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Sur les traces de l’Apollon de Gaza

Image tirée du film "L'Apollon de Gaza" présentant plusieurs bustes alignés sur un mur.
Image tirée du film

Dans son dernier documentaire, le cinéaste Nicolas Wadimoff enquête sur la disparition d’une statue antique à Gaza. Une autre manière de s’intéresser à cette terre meurtrie de Palestine

Pêche miraculeuse. En 2013, une statue d’Apollon, dieu des Arts, de la Beauté et des Divinations, est trouvée au large de Gaza avant de disparaître quelques semaines plus tard dans d’étranges conditions. Nicolas Wadimoff – avec la collaboration de Béatrice Guelpa – décide d’enquêter sur cette énigme. Rumeur ou découverte d’un trésor inestimable? Authentique antiquité ou vulgaire copie? Dans son documentaire, L’Apollon de Gaza, le cinéaste genevois interviewe différents témoins qui ont vu le bronze de leurs propres yeux ou sur des photos. Chacun y va alors de son credo. Qui d’affirmer que le dieu surgi des eaux n’y a guère séjourné et d’attribuer sa découverte à des Bédouins qui l’auraient ramené du Sinaï avant de le jeter dans la Méditerranée. Qui de s’interroger sur l’origine grecque ou romaine de la sculpture et, dès lors, de sa date réelle, influant sur sa valeur historique et marchande. Qui de jurer qu’il s’agit d’un faux. Alors qu’un autre repousse avec force cette hypothèse, précisant que personne à Gaza n’a les moyens de fondre 300 kilos de bronze...

Réalité aux lectures multiples

Intrigue passionnante, l’histoire s’articule autour des informations récoltées auprès de différents protagonistes. Archéologues, membres du gouvernement, journalistes, restaurateur d’objets antiques, etc., donnent chacun leur version sur cet Apollon suscitant moult convoitise et qui s’est aujourd’hui volatilisé. Dans quelles mains est tombée la divinité? L’aile armée du Hamas? Des mafieux? Le gouvernement en place? Des hommes d’affaires? Des collectionneurs? La famille du pêcheur qui l’a découverte et qui espère bien en tirer profit?... Le cinéaste ne valide aucune piste, ni sur les origines de la statue ni sur son éventuel détenteur, laissant le spectateur se perdre en conjectures. Traque captivante d’une vérité polymorphe, le documentaire sert aussi clairement de prétexte à Nicolas Wadimoff pour parler de Gaza. Pour évoquer de manière différente ce territoire meurtri par les guerres et un blocus impitoyable. L’absence de perspectives et de repères. Une réalité aux lectures multiples, à l’image des points de vue contradictoires de ses interlocuteurs. Nicolas Wadimoff promène sa caméra sur cette bande de terre figurant parmi les plus dévastées de la planète, saisissant des bribes du quotidien des Gazaouis. Un contrôle de police. L’appel à la prière. Des jeunes qui plongent dans la Méditerranée, omniprésente ou presque dans ce film délicat, à l’indéniable portée esthétique... Et surtout cette vie qui, toujours, l’emporte. Envers et contre tout. Cette persistance de l’espoir quand bien même tout semble désespérément figé. Avec, en toile de fond, une poésie intemporelle empreinte de mélancolie jetant un pont entre un lointain passé et le présent. Montrant un Gaza existant au-delà de son seul empêchement. Dans le rayonnement de ce mystérieux Apollon propre à lui rendre une part de sa dignité et de sa fierté trop souvent bafouées.

Entre polar et réflexion

Le documentaire permet ainsi à son auteur de revenir sur ce territoire palestinien, matière première de deux autres de ses œuvres, L’Accord et Aisheen, lui qui entretient avec Gaza une relation particulière. Dans une interview réalisée par Vincent Adatte, le Genevois précisera encore: «L’Apollon de Gaza est à la fois une histoire romanesque – un peu à la Blake et Mortimer, Tintin ou encore Les aventuriers de l’arche perdue – et une réflexion sur le temps qui passe, sur les civilisations qui naissent et s’éteignent. Humblement et symboliquement, je souhaitais aussi redonner à Gaza, du moins essayer, un autre statut peut-être plus immuable, au-delà de cette bêtise fracassante qui semble régner aujourd’hui.» Alors que Nicolas Wadimoff soulignera encore, toujours dans le même entretien: «L’impossibilité de cette statue de pouvoir être montrée au grand jour représente aussi l’impossibilité pour le peuple de Gaza d’exister librement.» Un documentaire doublé d’une allégorie de la question israélo-palestinienne, mêlant suspense et envolées philosophiques, à ne pas manquer. Projection dans plusieurs salles romandes.

 

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