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Nous serons enfin entendus

Syndicaliste de la chimie romande, Christian Cretton a été élu à la vice-présidence de la branche d'Unia au niveau national

«En acceptant ce mandat de vice-président de la branche chimie-pharma d'Unia, mon objectif est de pouvoir enfin faire passer la sensibilité romande dans les instances dirigeantes de notre syndicat.» Christian Cretton, opérateur en chimie et membre de la commission du personnel de Syngenta à Monthey, a été élu le 30 avril dernier au tout nouveau présidium de la branche, qui représente les quelque 5000 membres du syndicat actifs dans l'industrie chimique et pharmaceutique suisse. Formé de quatre militants, ce présidium cherche encore un 5e membre, une femme pour une représentation équitable de toutes les sensibilités de la branche. Auparavant, l'instance chapeautant le comité et la conférence des délégués était composée d'un président et de deux vice-présidents systématiquement de sensibilité alémanique. Aujourd'hui, le présidium est représentatif des diversités régionales et professionnelles. Un jeune président, Goran Trujic de Novartis à Stein est entouré de trois vice-présidents: outre Christian Cretton pour la Romandie, Jean-Marc König, frontalier travaillant chez Novartis Bâle représente la pharma, et Jörg Studer de Clariant à Muttenz (BL), la chimie.

Le pouvoir aux militants
«Les militants ont repris du pouvoir. Avant, seuls les anciens du syndicat, proches de l'appareil, étaient entendus. Il n'y aura plus une seule vision», souligne Christian Cretton. La sensibilité romande qu'il va amener est par exemple la défense des conventions collectives applicables aux salariés de la production, face à la volonté d'instaurer des contrats uniques couvrant la totalité des collaborateurs. Cela, en attendant que les cols blancs soient syndiqués dans une proportion presque égale à celle des ouvriers CCT. «Chez Syngenta à Monthey, où il y a environ 900 employés, temporaires compris, 65% du personnel est à la production, donc soumis à la CCT. Et 30% est syndiqué. A Bâle, il y a 90% de cols blancs contre 10% de cols bleus soumis à la CCT. Si l'on mettait tout le monde sous le même contrat, le taux de syndiqués ne serait plus que de 2 ou 3%! Comment négocier une bonne CCT dans ces conditions?»

Droit dans les yeux!
Avec Christian Cretton, nul doute que les ouvriers romands seront bien représentés dans les instances d'Unia! Car cet homme de 56 ans, aux allures de jeune premier, a déjà une longue expérience de l'engagement et de la lutte syndicale. Forte tête, il n'hésite pas à taper du poing sur la table, en regardant son interlocuteur droit dans les yeux - qu'il s'agisse de son patron ou d'un collègue du syndicat ou des commissions d'entreprise - tout en argumentant avec force et sans démordre.
Christian Cretton travaille depuis 22 ans sur le site chimique de Monthey où il a obtenu, en cours d'emploi, le CFC de technologue de production. Sa première formation de menuisier, il l'exercera quelque temps avant de se tourner vers d'autres jobs. Et c'est le premier jour de son apprentissage, à 16 ans, qu'il se syndique à la FOBB. «Difficile de faire autrement, avec un papa syndiqué depuis 40 ans!» sourit-il. Il s'engagera comme jeune militant à la FOBB, avant de laisser le syndicat quelques années, puis rejoindre la Fédération des travailleurs de la chimie et du papier (FTCP) en 1988 quand il «entre à l'usine». Depuis, il cumule les mandats. Membre de la commission du personnel depuis 1997, il est aussi vice-président de la caisse de pension de Syngenta depuis sa création en 2000, vice-président de la commission suisse du personnel de Syngenta depuis 6 ans, et membre du comité européen d'entreprise depuis 2005.

La réalité contre le dogmatisme
«Avec ce mandat de vice-président suisse de la branche à Unia, je veux aussi faire bouger les choses, modifier le poids de l'idéologie afin de discuter plus librement de certaines particularités de la chimie. Dans notre syndicat, l'appareil est très puissant», indique le militant. Des exemples où l'idéologie prime sur la réalité? «Il y a la question des bonus. On ne peut pas être dogmatique car les ouvriers de la chimie touchent, comme les cadres, des bonus en fonction des résultats de l'entreprise et de leurs performances personnelles. Le taux de ces bonus est négocié en même temps que les salaires. Et les montants n'ont rien à envier aux augmententations salariales que l'on arrive durement à décrocher», indique Christian Cretton. Le syndicaliste explique qu'un ouvrier de base peut toucher de 2500 francs - pour les mauvaises années - à 8000 francs de bonus, voire davantage par année.
Autre exemple qui lui tient à cœur: la retraite à 58 ans pour le travail posté. «Le vrai nom du travail en équipe», précise-t-il. Lui-même a travaillé 20 ans en équipe, avec les tournus du matin, du soir, de la nuit. Il sait quelles sont les conséquences sur la santé d'un tel travail. Il s'attelle aujourd'hui, dans la commission du personnel de Syngenta, à développer de nouveaux modèles d'organisation du travail posté. Modèles qui pourraient faire école ailleurs en Suisse. Si depuis deux ans il travaille de jour, dans un programme d'amélioration des procédés, il avoue qu'il lui a fallu ces deux années pour se réadapter à un rythme «normal». Ce qui ne l'a pas empêché d'assumer avec détermination ses nombreux mandats, ce qu'il continuera à faire à l'avenir.

Sylviane Herranz