100000 francs. Une baisse qui provoquerait un trou de 160 millions de francs par an, qu'il faudrait compenser par une hausse de 2% des cotisations. Une mesure qui aurait aussi pour conséquence de ne plus assurer les cadres des PME ou de la construction sur l'entier de leur salaire, d'où la nécessité pour les entreprises de conclure des assurances complémentaires.
Une autre mesure prévoit d'augmenter le degré d'invalidité minimal de 10% à 20%. Un tiers des nouvelles rentes, dont bénéficient principalement les travailleurs manuels, ne seraient ainsi plus octroyées. Un menuisier dont la main serait happée par une machine et qui perdrait de la motricité fine, touche actuellement une rente correspondant à la perte de salaire qui découle de son invalidité, par exemple 15%. Sans rente, il pourrait exiger de son patron, si la preuve d'une négligence est apportée, de lui payer ce manque à gagner. Un retour à ce qui prévalait au 19e siècle, avant l'introduction de l'assurance accidents.
La révision prévoit en outre de diminuer les branches soumises obligatoirement à la Suva, en ne gardant que les «mauvais risques», comme la construction où le nombre d'accidents est élevé. Cette atteinte à la solidarité aurait des répercussions sur les primes alors que les privés n'assureraient que les «bons risques».
Un point de désaccord existe toutefois entre syndicats et patrons: la suppression de la surassurance offrant aux retraités AI de meilleures prestations que les retraités AVS. Les syndicats s'y opposent vivement, car cela représenterait une baisse massive des rentes pour les retraités concernés, alors que les patrons souhaitent la disparition de la surassurance dans le nouveau projet demandé au Gouvernement. 


Sylviane Herranz